Les maires de Montréal, Laval et Longueuil refusent de prendre la responsabilité de la crise du logement, préférant blâmer Québec et le contexte macroéconomique.

« Ce qui freine [l’offre], ce ne sont pas les seuils de densité. Ce qui freine en ce moment, ce sont les taux d’intérêt, les coûts de construction, la pénurie de main-d’œuvre, a dit le maire de Laval, Stéphane Boyer, en mêlée de presse. C’est le contexte macroéconomique qui freine le développement de nouveaux projets d’habitation. C’est le manque de financement dans les programmes de logements sociaux. C’est beaucoup plus ça, le frein, que le nombre d’étages à construire. »

Selon l’élu, il ne sert à rien de construire des logements à 700 000 $ l’unité qui seront inabordables. « On n’a pas réglé l’enjeu. C’est un effort concerté qu’on doit avoir et qui doit inclure Québec et le gouvernement fédéral. »

PHOTO CHARLES-WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Stéphane Boyer, maire de Laval

M. Boyer participait lundi matin au Forum stratégique sur les grands projets d’habitation au New City Gas, dans le quartier Griffintown. L’évènement était organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Présentes également au forum stratégique, les mairesses de Montréal, Valérie Plante, et de Longueuil, Catherine Fournier, participaient au même point de presse.

État des lieux

Il manque actuellement 100 000 logements au Québec, selon un organisme représentant les entrepreneurs en construction. Les mises en chantier dégringolent de 30 % en 2023, la plus forte baisse annuelle depuis 1995. Les logis vacants sont à ce point rares que la Société canadienne d’hypothèques et de logement prévoit que les loyers vont grimper de 30 % à Montréal au cours des trois prochaines années. L’abordabilité du logement s’est détériorée rapidement à compter de 2020 avec la hausse des prix, puis la montée des taux d’intérêt.

À qui la responsabilité ? est-il légitime de demander.

« En période de crise, a souligné Valérie Plante, un gouvernement audacieux va décider d’investir dans ses infrastructures. Je pense qu’on l’a, la situation. Il faut embarquer dans le train. Le gouvernement du Québec a une occasion incroyable à saisir. D’après moi, il aurait dû la saisir plus tôt. Mais mieux vaut tard que jamais. Peut-on la voir, cette vision ? Peut-on investir avec les municipalités, les investisseurs privés, avec tout le monde qui est prêt ? », a-t-elle demandé.

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Valérie Plante, mairesse de Montréal

« Notre rôle comme ville, c’est de mettre le cadre réglementaire que la ville se développe de manière harmonieuse avec de beaux quartiers, a indiqué pour sa part M. Boyer. C’est de s’assurer de mettre les outils en place pour pas qu’on soit un frein au développement. On fait le travail de notre côté au niveau de la réglementation municipale. »

Dans les années qui ont précédé la présente crise, le travail des villes a aussi consisté à augmenter les droits de mutation pour les acheteurs immobiliers, ce qui contribue à hausser le coût de devenir propriétaire au Québec. ⁠1

Autre initiative, les villes d’un peu partout au Québec ont commencé à taxer les logements neufs avec des redevances de développement. Dans le cas de la Ville de Prévost, les sommes ainsi récoltées serviront notamment à payer un nouvel hôtel de ville. 2

De son côté, la Ville de Montréal, qui se plaint de manquer d’argent pour les logements sociaux, a renoncé à une compensation de 6,2 millions du promoteur de la phase 6 du Square Children ⁠3, préférant abaisser le zonage de 20 à 4 étages pour le punir de ne pas avoir construit les logements sociaux en vertu du « contrat social » auquel il avait adhéré.

Un dossier publié dans La Presse en décembre 2022 ⁠4 montrait que plus de 4400 logements ont été freinés par les administrations municipales. Pensons au maire de Pointe-Claire, Tim Thomas, qui s’est fait élire en s’opposant aux projets de tours résidentielles, même celles qui seraient érigées à côté d’une station du REM sur un terrain de stationnement sous-utilisé d’un centre commercial. ⁠5

176 contre 1

Exemple tout récent, un projet de 176 unités en façade du parc Émilie-Gamelin à Montréal est actuellement bloqué en raison du refus d’une seule locataire de quitter les lieux. Que peut faire la Ville pour accélérer le projet ? a-t-il été demandé pendant le point de presse.

« On est très favorable à ce projet-là, a d’abord pris le temps de mentionner la mairesse Plante. On voit tout le potentiel pour le quartier. Ce qu’on a demandé au promoteur, c’est de trouver une entente avec la locataire […]. On espère que ça va se régler. Pour le reste, on a avancé avec le propriétaire en attendant que cette condition soit remplie. »

La cause est devant le Tribunal administratif du logement.

1. Lisez l’article « Pas de pitié pour les acheteurs » 2. Lisez l’article « Les redevances de développement ne respecteraient pas la loi » 3. Lisez l’article « Un promoteur poursuit Valérie Plante » 4. Relisez l’enquête « Crise de l’habitation : des chantiers sur pause malgré la pénurie » 5. Lisez l’article « Cadillac Fairview poursuit la Ville de Pointe-Claire »

Un projet de loi sur le logement

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, déposera cette semaine son projet de loi visant à rééquilibrer les droits des propriétaires et des locataires, une formule sibylline qui a l’avantage de semer l’espoir dans les deux camps. « Le projet va prendre en compte ces deux principes, le droit au maintien dans les lieux et le droit de propriété, et essayer de rétablir un équilibre entre les deux », a dit la ministre dans un point de presse lundi. On croyait assister au dépôt ce mercredi, mais ça sera vendredi, précise son attaché de presse Philippe Couture.

Retour au bureau : pas avant 2024

Les travailleurs ne seront pas de retour au bureau avant 2024, avance un vétéran de l’immobilier de bureau. « Je ne m’attends pas à ce qu’on revienne à cinq jours semaine au bureau, dit Jean Laurin, président et associé de l’agence Avison Young Québec. Pour moi, ça va être de trois à quatre jours. Ce n’est pas en 2023 [qu’on verra le retour au bureau trois jours par semaine]. On va commencer à le voir un peu plus en 2024. C’est en 2025 [que ça va se généraliser]. »

Pas de référendum dans les TOD, SVP

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain a dévoilé les grandes lignes de son étude visant à stimuler la construction de logements. Selon ce document, il faut construire 23 100 logements par an pendant 20 ans pour se sortir de la crise. La production annuelle historique tourne autour de 13 900 logements. Parmi ses 15 recommandations, la Chambre propose de retirer la procédure d’approbation référendaire applicable dans les aires TOD du Grand Montréal.

Villes pavillonnaires : Pointe-Claire et Kirkland aux antipodes

Dans la première, le maire a imposé un moratoire sur toute nouvelle tour résidentielle. Chez l’autre, Kirkland a ouvert la porte à un projet de densification des anciennes installations de la société pharmaceutique Merck. « Les fonctionnaires et le politique ont envoyé un message clair à leurs citoyens : la Ville veut de l’habitation et densifier son aire TOD », a expliqué Laurence Vincent, présidente de Prével, lors de la présentation de son projet. Résultat : Prével et TGTA y feront sortir de terre de 1000 à 1200 unités.