La situation

Les conjoints Daniel* et Louise*, tous deux âgés de 60 ans, souhaitent prendre leur retraite d’ici un an.

Leur principal projet de début de retraite est d’agrandir et de rénover leur chalet afin d’en faire leur prochaine résidence principale. Ce projet est estimé à 300 000 $ d’ici deux ans. Le couple prévoit de financer surtout par la somme nette attendue de la revente prochaine de sa résidence principale actuelle.

Fait à préciser : Daniel est le seul propriétaire de cette maison dont la valeur nette de revente est estimée à 300 000 $. Il s’agit du solde de la valeur marchande de 415 000 $ après la soustraction du solde hypothécaire de 115 000 $.

Le chalet est une copropriété en parts égales entre Daniel et Louise.

Dans son état actuel, avant les rénovations, la valeur nette du chalet est estimée à 235 000 $. Il s’agit du solde de la valeur marchande de 400 000 $ après la soustraction du solde hypothécaire de 165 000 $.

Quant à leur situation financière de préretraités, les habitudes d’épargne de Daniel et de Louise en l’absence de régimes de retraite liés à leur emploi respectif leur ont permis d’accumuler des actifs financiers totalisant 1,57 million dans leurs comptes d’épargne enregistrés (REER, CELI et CRI).

Leur bilan d’actifs non financiers (immobilier et véhicules) est aussi en position favorable, avec une valeur d’actif nette de l’ordre du demi-million de dollars (880 000 $ de valeur marchande moins 366 000 $ en soldes de dettes liées).

Par ailleurs, dans leur budget de train de vie, Daniel et Louise anticipent la fin prochaine de leurs revenus d’emploi (200 000 $ en tout) pour ajuster leurs priorités budgétaires en début de retraite, alors qu’ils feront la rénovation de leur chalet en résidence principale.

« On prévoit financer ces travaux par le gain net obtenu de la revente de la maison. Néanmoins, on souhaite aussi avoir les moyens de faire de belles activités de début de retraite, comme des voyages à moto et l’emménagement dans une propriété de villégiature rénovée à notre goût », résume Daniel lors d’un entretien avec La Presse.

Sur le plan budgétaire, Daniel et Louise anticipent que le délestage des débours liés à leur résidence actuelle après sa revente (environ 25 000 $ par an en frais hypothécaires, taxes, énergie, entretien, etc.) ainsi que la possibilité de se loger temporairement à coût moindre durant les travaux au chalet (1000 $/mois dans le condo vacant d’un parent décédé) devraient leur permettre de réduire leur budget de train de vie durant leurs premières années de retraite.

Ils prévoient ce budget aux environs de 70 000 $ par an, par rapport à leur budget courant de train de vie proche du seuil des 100 000 $ par an (en excluant les cotisations en épargne retraite).

Dans ce contexte, Daniel et Louise ont soumis leurs deux préoccupations principales de préretraités à la rubrique Train de vie.

D’une part, comment optimiser leur bilan (actif et passif) afin de bien préparer le financement des travaux au chalet pour le convertir en prochaine résidence principale, tout en tenant compte de leur planification financière à moyen et long terme vers un âge avancé ?

D’autre part, comment optimiser le décaissement de leurs actifs en épargne retraite, sur les plans financier et fiscal, en fonction de leur budget de train de vie de retraités actifs ? Et ce, en tenant compte de l’absence de rentes de retraite avant leur 65anniversaire et leur admissibilité aux prestations entières du RRQ provincial et de la PSV fédérale ?

Les questions de Daniel et de Louise ont été soumises pour analyse-conseil à Alexandre Beaulieu, qui est planificateur financier et conseiller en sécurité financière à la firme DMA Gestion de patrimoine, établie à Brossard, sur la Rive-Sud.

LES CHIFFRES

Daniel, 60 ans

Revenu d’emploi : 115 000 $

Actifs financiers :

  • REER : 775 000 $
  • CELI : 600 $
  • compte bancaire : 1200 $

Actifs non financiers :

  • résidence principale : 400 000 $
  • part de copropriété du chalet : 200 000 $
  • véhicules : 50 000 $

Passif :

  • solde hypothécaire sur la résidence principale : 115 000 $
  • part du solde hypothécaire sur le chalet : 82 500 $
  • solde de marge de crédit : 72 000 $

Louise, 60 ans

Revenu d’emploi : 85 000 $

Actifs financiers :

  • REER : 675 000 $
  • CELI : 77 000 $
  • CRI : 37 000 $
  • compte bancaire : 10 000 $

Actifs non financiers :

  • part de copropriété du chalet : 200 000 $
  • véhicules : 30 000 $

Passif :

  • part du solde hypothécaire sur le chalet : 82 500 $
  • solde de rachat de location-bail de véhicule : 14 000 $

Budget courant :

Revenu total : 200 000 $ (brut)

Principaux débours annualisés : 124 000 $

Les conseils

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Beaulieu, planificateur financier et conseiller en sécurité financière à la firme DMA Gestion de patrimoine

« Avant de parler d’optimisation de leur situation financière à moyen et long terme, il faut d’abord réviser la situation budgétaire de Daniel et de Louise avec la fin prochaine de leurs revenus d’emploi et les importants débours immobiliers – revente de la maison, travaux au chalet – durant les années de début de leur retraite », constate d’emblée Alexandre Beaulieu.

