Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

Bienvenue dans un courrier de l’amygdale, où je réponds à quelques-unes de vos questions sur l’argent. Aujourd’hui, on parle de la culpabilité d’aller chez Tim Hortons, de l’idée de renvoyer son conseiller financier, d’un placement décevant, et d’un investissement dans l’indice du NASDAQ 100.

Commençons avec un lecteur super-épargnant qui veut boire son café en paix, sans avoir à soutenir le regard accusateur de cette rubrique.

« L’auteur financier américain Ramit Sethi préconise une approche sans budget, basée plutôt sur des choix de principe, écrit-il. Par exemple, si je veux m’offrir un fameux café Tim Hortons chaque jour parce que c’est mon plaisir, alors je le fais. Quelle est votre opinion sur cette approche ? J’ai un budget, mais j’y ai ajouté une catégorie “plaisir” même si j’ai épargné 30 000 $ l’an dernier. À 26 ans, je ne veux pas vivre seulement en pensant à la retraite. »

Félicitations pour votre épargne : 30 000 $ en un an à 26 ans, c’est impressionnant. Ensuite, Ramit Sethi recommande de faire un budget. Il propose quatre catégories : coûts fixes (prêt hypothécaire, loyer, épicerie, etc.), investissements (placements financiers à long terme), épargne à court terme (vacances, cadeaux d’anniversaire, entretien d’un véhicule, etc.), et dépenses pour le plaisir (le fameux café Tim Hortons).

L’idée, c’est qu’une dépense « pour le plaisir » n’est pas 100 % agréable quand nos investissements sont à zéro, ou qu’on n’a pas mis d’argent de côté pour ses vacances. Vu sous cet angle, faire un budget ne met pas notre vie dans un corset : ça nous libère, et nous permet plutôt de dépenser sans stresser pour des choses qui nous font plaisir. Tant qu’on ne se nuit pas à soi-même, on est sur la bonne voie.

Ça peut certainement inclure un café quotidien chez Tim Hortons. Mais c’est certain que s’il y a 20 personnes dans la file d’attente devant vous, je vais vous juger.

Accueillons maintenant Luc, qui trouve que je devrais arrêter de niaiser et dire aux gens de renvoyer leur conseiller financier.

« Pourquoi ne conseillez-vous pas à vos lecteurs de maturer un peu, de cesser de faire affaire avec un conseiller financier, d’aller vers des comptes de courtage à escompte et d’acheter eux-mêmes des fonds négociés en Bourse (FNB) ? demande-t-il. Le conseiller travaille en premier pour lui-même. Il cherche à avoir des commissions, et secondairement à faire croître le capital de l’épargnant. »

En tant qu’investisseurs autonomes, c’est tentant de penser que ce qui fonctionne pour nous va fonctionner pour tout le monde.

Mais vous devriez voir les courriels que je reçois. Les gens ont 1001 questions, sur 1001 aspects de l’investissement. Notre société n’a jamais été aussi riche, aussi instruite. Mais il y a un immense angle mort quand vient le temps de faire fructifier notre argent.

Et donc je devrais suggérer à une personne de 56 ans qui n’a jamais démontré d’intérêt pour la Bourse avant cette année de se mettre à gérer ses 60 000 $ (ou 600 000 $) pour sa retraite sur Disnat ? Parce qu’un conseiller financier fait de l’argent quelque part dans l’équation ?

Un conseiller financier peut nous aider à comprendre nos placements. Nous empêcher de vendre au mauvais moment. Nous motiver à épargner davantage. Ou tout ça à la fois. Ça peut avoir un impact énorme.

Si un conseiller offre des investissements qui nous procurent les rendements du marché boursier en fonction de votre intérêt pour le risque et à faibles frais de gestion (un peu plus de 1 % par année au total ; à 2 % ou plus, allez voir ailleurs), je ne vois pas où est le problème.

Ceux qui veulent payer moins de frais encore peuvent se tourner vers un portefeuille géré auprès d’une entreprise comme Questrade ou Wealthsimple. Ou, oui, gérer leurs propres placements dans un compte de courtage à escompte. C’est simple, mais ce n’est pas parce que c’est simple que c’est facile. Surtout quand une année 2008 ou 2020 arrive et nous rappelle que nous ne contrôlons pas grand-chose, finalement.

