La jeune pousse québécoise Polystyvert, spécialisée dans le recyclage du polystyrène, a annoncé une ronde de financement pour construire une usine à grande échelle, à Anjou.

Jusqu’ici, Polystyvert n’exploitait qu’une usine de démonstration, ouverte à Anjou en 2018. Cette usine pouvait transformer environ 600 tonnes de polystyrène. La ronde de financement permettra d’ouvrir une usine à grande échelle qui pourrait traiter plus de 10 000 tonnes de polystyrène par an, selon Solenne Brouard Gaillot, fondatrice et directrice de Polystyvert. La première usine servira entre autres à tester de nouvelles méthodes de recyclage.

La quantité de polystyrène que l’entreprise pourra transformer dépendra de l’approvisionnement. « Dans le monde du recyclage, celui qui a accès aux déchets, c’est celui qui a la clé », souligne Solenne Brouard Gaillot.

Le modèle économique de l’entreprise repose sur des « partenaires stratégiques » qui produisent une grande quantité de déchets en polystyrène et qui les vendent à Polystyvert. Afin d’économiser sur les coûts de transport, la styromousse est compressée par une machine avant d’être livrée par camion.

Un partenaire européen

Polystyvert a aussi annoncé qu’elle s’associera avec BEWI Group, une multinationale danoise qui fabrique et exporte des emballages de polystyrène dans plus de 35 pays. À titre d’investisseur, BEWI Group entrera dans l’usine et étudiera comment fonctionne la technologie de recyclage de Polystyvert. « Si on satisfait leurs attentes, ce dont je n’ai aucun doute, ils vont aller de l’avant et construire une usine similaire en Europe », indique Solenne Brouard Gaillot.

« [Cette association], pour nous, c’est un signal extrêmement important », indique Geneviève Tanguay, présidente-directrice générale du réseau d’investisseurs Anges Québec. « C’est un investisseur stratégique qui valide la technologie et le modèle d’affaires de Polystyvert, plusieurs années après son démarrage. »

Outre BEWI Group et Anges Québec, Polystyvert s’est associée avec Quadriam et avec Cycles Capitals, un fonds d’investissement spécialisé dans les technologies vertes. La somme recueillie lors de cette ronde de financement n’a pas été divulguée, mais Anges Québec affirme avoir investi plus de 1 million de dollars pour soutenir l’entreprise.

Un plastique difficile à recycler

Le polystyrène, le fameux plastique numéro six, est couramment utilisé dans divers emballages, en raison de son faible coût. Or, il est particulièrement difficile de le recycler de manière rentable, puisqu’il est souvent transformé en mousse plastique, constituée à 95 % d’air. Sous sa forme brute, il est parfois aussi utilisé pour emballer des aliments, mais son nettoyage est alors dispendieux.

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Le polystyrène, c’est le fameux plastique numéro six, celui qui ne peut pas aller au recyclage.

Au Québec, il est généralement recommandé de jeter le polystyrène directement à la poubelle plutôt que de le mettre au recyclage. Les centres de tri ne savent pas quoi en faire, et il finit généralement dans les dépotoirs ou les incinérateurs.

La technologie mise au point par Polystyvert permet de dissoudre la mousse de polystyrène dans un solvant, aussi facilement que du sucre dans de l’eau. « Dissoudre le polystyrène dans un solvant pour le recycler, c’était connu depuis très longtemps », commente Denis Rodrigue, professeur de génie physique à l’Université Laval. « Ce que Polystyvert a fait, c’est développer un solvant qui n’est pas trop toxique pour pouvoir être utilisé de manière industrielle, à grande échelle. »

Le solvant de Polystyvert est fabriqué à partir d’huile essentielle de cymène, un sous-produit du bois qui n’est pas toxique. « Ça sent un peu l’eucalyptus », résume Solenne Brouard Gaillot. La méthode ne produit presque pas de déchets, le solvant pouvant être réutilisé plusieurs fois. Selon Denis Rodrigue, la dissolution rend plus facile le procédé de purification, essentiel pour retirer les additifs et les colorants.

Une fois séparé du solvant, le polystyrène est transformé en granules de plastique, qui peuvent être utilisés de la même manière que du polystyrène vierge. D’après une étude commandée par Polystyvert, recycler le plastique de cette manière émet 75 % moins de GES que simplement l’incinérer, ce qui est fait la plupart du temps.