En premier lieu, il considère le scénario d’une entrée de fonds en 2024 avec la revente de la résidence principale, après le remboursement du prêt hypothécaire de 115 000 $ et de la marge de crédit de 72 000 $, afin de payer les coûts de rénovation du chalet.

« J’estime cette entrée de fonds nette aux environs de 228 000 $, soit 72 000 $ sous le budget prévu de 300 000 $ pour les travaux au chalet. Cette différence devra donc être financée à même les actifs financiers de Daniel et de Louise », anticipe Alexandre Beaulieu.

Pour ce faire, il leur conseille de procéder à « un retrait du CELI de Louise dans l’optique où ils devraient repousser le plus longtemps possible les retraits de leurs comptes enregistrés d’épargne retraite REER et CRI ».

En second lieu, considérant que les années financières 2023 et 2024 sont les dernières de revenu d’emploi de Daniel, M. Beaulieu lui conseille de prioriser les cotisations à son REER alors que son taux d’imposition (et de valeur de crédits d’impôt) est encore plus élevé – environ 45 % – par rapport à celui prévisible – environ 36 % – lors du début du décaissement de REER lors de ses premières années de retraite.

« Daniel devrait cotiser jusqu’à 16 500 $ à son REER d’ici le 29 février 2024, pour maximiser son remboursement d’impôt de l’année fiscale 2023. Ensuite, il pourra utiliser ce remboursement d’impôt pour répéter un tel niveau de cotisation lors de l’année fiscale 2024 », suggère Alexandre Beaulieu.

Ce conseil diffère pour la situation de la conjointe, Louise.

« Parce qu’elle se trouve déjà dans le même palier d’imposition [de revenu d’emploi] que celui qui est prévisible sur les retraits de fonds en REER et CRI qu’elle devra faire durant ses premières années de retraite, la priorité de cotisations à son CELI serait plus pertinente pour la situation financière et fiscale de Louise », résume M. Beaulieu.

Quant au financement de leur train de vie de retraite, après leur emménagement résidentiel dans leur chalet rénové, Alexandre Beaulieu estime que Daniel et Louise ont assez d’actifs pour subvenir à leurs besoins jusqu’à un âge avancé.

Toutefois, note-t-il, cette suffisance financière à long terme dépendra de deux conditions.

D’une part, pour financer un train de vie d’environ 70 000 $ par an jusqu’à leur 96anniversaire, qui est l’espérance de vie moyenne considérée en planification financière de retraite, Daniel et Louise devront maintenir un rendement d’au moins 4 % par an sur leurs actifs financiers dans les comptes REER, CELI et CRI.

« Cette projection de suffisance financière est très sensible au rendement annuel net des placements. Ainsi, elle ne tiendrait plus si ce rendement moyen glissait à 3 % par an », avertit Alexandre Beaulieu.

D’autre part, afin d’optimiser leurs revenus de retraite vers leur âge avancé, Daniel et Louise devraient reporter le plus possible le début des rentes des fonds de retraite publics (RRQ provincial et PSV fédérale) en puisant d’abord dans leurs comptes d’épargne retraite personnels (REER, CRI, CELI).

Dans un premier temps, avise M. Beaulieu, « Daniel et Louise devraient renoncer à demander leur rente du RRQ provincial jusqu’à leur 65anniversaire, qui est l’âge d’admissibilité au montant de rente sans pénalité et indexé jusqu’en fin de vie ».

Dans un deuxième temps, à l’approche de leur 65anniversaire, et après les premières années de leur train de vie de retraite, Daniel et Louise devraient envisager de reporter de quelques années supplémentaires le début de leurs rentes des régimes provincial et fédéral.

« S’ils ont pu s’adapter à leur nouveau budget lors de leurs premières années de retraite, le report de ces rentes publiques jusqu’à 70 ans (PSV fédérale) et 72 ans (RRQ provincial) serait encore plus bénéfique pour leur sécurité financière à long terme à un âge avancé jusqu’à leur fin de vie, signale Alexandre Beaulieu.

« La rente maximale du RRQ provincial à partir de 72 ans se situe aux environs de 26 000 $ par an, et de 11 650 $ par an dans le cas de la PSV fédérale à partir de 70 ans, explique M. Beaulieu. On parle de près de 37 650 $ de revenu annuel de rentes bonifiées pour chacun des conjoints, qui serait garanti et indexé jusqu’à leur fin de vie. »

Entre-temps, conclut Alexandre Beaulieu, Daniel et Louise auront pris soin, après leur 65anniversaire, de convertir leurs comptes REER en nouveau FERR (fonds enregistré de revenu de retraite) afin de profiter du crédit d’impôt de 2000 $ sur les revenus de pension.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Rectificatif :
Les montants de rentes bonifiées après 70 ans qui seraient recevables des régimes publics (RRQ provincial et PSV fédérale) précédemment mentionnés étaient erronés, nous les avons modifiés. Nos excuses.