Veuve depuis peu et âgée de 63 ans, Marie-Josée* veut bientôt prendre une retraite sereine. La sérénité est le point délicat.

La situation

« Mon conseiller financier insiste énormément [le mot est faible] pour me vendre une assurance maladie grave, explique-t-elle. J’ai beau lui dire que j’estime ne pas en avoir besoin, il me sert chaque fois l’argument que si demain matin, je tombais gravement malade ou je faisais une chute en ski, j’aurais besoin d’argent pour mes soins et que vendre ma maison ne pourrait pas se faire dans les délais nécessaires pour payer tous les coûts liés à mon état [hypothétique, bien sûr] ou pour payer mes factures de base. »

Son mari est mort soudainement en 2021 d’un infarctus. Sans enfants, Marie-Josée a alors décidé qu’elle ne serait pas prise au dépourvu si un accident ou un problème de santé la rendait inapte.

« J’ai un mandat d’inaptitude notarié qui précise que ma sœur [plus jeune] et mon frère pourront prendre toutes les décisions me concernant », indique-t-elle.

« J’aimerais savoir si ce mandat d’inaptitude peut leur donner accès, par exemple, à mon portefeuille de placements, à mes fonds hors REER [régime enregistré d’épargne-retraite] et à mon compte bancaire. Peuvent-ils se présenter à ma banque ou communiquer avec mon conseiller financier directement pour obtenir des fonds pour mes soins, par exemple ? »

La prime de l’assurance maladie grave proposée, dont elle a oublié le montant, s’élève à 361 $ par mois. « C’est beaucoup d’argent pour quelqu’un qui part à la retraite », commente-t-elle.

« S’il m’arrive quelque chose, si je tombe en ski et que je suis dans le coma, est-ce que ma sœur ne pourrait pas plutôt partir avec mon mandat d’inaptitude, sortir de l’argent de mes placements, aller à la caisse, faire toutes mes choses pendant que je ne suis pas là dans ma tête ? »

En somme : « Y a-t-il des moyens autres que souscrire une assurance maladie grave, que je trouve très coûteuse et inutile, pour avoir une certaine tranquillité d’esprit ? »

Une retraite méritée

Marie-Josée a fait l’essentiel de sa carrière de 35 ans comme pigiste.

« J’ai économisé depuis que j’ai commencé à mon compte, tous les mois », confie la travailleuse.

Elle avait 26 ans.

« Je suis bien fière du résultat de mes placements, j’ai commencé en 1986 avec 50 $ par mois et je n’ai pas lâché. »

Elle détient près de 800 000 $ en épargnes de retraite, durant laquelle elle souhaite voyager. Enfin.

« Je vais essayer de me gâter un peu parce que tout le temps que les amis étaient dans le Sud, que ça sortait, que ça veillait, moi je travaillais. »

Après la mort de son conjoint et le règlement de la succession, Marie-Josée a vendu la propriété pour faire construire une petite maison qu’elle a pu payer entièrement, « juste pour moi puis mon chien ».

Dans ce contexte d’une retraite imminente, Marie-Josée a-t-elle besoin de l’assurance sur laquelle son conseiller insiste ?

« Il a de bonnes intentions, c’est un monsieur fiable et j’ai confiance en lui, mais je me demande juste la pertinence d’avoir tout ça. »

Les chiffres

Marie-Josée, 63 ans

Pigiste

Revenus : environ 50 000 $

REER : 698 000 $
CELI : 93 000 $
Placements non enregistrés : 97 000 $

Propriété

Valeur de 650 000 $
Entièrement payée

La réponse

La tranquillité d’esprit s’achète-t-elle ? S’assure-t-elle ? S’économise-t-elle ?

C’est le fond de la situation soumise par Marie-Josée. La planificatrice financière Nathalie Bachand et la notaire Guylaine Lafleur, du cabinet Bachand Lafleur Groupe conseil, ont attaqué le problème en évaluant d’abord si ses revenus de retraite seraient un motif de sérénité.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Nathalie Bachand, planificatrice financière au cabinet Bachand Lafleur Groupe conseil.

En creusant la question, elles ont appris que Marie-Josée touchait des rentes de conjointe survivante du Régime de rentes du Québec (RRQ) de 10 500 $ par année, et de 6200 $ du régime de retraite de son défunt conjoint, toutes deux indexées.

En y ajoutant la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et sa propre rente du RRQ, « ça lui fait des revenus garantis intéressants », observe Nathalie Bachand.

Marie-Josée leur a également indiqué que ses dépenses actuelles avoisinaient 35 000 $ à 40 000 $, « ce qui correspond à son revenu net ».

