On crée. On produit. On vend. Puis, le processus s'emballe. Comment bien gérer les ressources humaines et financières tout en maintenant la croissance? Dans notre nouvelle rubrique mensuelle, des dirigeants de PME révèlent ce qu'ils mettent de l'avant pour y arriver et des spécialistes les conseillent. Aujourd'hui, le Groupe Somac, après une rapide progression, est à «la croisée des chemins».

Les mois qui viennent seront cruciaux pour Groupe Somac, l'entreprise de Yannick Veilleux. Après être passée de 5 à 15 employés le temps de le dire, celle-ci arrive à l'aube de sa troisième année de vie, une année fatidique pour bon nombre de PME.

Le président fondateur du Groupe Somac est d'ailleurs le premier à reconnaître le danger qui l'attend. «On est à la croisée des chemins, dit-il. Cette année, c'est notre grande année.»

Afin de soutenir une croissance qui s'emballait, le fabricant d'abris et d'auvents permanents a dû tripler ses effectifs. Des embauches devenues inévitables, selon son fondateur, et ce, malgré le risque financier qui les accompagnait. «À un moment donné, la bâtisse craque de partout, dit-il. Mais la bonne nouvelle, c'est qu'on a maintenant stabilisé la situation et le chemin de la croissance est plus doux.»

Si Yannick Veilleux se montre plutôt confiant devant l'année 2014, c'est que les changements qu'il vient d'apporter à son organisation la rendent à la fois plus productive et efficace.

D'abord, grâce à sa nouvelle équipe, la PME a délaissé son mode «artisanal» de production. Désormais, le processus de fabrication s'appuie sur les plans de conception qu'un ingénieur prépare à l'interne. Des plans nombreux puisque l'entreprise propose du sur-mesure à sa clientèle. Ainsi, les employés affectés à la production n'ont plus à assembler les pièces dans l'atelier pour tester leur compatibilité : l'assemblage ne se fait qu'une fois, à l'emplacement final.

À ce gain de productivité s'est ajoutée une amélioration de l'efficacité grâce à la décision de Yannick Veilleux de retirer ses produits de certains marchés, comme celui du Nouveau-Brunswick.

C'est que le Groupe Somac confie l'installation et le service après-vente de ses abris et auvents à des distributeurs pour tout ce qui est extérieur à la région de Montréal. Or, dans certains marchés, les distributeurs choisis ne pouvaient se charger de l'assemblage et renvoyaient la balle au fabricant.

«On roulait à quatre équipes d'installation et il fallait que j'aille partout au Québec, raconte Yannick Veilleux. Je n'étais plus capable.»

Selon l'homme de 41 ans, prendre un pas de recul n'a rien eu de facile. «Ça touche l'orgueil d'un entrepreneur, mais je pense avoir pris une excellente décision, dit-il. On va mieux établir nos bases là où on a un parfait contrôle avant de poursuivre l'expansion.»

Un marketing efficace

Si les ventes du Groupe Somac se sont emballées au cours des derniers mois, c'est en partie en raison d'une stratégie marketing efficace, selon son président. «On se donne beaucoup d'occasions de se faire voir, dit-il. Et la réponse du consommateur est assez incroyable.»

Il faut dire que Yannick Veilleux a la vente dans le sang. Il a travaillé pendant plus de 10 ans dans ce secteur pour différentes grandes entreprises comme Tim Hortons, Mars et Intrawest, avant de se lancer en affaires.

Pour bâtir l'image du Groupe et la faire connaître des consommateurs québécois, il a pris part à pas moins de 17 salons spécialisés en 2012. «Ça nous a donné un "lift" incroyable», raconte-t-il.

À ces salons s'est ajoutée une campagne de marketing dans les médias. En plus de s'être attiré les faveurs de quelques journalistes, l'entreprise a misé sur une campagne publicitaire télévisée. «On a joué un bon coup de dés en allant à la télévision», indique celui qui a annoncé à RDI l'automne dernier alors que débutaient les travaux de la commission Charbonneau. «Un coup de maître», dit-il en souriant.

La petite histoire

Yannick Veilleux approchait la quarantaine lorsqu'il a plongé dans la grande mare des affaires. Après des années passées à travailler pour de grandes entreprises, le temps était venu, selon lui, de revenir aux sources.

