On le sait, il faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) de moitié d’ici 2030 si nous voulons atteindre les objectifs de maintenir le réchauffement climatique à 1,5 ℃ avant d’aspirer à la carboneutralité en 2050 grâce à l’utilisation généralisée de l’hydrogène vert dans les processus industriels. Une feuille de route réalisable, selon Gwenaelle Avice-Huet, spécialiste de la transition énergétique et responsable mondiale du développement durable pour la multinationale Schneider Electric.

De passage à Montréal la semaine dernière pour participer au Sommet de la finance durable, Mme Avice-Huet a bien voulu s’entretenir avec nous de sa vision de la transition énergétique et de la façon dont elle doit s’articuler pour permettre un véritable développement durable.

Spécialiste de la chimie moléculaire et ingénieure, Gwenaelle Avice-Huet a travaillé comme conseillère spéciale en énergie auprès du cabinet du premier ministre et du ministre de l’Énergie du gouvernement français, avant de se joindre au groupe Engie (anciennement GDF Suez), où elle est devenue membre du comité exécutif et PDG pour l’Amérique du Nord.

Engie est une multinationale française du secteur de l’énergie hors pétrole qui compte sur plus de 160 000 collaborateurs dans le monde et qui réalise des revenus de 60 milliards US.

« J’étais PDG de l’Amérique du Nord, mais aussi responsable mondiale de l’activité des énergies renouvelables. J’étais basée au Texas, où les entreprises du secteur pétrole et gaz cherchent à diversifier leurs activités.

C’est un mouvement qui va prendre de l’ampleur avec l’adoption de l’Inflation Reduction Act. Les entreprises du secteur ne veulent pas manquer le virage comme l’a fait la ville de Detroit avec l’automobile électrique.

Gwenaelle Avice-Huet, directrice générale, stratégie et développement durable, de Schneider Electric

En 2021, la spécialiste de l’énergie se joint à Schneider Electric, une autre multinationale de l’énergie, comme directrice de la stratégie et du développement durable.

Schneider Electric, qui compte sur 130 000 collaborateurs en Europe, en Amérique et en Asie, est davantage impliquée dans le développement de nouvelles technologies et de nouveaux procédés industriels qui vont accélérer la transition énergétique.

« Le métier des entreprises énergétiques, c’est de développer des projets, construire, opérer et maintenir des infrastructures. On a besoin de toutes ces activités, mais on a aussi besoin de technologies pour avancer dans la transition énergétique et délaisser les énergies carbone », précise la gestionnaire.

Les cibles pour réduire de moitié les émissions de GES à l’horizon 2030 peuvent être atteintes, selon elle, si on poursuit de façon efficace la transition vers les énergies renouvelables et si on continue de développer de nouvelles technologies avant de pouvoir utiliser à grande échelle l’hydrogène vert dans les processus industriels.

« Il faut continuer de verdir l’électricité, il faut développer des réseaux à petite échelle et les procédés industriels avec le renouvelable tout en poursuivant l’efficacité énergétique. Pour pouvoir sortir du gaz naturel et du diésel, il va falloir mettre à l’échelle l’utilisation de l’hydrogène vert », poursuite Gwenaelle Avice-Huet.

Objectif 2050

Il y a présentement de gros écarts économiques avant de pouvoir arriver à une utilisation généralisée de l’hydrogène vert dans les procédés industriels, ce qui permettra éventuellement d’atteindre la carboneutralité en 2050.

« La production d’hydrogène gris coûte aujourd’hui près de 1 $ US le kilo. Pour de l’hydrogène vert, il faut compter de 6 à 10 $ US. On travaille présentement au design de ce nouveau combustible, à la gestion de l’électrolyse et à la maintenance prédictive. On espère arriver à un coût compétitif autour de 2030. Après, il faudra faire prendre de l’échelle à l’hydrogène », explique Gwenaelle Avice-Huet.

La transition énergétique impliquera aussi une plus grande décentralisation des réseaux électriques en permettant aux usagers de produire et de vendre eux-mêmes leur énergie excédentaire pour l’intégrer aux réseaux.

« On travaille au développement d’outils technologiques et digitaux qui permettront d’y arriver. On a mis au point des systèmes de supervision des éoliennes qui permettent de les réorienter selon les changements de direction du vent pour qu’elles soient toujours pleinement optimales », expose la directrice générale.

Même si le nom et la marque ne sont pas connus du grand public, l’empreinte de Schneider Electric n’est pas négligeable en Amérique du Nord, et même au Québec.

Nos panneaux électriques sont présents dans quatre maisons sur dix aux États-Unis. On est responsable de la gestion de l’énergie du CHUM à Montréal et dans tous les grands aéroports du Canada, à Montréal, Toronto et Vancouver.

Gwenaelle Avice-Huet

« On a développé pour l’aéroport JFK de New York un réseau électrique complètement autonome qui gère autant les panneaux solaires que les batteries. On ne fait que de la technologie, qu’elle soit électrique ou digitale », précise Gwenaelle Avice-Huet.

Cela fait maintenant 15 ans que Schneider Electric a pris le virage du développement durable et élabore ses solutions en conséquence.

« On investit chaque année 5 % de notre chiffre d’affaires dans la recherche et le développement. Le développement durable, ce n’est pas juste la lutte contre le carbone, on travaille aussi sur la filière de la circularité.

« Notre développement doit tenir compte de la gestion de l’eau, de la biodiversité, des terres rares que l’on commence à exploiter à grande échelle et qui sont rares, justement. On doit être en mesure d’assurer leur circularité et pouvoir les récupérer une fois qu’on les aura utilisées », souhaite Gwenaelle Avice-Huet.