La planificatrice y a ajouté une généreuse marge de manœuvre, en établissant la cible de son coût de vie de retraite à 60 000 $ par année, avec indexation, jusqu’à la fin de ses jours. « C’est plus que ce qu’elle dépense maintenant, mais elle veut voyager plus souvent, au cours des prochaines années », relève Guylaine Lafleur.

Dans ces conditions, Nathalie Bachand calcule que Marie-Josée n’épuiserait ses confortables et méritoires économies qu’à l’âge de 102 ans.

De quoi dormir d’ici là sur ses deux oreilles.

La grave question de l’assurance

Dans ce contexte budgétaire somme toute très solide, comment s’inscrirait une assurance maladie grave ?

Nos deux conseillères n’ont pas d’autres informations sur la police proposée à Marie-Josée que son coût de 361 $ par mois.

« De toute manière, il est toujours très difficile d’évaluer les besoins pour une assurance maladie grave, soulève Nathalie Bachand. C’est souvent plus dans l’émotion que dans le besoin réel. »

Marie-Josée a certainement les moyens de payer une prime de 361 $ par mois, dit-elle.

La question est de savoir si cette dépense est nécessaire. Ses actifs sont-ils suffisants pour « s’autoassurer » ? Lui permettraient-ils d’éponger le surcroît de dépenses d’une maladie grave ?

Le coût de vie projeté de 60 000 $ procure déjà une confortable marge de manœuvre en regard de son budget actuel.

« Elle ne dépensera peut-être pas ça, et si jamais elle tombe malade, elle voyagera peut-être moins et elle pourra diriger les sommes inutilisées vers ses besoins en santé », observe Guylaine Lafleur.

Comme l’indique le site d’un assureur, cette assurance intervient « en cas de maladies graves couvertes comme un cancer, une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral ».

La somme versée servira par exemple à payer des médicaments, des traitements ou des soins médicaux qui ne sont pas remboursés par le régime d’assurance maladie, ou à « régler des dépenses imprévues, comme les déplacements, l’hébergement ou le stationnement de l’hôpital ».

On peut déjà penser que Marie-Josée aura les moyens de payer le stationnement de l’hôpital. Restent les autres éventualités.

Or, une fois la retraite venue, par ailleurs imminente, une maladie grave n’amputerait en rien ses revenus, lesquels sont garantis.

« Si elle a besoin de 50 000 $ ou 100 000 $, elle les a », fait valoir Guylaine Lafleur.

« Elle a 185 000 $ en CELI [compte d’épargne libre d’impôt] et en placement qu’elle peut sortir sans impact fiscal ou presque, ajoute sa collègue. Si elle a besoin d’une somme à court terme, elle a les sous nécessaires. »

À long terme, la projection montre qu’elle peut maintenir des dépenses supérieures de 50 % à son niveau de vie actuel.

« L’enjeu ici, c’est que l’assurance maladie grave ne semble pas l’allumer, relève Nathalie Bachand. Il y a des gens pour qui ce genre de protection permet d’avoir un meilleur sommeil. »

C’est plutôt l’insistance de son conseiller à la lui proposer qui semble perturber le calme de notre lectrice.

Mandat et sérénité

Marie-Josée semble voir dans le mandat de protection un substitut à l’assurance maladie grave. Mais elle s’inquiète de savoir si ses mandataires pourraient faire les retraits nécessaires de ses placements et payer ses factures pendant qu’elle en serait incapable.

En effet, si Marie-Josée devenait inapte, un mandat de protection, une fois homologué, permettrait à ses mandataires d’agir en son nom auprès de son institution financière et des gestionnaires de ses placements. Mais il faudra d’abord le faire homologuer.

« Les délais, malheureusement, sont de plus en plus longs pour avoir l’évaluation psychosociale et le rapport médical, souligne la notaire. Il y a toujours des dépenses urgentes pour lesquelles on peut obtenir des autorisations, mais c’est quand même compliqué. »

Pour une incapacité temporaire, une procuration serait plus immédiate.

« Si elle se soucie que ses factures soient payées régulièrement, et si elle a confiance en son frère ou sa sœur, elle pourrait envisager de signer une procuration générale qui inclurait un mandat de protection en cas d’inaptitude ou une procuration bancaire », suggère Guylaine Lafleur.

La première, signée devant notaire, leur donnerait accès à l’ensemble de son portefeuille. La seconde, convenue chez son institution financière, les autoriserait à superviser les opérations courantes.

Si Marie-Josée devenait inapte, la procuration générale permettrait à son frère ou sa sœur « de la représenter et de payer ses factures à même son compte bancaire, le temps de faire homologuer le mandat de protection qui serait prévu dans la procuration ».

Une assurance sérénité.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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