C'est que le fondateur du Groupe Somac fait partie d'une longue lignée entrepreneuriale. Une filiation qui remonte à son grand-père, autrefois dirigeant de la plus grande entreprise de portes et fenêtres de l'est du pays, selon lui. Une oeuvre poursuivie ensuite par ses parents, et à laquelle il prendra part dans sa jeunesse. C'est là qu'a été planté le germe qui allait le conduire à lancer un jour sa propre entreprise.

Avant toute chose, il lui fallait cependant trouver une bonne idée sur laquelle construire son entreprise. Celle-ci lui est venue par un jour d'hiver lorsqu'Éole a emporté l'abri de toile sous lequel se trouvait son embarcation de plaisance. Un incident qui a conduit Yannick Veilleux à proposer au marché des abris permanents à base d'aluminium, des produits se voulant une solution de remplacement aux abris «Tempo» et aux structures recouvertes de plastique qui décorent certaines habitations l'hiver venu.

Après avoir préparé à l'aide d'un ingénieur sous-traitant les plans des premiers produits que son Groupe allait proposer, les ventes débutent en mars 2012. Les affaires vont si bien que son entreprise passe en quelques mois de 5 à 15 employés, et il prévoit même atteindre le cap des 20 au cours de la prochaine année.

Pour l'instant, l'entreprise concentre son attention sur le marché québécois. «On a déjà des portes d'ouvertes pour percer le marché ontarien, indique Yannick Veilleux, mais on veut prendre notre temps pour le faire.» Une décision qui va de pair avec l'approche tout en douceur qu'il a maintenant mise de l'avant. «On va y aller de façon progressive», dit-il.

Un marketing efficace

Embaucher du nouveau personnel, acheter de l'équipement, prévoir un déménagement, alouette ! Le dirigeant de la PME en croissance a déjà assez de chats à fouetter quand vient le temps de penser au marketing. Pourtant, même s'il n'y investit que quelques dollars, il pourrait profiter là d'un gain important à long terme. Cet avis, c'est celui de Dominique Laverdure, directrice générale de Rouge marketing, l'agence qui a piloté la campagne du fabricant de Mirabel qui y va de conseils en matière de marketing pour la PME.

1 - Pour tous les budgets : Selon la spécialiste, le cas de Groupe Somac illustre bien ce qui peut être accompli avec peu. «On peut faire des miracles avec 2000 $, dit-elle. L'important, c'est d'être stratégique dans son approche.»

2 - Bâtir une marque avant tout : En commençant plus tôt que tard à définir la marque de son entreprise et de ses produits, on s'assure d'être reconnu par les consommateurs et on contrôle aussi le message livré par tous les représentants de l'entreprise. Un impératif pour garantir la pérennité d'une PME naissante, selon Dominique Laverdure.

3 - Le web : «C'est une priorité, explique Mme Laverdure, surtout pour les PME qui n'ont qu'un petit budget à consacrer au marketing. Ça prend une présence sur le web pour maximiser tous les efforts qui sont faits en marketing et dans les salons. Il ne faut jamais négliger une présence sur l'internet.» L'outil est d'autant plus précieux qu'il permet d'accumuler des données sur les visiteurs de la page. Des données qui serviront à mieux cibler les endroits où le marketing sera effectué.

4 - Y aller selon ses moyens : D'après la spécialiste, la PME qui se lance dans une campagne de marketing doit pouvoir répondre à la demande. «Ça ne sert à rien de faire sonner le téléphone 10 000 fois dans une journée si tu ne peux répondre qu'à 100 appels. Si on ne peut pas livrer un produit parce qu'on manque de temps et de ressources, on va nuire à la réputation de son entreprise, et c'est beaucoup plus dur de défaire une réputation négative que d'en bâtir une qui soit positive.»

Des distributeurs complémentaires

Les PME manufacturières doivent souvent confier à des tiers la distribution de leurs produits. Comment sélectionner efficacement ces partenaires qui deviendront bientôt l'image de l'entreprise pour bien des consommateurs? Ariel Retamal, commissaire à l'exportation à Laurentides international s'y connaît en la matière. Voici ses conseils.

