Vous avez été nombreux à réagir à la chronique de Marie-Eve Fournier de jeudi sur les intentions du gouvernement de s'opposer à l'obsolescence programmée. Voici un aperçu du courrier reçu dans la boîte de courriels de notre chroniqueuse.

La sonde Voyager 2

L’obsolescence programmée est une chose, la durée de vie minimale sans bris et le droit à la réparation en sont d’autres, encore plus importantes. La quatrième révolution industrielle censée donner des produits parfaits n’a jamais envoyé autant de déchets dans les dépotoirs du monde entier.

La raison : oui, les biens parfaits qui arrivent chez vous livrés par Amazon sont sans défaut et sont fonctionnels lorsque vous les sortez de leurs boîtes. Attendez un peu… sans défaut ? Eh bien non, leurs défauts : ils se brisent la plupart du temps aussitôt la garantie terminée. Et cette garantie est très courte considérant leurs prix. Cela, car l’humain sait très bien ajuster la durée de vie d’un produit en calculant avec précision ce qu’on appelle le MTBF (Mean Time Before Failure) de chaque pièce qui composent le produit.

Donc, pour le bien de nos dépotoirs, deux solutions sont possibles :

1- On force une garantie de base plus longue passant de quelques mois à minimum trois, voire cinq ans sans avoir à acheter une garantie prolongée.

2- On force tous les industriels à concevoir des biens qui peuvent se réparer à frais raisonnables, et cela, peu importe le bris.

Avec la quatrième révolution industrielle justement, un industriel peut fabriquer n’importe quelle pièce sur mesure et sur demande avec des robots au lieu d’entreposer pour 7 à 10 ans de pièces de rechange comme actuellement. Mais cela, ils ne le diront pas, car ils feraient moins de profits…

Et comment se fait-il que la sonde Voyager 2 lancée en 1977 fonctionne encore et mes écouteurs sans fil ne durent que quelques mois ?

Martin Girard, ingénieur

Et le reste du Canada ?

Cela me fait plaisir de savoir que le ministre Simon Jolin-Barrette favorise le droit de réparer soi-même ses appareils. Mais ça ne s’appliquera pas dans les autres provinces et j’aimerais bien qu’elles aussi fassent ces changements législatifs.

Cela permettra, bien sûr, que des ateliers indépendants aient accès aux pièces de rechange et aux manuels techniques de réparation pour effectuer ces réparations. Moi, je veux réparer tout ce que je peux, et j’en suis capable, la plupart du temps. Mais les pièces ne me sont pas accessibles et les ateliers autorisés ne veulent pas me les vendre.

Il y a une économie locale de la réparation à redéveloper, parce qu’elle existait autrefois. Mon père en était un exemple. Diplômé comme technicien en électronique de l’École technique de Montréal en 1957, il a ouvert un atelier de réparation de téléviseurs, radios et autres appareils électriques dans le Vieux-Longueuil en 1960. Il réparait de tout, même les grille-pain. Il a fermé boutique en 1994, à un moment où les pièces de rechange se sont faites rares. Mais il a continué de faire des réparations chez lui, en utilisant des pièces cannibalisées d’appareils non fonctionnels. Aujourd’hui, je fais pareil pour réparer mes appareils électroménagers et restaurer des machines à écrire, des horloges et des montres anciennes.

Daniel Burgoyne, Ottawa

Réduire la consommation

On s’entend que l’objectif n’est pas autant de protéger les consommateurs que de réduire la consommation de ressources et éviter de remplir nos dépotoirs. Il n’y a pas que les industriels qui sont coupables, ils répondent principalement à une demande. Une demande des consommateurs qui aiment le changement et retaper leurs biens. Une taxe au contenu du bac de poubelle serait des plus bénéfiques en ce sens. En plus de forcer les consommateurs à opter pour des produits de meilleure qualité, quitte à en acheter moins, cela aurait aussi comme conséquence de forcer le marché de la seconde main. On jette des tas d’objets qui sont réutilisables parce qu’on est trop paresseux pour annoncer une bibliothèque à 10 $, c’est plus simple de la mettre aux ordures.

Jean-François Lemire

Le mystère des pilotes disparus

Récemment, j’ai eu un problème avec mon ordinateur, problème que j’ai pu résoudre moi-même, mais dans le processus, le programme relié à mon imprimante HP a été supprimé. J’ai alors fait une recherche sur le net pour le récupérer. Eh bien, j’ai appris que HP a retiré le programme, car cette imprimante a plus de 10 ans. Elle est pourtant encore fonctionnelle puisque je peux imprimer à partir de ma tablette, mais chaque fois que je veux l’utiliser à partir de l’ordinateur, je dois m’expédier le document sur la tablette pour pouvoir l’imprimer. De même, la numérisation est devenue dysfonctionnelle. Est-ce de la mauvaise volonté de la part de HP ou une tactique déloyale pour me forcer à acheter une nouvelle imprimante ? Je vous laisse juger.

Jean Bazinet

Pour le droit à la réparation

Content de voir le gouvernement du Québec finalement s’intéresser à la question.

Mon inquiétude ? Ses premiers messages semblent indiquer qu’on s’intéresse surtout à l’obsolescence programmée des produits de consommation. Une erreur selon moi. L’obsolescence, c’est normal et naturel. Les choses brisent. Le problème, c’est quand on amplifie les conséquences en enlevant toutes options de réparation ou de réutilisation au consommateur qui, ultimement, est censé être le propriétaire des biens qu’il achète.

Cette culture où l’on achète des biens, mais qu’on n’en est pas le propriétaire libre de faire ce qu’il veut avec ensuite, est assez incroyable quand on y pense vraiment. Je devrais avoir le droit de faire réparer ce qui m’appartient. Bientôt on n’aura plus le droit de changer sa roue de secours soi-même après une crevaison parce que le constructeur ne nous y autorise pas et veut qu’on appelle son service à la clientèle pour 400 $ à la place ? Une fois le produit acheté, ça ne lui appartient plus. Du moins ça ne devrait pas, contrairement à ce qu’il se passe aujourd’hui.

Si nous étions toujours capables de faire réparer (ou de réparer nous-même) nos biens, on réaliserait rapidement quels produits sont peu fiables. Les forces du marché pousseraient les manufacturiers à conserver leur réputation et offrir des produits qui sont fiables ou dont l’entretien est simple.

Jérémie Faucher-Goulet, ingénieur en informatique