Les temps sont durs dans bien des entreprises et plusieurs dirigeants sont tentés de faire des mises à pied pour réduire leurs dépenses. Or, d'après les experts interrogés, ce n'est peut-être pas la meilleure solution. «Les gens ont tendance à sous-estimer les coûts des mises à pied et du remplacement de la main-d'oeuvre», remarque Florent Francoeur, président et directeur général de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Une mise à pied engendre nécessairement une perte de connaissance et d'expérience. «C'est encore plus vrai pour les PME parce que bien souvent, tout n'y est pas documenté, dit-il. Un employé d'usine connaît ses machines, ses outils, ses clients, ses fournisseurs, etc. C'est donc tout un savoir-faire et un réseau construits au fil du temps qui sont perdus.»

Les licenciements ont aussi des impacts sur les employés qui demeurent en poste. C'est ce qui ressort d'une étude réalisée par la firme spécialisée en ressources humaines Watson Wyatt Worldwide.

«Les mises à pied nuisent fortement à l'engagement des travailleurs envers leur employeur, un facteur directement lié à la réussite de l'entreprise. En fait, les entreprises qui ont effectué des restructurations majeures ont vu chuter l'engagement de leurs employés de 9% et même, de près de 25% chez leurs employés les plus performants», indique Richard Bougie, directeur, développement d'affaires et marketing, chez Watson Wyatt Worldwide.

Plusieurs entreprises qui effectuent des mises à pied devront réembaucher des travailleurs lorsque la reprise l'exigera. «Il y a des coûts liés aux mises à pied et évidemment, trouver un nouveau candidat et le former représente aussi des dépenses», rappelle M. Francoeur. De plus, la population active diminuera de façon importante en 2011, alors que les premiers enfants du baby-boom atteindront l'âge de 65 ans.

D'après Florent Francoeur, la pénurie de main-d'oeuvre frappe déjà certains secteurs malgré la crise, et la situation s'aggravera au fil des ans. «Les entreprises doivent réaliser que si elles mettent à pied un bon travailleur, il est loin d'être certain qu'elles trouveront quelqu'un d'équivalent lorsqu'elles en auront besoin.»

Pour réduire les coûts sans effectuer de mises à pied, plusieurs solutions s'offrent aux entreprises. Watson Wyatt en a répertorié quelques-unes en réalisant un sondage, en mai dernier, auprès de 235 entreprises nord-américaines de 1000 employés et plus.

«Quelques 73% des entreprises ont gelé les embauches, ce qui, dans 53% des cas, a été une mesure efficace pour éviter les mises à pied. Le gel des salaires a été pratiqué par 69% des entreprises sondées, avec une efficacité de 58%. Un autre exemple: les restrictions des heures supplémentaires, qui ont été pratiquées par 59% des entreprises et considérées comme efficaces dans 41% des cas», précise M. Bougie.

L'assurance emploi a également son programme de travail partagé, qui permet aux employeurs d'éviter les licenciements temporaires pendant une période de diminution du niveau d'activité normal de l'entreprise. Si l'employé travaille trois jours dans sa semaine, l'assurance emploi lui paye les deux autres jours. Les employeurs peuvent aussi se tourner vers Emploi-Québec, qui subventionne la formation des employés d'entreprises à risque de ralentissement économique.

Les solutions sont donc nombreuses et les PME doivent évaluer lesquelles sont les plus efficaces pour elles. D'autant plus que ces mesures pourraient leur servir périodiquement. «Les petits entrepreneurs font régulièrement face à des périodes difficiles, pas seulement durant les récessions. Il y a des cycles annuels dans toutes les industries. Chaque fois, les entrepreneurs ne veulent pas perdre des employés déjà formés aux mains de concurrents», indique Robert Ducharme, directeur principal, consultation, à la Banque de développement du Canada.

Communiquer

Un employeur qui doit prendre des mesures de réduction de coûts doit s'assurer qu'il communique efficacement avec ses employés pour éviter de se les mettre à dos. «Lorsque ça va mal, le PDG doit être visible et très disponible pour rencontrer ses employés et pour répondre à leurs questions. Les employés doivent comprendre ce qui se passe et pourquoi les décisions sont prises», affirme M. Bougie.

La transparence des dirigeants peut d'ailleurs s'avérer rentable. «C'est surprenant de constater à quel point les employés peuvent chercher des solutions pour aider l'entreprise à s'en sortir», affirme M. Ducharme.