Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

Il y a des principes en finance qui sont rarement, voire jamais, remis en question.

Par exemple : un portefeuille de placement doit contenir au moins deux catégories d’actifs : des actions et des obligations.

Aussi : les jeunes doivent avoir une forte proportion d’actions dans leur portefeuille. Avec l’âge, on augmente le pourcentage alloué aux obligations, histoire de ne pas être forcé de vendre des actions pendant une chute des marchés à la retraite.

J’adhère moi-même à cette façon de voir les choses, et je vous en fais part ici avec une troublante régularité.

J’ai donc été surpris par une nouvelle étude qui montre que cette approche est loin d’être celle qui a généré le plus de richesse pour les investisseurs.

Intitulée « Beyond the Status Quo : A Critical Assessment of Lifecycle Investment Advice », l’étude a été réalisée par des chercheurs de l’Université de l’Arizona, l’Université Emory et l’Université du Missouri.

Consultez l’étude (en anglais)

Les chercheurs ont voulu savoir quelle proportion d’actions/obligations offrait les meilleurs rendements tout au long de la vie des gens, depuis les premiers pas de leur carrière jusqu’aux dernières années de leur retraite, parfois 70 ou 75 ans plus tard.

Pour y parvenir, ils ont analysé les marchés boursiers de 38 pays développés de 1890 à 2019, soit près de 130 ans de données. Cela inclut des évènements terrifiants comme deux guerres mondiales, le krach de 1929, la Grande Dépression, les attaques du 11-Septembre, le débat sur le tramway de Québec, etc.

Résultat : la meilleure approche pour accumuler des placements durant sa vie active, vivre pendant des décennies à la retraite et laisser de l’argent en héritage à ses enfants est d’avoir 100 % de ses actifs dans le marché boursier, et d’éviter complètement les obligations.

La raison est simple : durant les périodes analysées — près de 2500 ans de données lorsqu’on les met bout à bout —, les actions ont globalement généré quatre fois plus de richesse après inflation que les obligations.

Les chercheurs ont découvert que les investisseurs qui ont un pourcentage grandissant d’obligations dans leur portefeuille avec l’âge devaient épargner 40 % plus d’argent durant leur vie active pour espérer avoir le même niveau de vie à la retraite que les investisseurs 100 % actions.

Le plus intéressant, c’est que lors du décaissement à la retraite en utilisant la règle souvent employée du 4 % (vendre 4 % de ses placements par année en ajustant chaque année la somme décaissée pour couvrir l’inflation), les investisseurs 100 % actions risquaient moins de manquer d’argent que les investisseurs qui ont des obligations. C’est qu’ils ont accumulé beaucoup plus de richesse au fil des années, donc leur pouvoir d’achat demeure plus élevé, même avec les chutes.

« Ça nous a surpris, m’explique en entrevue Scott Cederburg, professeur associé de finance à l’Université de l’Arizona et coauteur de l’étude. On entend souvent dire que les obligations constituent un refuge sûr pour les retraités. On constate au contraire que le risque d’inflation pendant la retraite et la possibilité d’une longue vie rendent les obligations peu attrayantes pour les retraités. »

Quant à la composition du portefeuille, les chercheurs ont calculé que, pour un pays comme le Canada, la pondération idéale est d’environ 35 % pour un fonds d’actions canadiennes, et 65 % pour un fonds d’actions internationales.

« Donc il y a un biais en faveur du pays d’origine, note M. Cederburg. Et l’exposition aux actions internationales n’est pas couverte contre le risque de taux de change. En fait, on a constaté qu’à long terme, la fluctuation du taux de change contrebalance les risques d’inflation dans le pays d’origine des investisseurs. »

OK, mais…

Avant que vous ne couriez changer la composition de votre portefeuille, un peu de réflexion s’impose.

Premièrement, les meilleures données et les meilleures études ne peuvent que nous parler du passé. Le passé n’est pas nécessairement garant de l’avenir. Les obligations viennent de vivre une décennie atroce. Je ne serais pas surpris si la décennie à venir était meilleure pour les obligations.

