Les règlements municipaux instituant des redevances de développement qui se multiplient au Québec ne respectent pas plusieurs des conditions spécifiées à la Loi sur l’aménagement et l'urbanisme (LAU), selon un avis juridique.

Une vingtaine de villes du Québec ont adopté un règlement exigeant le paiement d’une contribution financière sur les nouveaux logements exigible préalablement à la délivrance du permis de construction.

« Il y a un problème fondamental quant à la validité des règlements et leur conformité à la LAU », analysent les juristes Nicolas Cloutier et Élena Sophie Drouin, du cabinet McCarthy Tétrault, pour le compte du Cercle juridique de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), lobby des promoteurs immobiliers.

Pour ne nommer qu’une faiblesse, les règlements n’établissent pas de lien entre la redevance et l’augmentation de la prestation de services municipaux découlant du projet domiciliaire, une condition de substance fondamentale dictée à l’article 145.21 de la LAU.

« La pratique actuelle qu’on voit depuis quelques mois ne correspond ni à la lettre ni à l’esprit de la LAU, dit le PDG de l’IDU, Jean-Marc Fournier, dans un entretien. Dans les règlements, on voit bien qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la charge de redevance et le développement immobilier lui-même. Ça interpelle l’État, notamment le ministère des Affaires municipales qui devrait, par cohérence, procéder à une analyse, comme l’IDU l’a fait, pour passer les messages aux autorités de respecter l’esprit et la lettre de la loi. »

Coût des services municipaux

Permise depuis 2016, cette redevance vise à faire payer aux promoteurs le coût marginal des services municipaux découlant de l’accroissement de la population de la ville. Pensons à la construction d’un tout nouveau quartier résidentiel qui rendrait nécessaire la construction d’une nouvelle usine de production d’eau potable, par exemple.

Ce pouvoir a été donné aux villes par Québec en réaction à leurs demandes concernant la diversification de leurs revenus, qui dépendent trop, selon elles, de la taxe foncière.

Dans les règlements adoptés jusqu’à présent, la redevance varie de 4000 à 6000 $ par nouveau logement, sans égard à sa taille. À Beauharnois, elle peut toutefois s’élever jusqu’à 15 000 $ pour un logement situé aux étages supérieurs d’une tour, souligne le document.

Ces montants s’ajoutent aux coûts d’un logement neuf, ce qui nuit à son abordabilité, en période de crise du logement par surcroît, déplore l’IDU.

En fait, selon l’avis commandé par l’organisme, la redevance, de la façon dont elle est définie dans les règlements municipaux, s’apparente à une taxe déguisée.

« Vu les montants très élevés exigés, et le lien causal parfois ténu entre les dépenses mises de l’avant par la municipalité et l’activité pour laquelle une contribution est exigée, le caractère fiscal de la redevance de développement devient manifeste », lit-on dans le document de 30 pages rendu public lundi.

Selon les juristes, les règlements risquent d’être déclarés invalides par voie judiciaire, et le remboursement des contributions serait alors exigé.

Selon le Cercle juridique de l’IDU, un règlement doit respecter trois conditions de substance, le lien causal et sept conditions de forme, comme intégrer un territoire d’application.

« Sur la base de notre analyse, une ou plusieurs conditions de validité prévues à la LAU ne sont pas respectées à l’un ou l’autre des règlements examinés », écrivent les juristes en conclusion.

En gros, leurs critiques portent sur le caractère sommaire de ces règlements, une situation qui découle du peu d’encadrement législatif par la LAU qui institue la redevance de développement. Cette situation donne beaucoup de marge de manœuvre aux municipalités, sans mécanismes de contrôle.

Utiliser davantage la tarification ?

Par exemple, la LAU stipule que le règlement s’applique à toute catégorie d’infrastructures ou d’équipements sans les définir. Il en ressort que la Ville de Prévost prévoit financer la construction de son nouvel hôtel de ville de 5,6 millions par ce moyen. L’estimation de son coût n’est pas détaillée dans le règlement, ni le lien causal entre l’ajout de logements à Prévost et le besoin de construire une nouvelle mairie.

En lieu et place d’une redevance de développement, l’IDU suggère aux villes d’utiliser davantage la tarification en vue d’augmenter leurs revenus autonomes.

En 2020, 14 % des revenus municipaux au Québec proviennent de la tarification, contre 19 % en Ontario, 31 % en Colombie-Britannique et 41 % en Californie, selon le CIRANO.

En savoir plus
  • 48 %
    Revenus municipaux totaux tirés de la taxe foncière en 2016
    Source : CIRANO