Le défi pour certains jeunes entrepreneurs agricoles, ce n’est pas de faire pousser des légumes, mais de les vendre.

« Au Québec, on n’a pas un enjeu de production. On travaille beaucoup là-dessus, les politiques sont très orientées autour de la production, mais on a un enjeu de commercialisation », lance Rémi Fournier, qui a une petite entreprise maraîchère à Frelighsburg.

Le défi est donc de rejoindre une certaine clientèle, difficilement accessible en démarrage d’entreprise. Rémi Fournier a participé l’année dernière au programme des Kiosques de la relève qui lui permettait d’avoir une présence au marché Atwater, à tarif réduit.

« Les petites fermes ont peu de moyens et des ressources très limitées. Un programme comme celui-là fait toute la différence », dit le maraîcher qui travaille précisément à développer des formes de commercialisation innovantes.

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Enseigne faisant la promotion des Kiosques de la relève, au marché Jean-Talon

Sa ferme écologique Au cœur du Pinacle sera donc de retour en ville cette année. Elle ne sera pas seule : une vingtaine de jeunes entreprises agricoles, qui sont en affaires depuis au maximum cinq ans, seront à l’un des cinq Kiosques de la relève.

Le programme a pris racine dans les trois plus importants marchés de la métropole : Maisonneuve, Atwater et Jean-Talon. L’Union des producteurs agricoles (UPA) paye la moitié des frais de location de l’emplacement.

La relève agricole, c’est le présent et l’avenir de notre agriculture et de l’autonomie alimentaire des Québécoises et des Québécois.

Martin Caron, président de l’Union des producteurs agricoles

Le prix courant de la location d’un kiosque dans ces marchés est de 56,50 $, sans égard à la journée.

« Sans ce type d’initiative, impossible d’avoir pignon sur rue dans des endroits chauds comme les marchés publics de Montréal, confie Rémi Fournier. C’est beaucoup trop dispendieux. »

« C’est tellement dispendieux, poursuit l’entrepreneur, que les producteurs sont obligés de compléter leur offre avec un paquet de produits. » Produits qu’ils ne font pas pousser dans leurs champs, cela va de soi.

Plus de flexibilité

La formule proposée a comme grand avantage de permettre aux agriculteurs de réserver un kiosque une seule journée par semaine.

Pour Léandre Raymond-Desjardins, cela fait toute la différence.

Une ferme en démarrage ne peut pas payer un employé pour être au marché.

Léandre Raymond-Desjardins, propriétaire des Jardins de la Fourchette

Ses Jardins de la Fourchette ont été fondés il y a trois ans, à Saint-Janvier, dans les Laurentides. Une journée par semaine, le producteur est au marché Jean-Talon. Il y vend ses légumes : 70 variétés durant la saison entière.

Le producteur a adopté une stratégie de mise en marché avec trois points de vente : les consommateurs directement, par le réseau des Fermiers de famille, les restaurateurs et aux marchés – un marché public de sa région et le kiosque au marché Jean-Talon, où nous l’avons rencontré, vendredi matin.

« Ça nous permet de rencontrer les gens, de construire une clientèle », dit-il, avouant que le marché montréalais est très fréquenté par les chefs, ce qui lui a permis de faire du réseautage imprévu.

Un rôle d’éducation

Rémi Fournier voit un autre bénéfice à cet accès direct à la clientèle urbaine.

« Non seulement ça donne une expérience complètement différente au client, mais ça permet de faire de l’éducation, explique-t-il. Chaque client qui passe permet d’avoir une conversation et d’échanger, de changer les perceptions face à l’alimentation, la disponibilité des produits, d’où ils viennent et comment ils sont faits. C’est vraiment exceptionnel. »

L’année dernière, au total, 23 entreprises agricoles ont participé au programme en se partageant les Kiosques de la relève durant la saison – qui se termine en octobre.

Il y en aura autant cette année. Les fermes qui se sont inscrites font divers légumes, mais certaines se spécialisent en champignons, pousses, ail ou choux. Les entrepreneurs arrivent directement avec leur camion, sans avoir besoin de prévoir du matériel pour installer ou entretenir un kiosque.

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Le directeur général de la Corporation des marchés publics de Montréal, Nicolas Fabien-Ouellet, au marché Jean Talon

« Nous leur avons enlevé tous les freins possibles afin qu’ils puissent venir ici », dit Nicolas Fabien-Ouellet, directeur général des Marchés publics de Montréal.

Selon lui, les habitués des marchés, ceux qui ont leur circuit bien établi lorsqu’ils font leurs courses, remarquent et apprécient les nouveaux venus. En plus des Kiosques de la relève, le marché Jean-Talon offre cette année huit emplacements pour des entreprises qui ne souhaitent pas se commettre à la formule standard qui demande une présence minimale de trois jours par semaine. C’est une autre façon, explique Nicolas Fabien-Ouellet, d’ouvrir la voie à la relève.

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    Nombre de producteurs qui vendent dans les Marchés publics de Montréal, ce qui comprend les marchés Jean-Talon, Maisonneuve et Atwater, ainsi que la dizaine de marchés de quartier qui appartiennent au groupe.
    Source : Les marchés publics de Montréal