Ensuite, le désavantage d’un portefeuille 100 % actions est bien sûr qu’il fait régulièrement passer nos tripes sous un rouleau compresseur.

Un portefeuille dont le pourcentage d’obligations augmente jusqu’à former la majorité des actifs à la retraite vivra statistiquement une chute de 38 % durant son pire moment, ont calculé les chercheurs. Cette chute sera de 50 % pour un portefeuille composé à 100 % d’actions.

Je vous entends réfléchir : « La différence n’est pas énorme. Je suis capable de tolérer ça ! »

C’est ici que je pète votre balloune. Très peu de gens peuvent supporter une chute de 50 % sans intervenir dans leurs placements.

N’oubliez pas : une chute ne se vit pas en pourcentage. Elle se vit en dollars.

Voir 18 000 $ de placements chuter à 9000 $ est probablement à peine supportable pour la majorité des gens. Mais voir 500 000 $ accumulés pour sa retraite fondre pendant des années, atteindre 250 000 $… et ne rien faire ? Ne rien vendre pour faire cesser le vacarme dans notre tête, ou pour rassurer notre conjoint ou conjointe qui est sur le point de nous l’arracher ?

J’en ai parlé avec l’auteur financier Andrew Hallam, à qui l’on doit plusieurs succès de vente internationaux, dont Balance : How to Invest and Spend for Happiness, Health and Wealth et Millionaire Teacher : The Nine Rules of Wealth You Should Have Learned in School.

« Je pense que la répartition doit être individuelle, et qu’il est préférable pour la plupart des gens d’opter pour la prudence, dit-il. Presque tout le monde surestime sa tolérance à la volatilité. »

Des analyses ont montré que plus les gens ont une forte proportion d’actions dans leur portefeuille, plus ils tendent à sous-performer leurs propres fonds. Pourquoi ? Parce qu’ils ne peuvent s’empêcher d’essayer de se synchroniser avec le marché, d’acheter et de vendre au mauvais moment, etc.

On croit souvent que ce sont les jeunes investisseurs qui spéculent. Mais la recherche a montré que ce sont surtout les investisseurs plus âgés qui ne peuvent s’empêcher de tenter de se synchroniser avec les marchés. Ils voient la valeur de leurs placements diminuer, et vendent pour « préserver leur pouvoir d’achat ».

Mais comme les hausses en Bourse arrivent sans prévenir, ça diminue les rendements.

« Les études sur les rendements optimaux sont basées sur des formules mathématiques, dit Andrew Hallam. Elles ne tiennent pas compte des émotions. Ce ne sont pas les fonds que nous possédons qui nous enrichissent. C’est la façon dont nous nous comportons avec ces fonds. »

Je pense que cette étude a le mérite de nous rappeler que rechercher la stabilité à tout prix dans nos placements n’est pas souhaitable – même lorsqu’on avance en âge. Beaucoup de gens associent prudence avec sécurité. Mais quelle sécurité offre un portefeuille extra prudent qui se fait vite dépasser par l’inflation ?

En même temps, il faut bien se connaître comme investisseur avant de se lancer dans des placements 100 % en actions. Sinon, le marché pourrait se charger de notre éducation.

Comme dit le proverbe : il n’y a pas d’âge pour apprendre.

Vous êtes écolos

La semaine dernière, je vous demandais ce que vous faisiez pour diminuer votre empreinte carbone. Vos nombreuses réponses m’ont surpris ; c’est facile de penser que personne ne s’arrête pour penser à l’environnement.

Julie écrit qu’elle a acheté une voiture électrique d’occasion. « Je suis en télétravail 80 % du temps, et les quelques fois que je vais au bureau (Laval – Vieux-Montréal), j’y vais à 100 % en transports en commun », dit-elle.

Gilles écrit : « Je roule en voiture trois fois moins qu’avant, et je marche trois fois plus que l’an dernier ! J’ai ajouté une couverture à mon lit, et la nuit je réduis à 18 degrés le chauffage du condo. »

L’alimentation fait aussi partie des préoccupations. « Nous avons beaucoup diminué notre consommation de viandes rouges, écrit Chantal. Une fois semaine nous mangeons végé. Un pas à la fois, on va y arriver ! »

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