Le marché semble estimer que le temps est venu pour Innergex de charcuter son dividende. Et les investisseurs seront fixés mercredi sur ce point à l’occasion de la présentation de la performance de fin d’exercice du producteur québécois d’énergie renouvelable.

Une importante réduction du dividende apparaît déjà largement intégrée dans le prix de l’action comme en témoigne le repli de près de 50 % du titre depuis six mois à la Bourse de Toronto.

Ce titre qui valait plus de 32 $ à un certain moment il y a quatre ans a clôturé la dernière semaine à 7,37 $ à Toronto, ce qui confère à l’entreprise une valeur boursière de 1,5 milliard de dollars.

Au cours boursier actuel, le rendement du dividende frôle désormais la barre des 10 %.

Il n’est généralement pas recommandé de détenir des actions d’une entreprise qui s’apprête vraisemblablement à réduire ou éliminer son dividende, car il est probable que le cours boursier poursuive sa glissade après l’annonce en raison de la rotation qui s’effectue au sein de l’actionnariat et des questionnements pouvant surgir autour de la crédibilité de l’équipe de direction.

L’analyste Rupert Merer, de la Financière Banque Nationale, souligne cependant que l’action de la norvégienne IPP Scatec s’est appréciée en novembre après l’annonce de l’élimination de son dividende et que le titre du leader danois de l’éolien offshore Ors est demeuré relativement stable plus tôt ce mois-ci après l’annonce d’une réduction de son dividende.

Spéculation

Le ratio de distribution des dividendes d’Innergex, qui est égal ou supérieur à 100 % des flux de trésorerie disponibles depuis cinq ans, alimente intensément la spéculation.

Si l’ampleur de la réduction du dividende varie selon les experts qui acceptent de se prononcer, il s’en trouve encore pour dire que les dirigeants pourraient maintenir le dividende à son niveau actuel.

La pression s’explique en partie par une production inférieure à la moyenne qui a persisté plus longtemps que lors des cycles précédents et qui ne s’est pas encore normalisée, soutient l’analyste Ben Pham, de la BMO.

Il est donc possible, selon lui, que la direction maintienne le dividende annuel actuel de 72 cents par action et décide d’affronter patiemment l’humeur négative des investisseurs à court terme. Ça pourrait cependant avoir un impact sur la capacité d’Innergex à ajouter de nouveaux projets de croissance au cours de cette période de transition.

Il ajoute que si Innergex parvenait à améliorer son ratio de distribution en le ramenant à 80 ou 85 %, le marché pourrait encore considérer qu’il s’agit d’un niveau élevé.

Un ratio de distribution plus modéré de 50 % ou moins, semblable à celui de Boralex – un autre producteur québécois d’énergie renouvelable –, suggère d’après ses calculs que le dividende annuel passerait à 42 cents par action, l’équivalent d’une réduction d’environ 40 %.

Dans l’hypothèse d’une réduction de 40 % du dividende, l’action d’Innergex pourrait valoir entre 7 et 10 $, selon Ben Pham. Compte tenu du cours boursier actuel, cela suggère qu’une réduction de cette ampleur est largement intégrée par le marché.

Dans le cas d’une réduction du dividende plus importante, de l’ordre de 70 % par exemple, l’action d’Innergex pourrait poursuivre sa chute en Bourse et glisser, selon lui, à 5 $ ou moins.

Son collègue Sean Steuart, de la TD, s’attend pour sa part à ce que la direction d’Innergex annonce mercredi une réduction de 35 % du dividende afin d’améliorer la flexibilité financière.

La vente de certains actifs est également possible, croit-il, afin d’assainir les finances de l’entreprise. Cet expert dit aussi s’attendre à une révision des objectifs de croissance pour que les cibles à atteindre soient plus raisonnables.

Réduction du dividende

Chez RBC, l’analyste Nelson Ng estime qu’il serait opportun de revoir la stratégie d’allocation du capital et de réduire « considérablement » le dividende versé aux actionnaires, car un niveau beaucoup plus bas est approprié pour une entreprise en croissance.

« Une réduction de 50 % du dividende permettrait de conserver 88 millions de dollars de liquidités. C’est insuffisant pour financer le taux de croissance visé par l’entreprise, mais ce serait une grande amélioration par rapport à la situation actuelle », souligne-t-il dans un rapport publié dans les derniers jours.

Rupert Merer estime pour sa part que si le dividende actuel est viable à long terme, le modèle d’une distribution élevée est un vestige du passé datant de l’époque des fiducies de revenu et non conforme avec l’objectif de croissance organique que les investisseurs chérissent.

Si l’action d’Innergex ne rebondit pas éventuellement, il croit que des capitaux privés pourraient apprécier davantage les actifs d’Innergex.

Hydro-Québec, Gestion mondiale d’actifs Scotia et la Caisse de dépôt et placement du Québec sont les trois plus importants actionnaires d’Innergex.