Ensuite, Karen aimerait savoir quoi faire avec un placement qui n’a pas eu le résultat souhaité.

« J’ai acheté une action à dividende qui a chuté énormément [40 %] depuis deux ans, écrit-elle. Le titre ne verse plus de dividende depuis un an. Cela représente seulement 5 % de mon portefeuille, mais je me demande si je devrais le vendre ou bien attendre qu’il remonte et limiter les pertes. Le reste de mon portefeuille comporte des FNB qui vont très bien. »

Quand on examine un investissement qui a perdu de la valeur, notre cerveau est souvent sous l’emprise de l’erreur du coût irrécupérable (sunk cost fallacy en anglais). On a payé un bon montant, le résultat est décevant, alors on essaie de voir comment on pourrait réécrire la fin de l’histoire.

Mais on n’a pas d’emprise sur le passé ni sur l’avenir. On peut seulement intervenir sur le présent.

Ne pas toucher à son portefeuille de placement, c’est implicitement faire un choix d’investissement. La personne qui investit depuis des années et qui possède 25 000 $ dans une action est exactement au même point que la personne qui achète pour une valeur de 25 000 $ de cette même action ce matin.

Par conséquent, la question que vous devriez vous poser est la suivante : si je devais investir de l’argent aujourd’hui, est-ce que j’achèterais les actions de cette entreprise ? Si la réponse est non, vous devriez vendre et investir l’argent ailleurs.

Finalement, un lecteur finissant universitaire de 23 ans veut placer son argent dans un FNB qui suit l’indice du S&P 500 dans son compte de courtage à escompte. « Depuis quelque temps, je souhaite investir une partie de mes fonds dans le NASDAQ 100, écrit-il. Le fait que cet indice est axé sur les technologies est très intéressant pour l’avenir. Qu’en pensez-vous ? »

Bravo de vous intéresser à tout ça à votre âge : vous avez une longueur d’avance sur bien des gens. Ensuite, je parle souvent du S&P 500, car c’est l’indice avec les meilleures données historiques. Mais les études montrent qu’en plus des actions américaines, c’est optimal d’avoir aussi une exposition aux actions canadiennes, et internationales.

Peu de gens le réalisent, mais les actions américaines ont eu un moins bon rendement que les actions internationales sans les États-Unis dans cinq des sept dernières décennies, selon les calculs de la firme PWL Capital. Oui, le S&P 500 est le Taylor Swift de l’univers de l’investissement actuellement. Mais personne ne sait ce que l’avenir nous réserve, alors c’est une bonne idée d’être diversifié.

Pour le NASDAQ 100, qui comprend les 100 plus grandes sociétés de technologie aux États-Unis, bien sûr que c’est l’avenir. Mais tout le monde sait que c’est l’avenir. Le prix des actions reflète déjà cet optimisme, alors les rendements de demain seront peut-être moins excitants que ceux d’hier.

Aussi, le NASDAQ 100 est composé de plusieurs entreprises qui sont déjà dans le S&P 500 (Apple, Alphabet, Nvidia, etc.). Donc il y a un risque d’avoir une surexposition au marché américain.

Parmi les fonds d’actions diversifiés exposés aux marchés américain, canadien et international les plus populaires chez les investisseurs autonomes, on trouve le fonds Portefeuille FNB d’actions Vanguard (VEQT), le fonds iShares Core Equity ETF Portfolio (XEQT), ou le FNB BMO toutes actions (ZEQT). Ces fonds ont des frais de gestion annuels compris entre 0,20 et 0,24 %.

Des versions de ces fonds incorporent aussi 20 % d’obligations, et peuvent possiblement moins chuter dans les tempêtes boursières. Il s’agit des fonds VGRO, XGRO, et ZGRO.

La diversification entre les secteurs et la géographie va toujours faire en sorte qu’une partie de notre portefeuille va moins bien performer qu’une autre. Ce n’est pas un défaut. C’est le signe qu’on peut faire face à tout ce que le marché peut nous envoyer – le négatif comme le positif.

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