1 - Établir des critères de sélection

Selon Ariel Retamal, la PME en recherche de distributeurs doit éviter de penser à vendre à tout prix. Elle doit plutôt miser sur des critères de sélection précis avant de choisir un distributeur. «On voit que sélectionner les bons distributeurs a été un défi vécu par le Groupe Somac, dit-il. Il a eu des expériences positives, et d'autres négatives et cette expérience-là est maintenant un avantage pour la PME parce qu'elle sait ce qu'elle attend de son distributeur.»

2 - Des critères à considérer

Parmi les critères importants pour la sélection d'un distributeur, il y a celui de la réputation. «L'entreprise, qui existe depuis longtemps et qui est bien connue, a beaucoup plus de chance d'être intéressante qu'une autre qui en est à ses débuts», avance le spécialiste. Aussi faut-il s'assurer que les produits offerts par le distributeur soient complémentaires aux siens. «Il y a toujours un risque qu'un distributeur se serve de ton produit pour t'empêcher d'entrer sur un territoire», dit-il.

3 - Une entente de distribution bien balisée

Selon le spécialiste, l'entente de distribution doit comprendre une clause qui fixe des objectifs de vente précis dans une période donnée. «Ça devient une façon de sortir du contrat si les objectifs de vente ne sont pas atteints», dit-il. Il suggère aussi de restreindre la taille du territoire qui devra être desservi. «On peut segmenter les marchés de façon à s'assurer que les distributeurs pourront être capables d'assurer un bon service à la clientèle», ajoute-t-il.

4 - Appuyer le distributeur dans son travail

«Les meilleures entreprises vont soutenir leur réseau de distribution, dit Ariel Retamal. Elles sont capables d'animer et de soutenir les distributeurs en formant, par exemple, les équipes de vente et en partageant les façons de faire de l'entreprise.» Selon lui, céder la distribution à un tiers ne permet pas à l'entreprise de ne plus se préoccuper de la vente. Il invite même les PME à participer à des événements conjoints avec les distributeurs de façon à mieux cerner les enjeux de chaque marché.

Une structure organisationnelle solide

Croître à vitesse grand V, c'est avant tout accueillir de nouveaux visages au sein de l'entreprise. Comment gérer cette croissance du personnel? Germain Harvey, consultant en ressources humaines chez Flexia Conseils, y va de ses recommandations en la matière.

1 - D'abord, un plan d'action

 Avant de modifier l'organigramme de son entreprise, il faut savoir où elle se dirige. «Tout part d'une planification stratégique, d'une clarification de la situation», explique le spécialiste. Selon lui, l'environnement interne et externe à l'entreprise, la qualité des talents et de la technologie en place dans l'entreprise sont autant de facteurs qui influenceront les décisions d'embauche. «Ça prend un portrait clair de la situation que l'on souhaite améliorer pour déterminer les postes critiques», ajoute-t-il.

2 - Une sélection judicieuse 

«À 10 ou 15 employés, tous les postes sont névralgiques, explique Germain Harvey. Il ne faut pas de maillon faible dans la structure parce que la chaîne va casser. Tu as beau avoir un super management, de super bons vendeurs et de bons ingénieurs qui préparent de bons produits: si les installateurs sont des "gnochons", tu vas en payer le prix. Il faut que le talent soit au rendez-vous à tous les échelons.»

3 - Définir les compétences recherchées

Avant de se lancer à la chasse du candidat idéal, il faut savoir ce que l'on veut. Pour ce faire, le spécialiste suggère de bien définir les responsabilités rattachées à chacun des postes qui sont à pourvoir. «Cet aspect fait souvent défaut dans la grande entreprise, dit-il, alors imaginez dans la PME quand les gens ont moins de connaissances en matière de gestion humaine.»

4 - Ne pas négliger le volet de gestion du changement

«Pour le dirigeant, c'est le "fun" de voir son entreprise grossir, mais ce n'est pas vrai pour tout le monde, indique Germain Harvey. Plusieurs employés perdent du pouvoir lorsque l'entreprise grandit parce que les responsabilités sont réparties différemment. On pense souvent que les gens vont nous suivre, mais ce n'est pas systématique, et on peut perdre des joueurs.»

5 - Penser flexibilité

L'entreprise en croissance vit des changements chaque semaine, sinon chaque mois. Ainsi, selon l'expert en ressources humaines, le dirigeant d'une PME doit garder en tête que la structure de son organisation peut devoir changer à tout moment afin de soutenir la croissance.