Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

En tant que personne qui écrit dans le journal, j’estime que mon rôle est de communiquer des informations utiles, peu importe si elles sont agréables à lire ou pas.

Cette semaine, je veux vous faire part d’une nouvelle difficile qui ne vous fera sûrement pas bondir de joie : les placements financiers sont en hausse depuis un an.

Je sais, c’est triste. Laissez-moi vous expliquer.

Du 1er janvier 2023 au 1er janvier 2024, un portefeuille équilibré (60 % en actions, 40 % en obligations) a connu une croissance de 10 %, en plus des dividendes versés en cours d’année.

Consultez le site de Vanguard (en anglais)

Une personne qui place de l’argent ce mois-ci peut donc acquérir 10 % moins d’actifs financiers qu’à la même date l’an dernier.

Pascale, une lectrice, écrit avoir commencé à acheter 500 $ en Fonds négociés en bourse (FNB) tous les mois depuis janvier 2023.

« Je me surprends à constater que la variation de mon actif a été positive sur l’ensemble de 2023, écrit-elle. Je suis satisfaite d’avoir suivi mon plan toute l’année. »

Je m’attendais à me faire engueuler par Pascale. Mais non ! Elle se réjouit de la diminution de son pouvoir d’achat !

Les voitures de Warren Buffett

Je sais que c’est gratifiant de voir la valeur de ses placements augmenter. On se dit qu’on a bien agi. Qu’on a pris la bonne décision. Qu’on s’est enrichi.

Tout ça est vrai. Mais à moins qu’on ne soit déjà à la retraite, les beaux chiffres en vert dans notre compte de placement veulent aussi dire qu’on paie plus cher les nouveaux placements que l’on achète chaque jour de paye ou tous les mois. Et ça ne devrait pas nous réjouir.

Warren Buffett a abordé cette question dans sa lettre aux actionnaires de Berkshire Hathaway en 1997.

« Si vous prévoyez manger des hamburgers tout au long de votre vie, devriez-vous souhaiter des prix plus élevés ou plus bas pour la viande de bœuf ? écrit-il. De même, si vous allez acheter une voiture de temps en temps, devriez-vous préférer des prix plus élevés ou plus bas pour les voitures ? »

Poser ces questions, dit-il, c’est y répondre.

« Maintenant, l’examen final : si vous prévoyez investir de l’argent au cours des cinq prochaines années, devez-vous espérer une hausse ou une baisse du marché boursier au cours de cette période ? »

De nombreux investisseurs se trompent sur ce point, dit Buffett. Même s’ils seront des acheteurs pendant de nombreuses années, ils sont heureux lorsque les prix des actions augmentent et sont déprimés lorsqu’ils baissent.

Dans les faits, ils se réjouissent de la hausse des prix des « voitures » qu’ils achèteront bientôt, une réaction qui ne tient pas debout.

Seules les personnes qui vendront des actions dans un avenir proche devraient se réjouir de la hausse des cours. Les acheteurs potentiels devraient préférer de loin une baisse des prix.

Warren Buffett, de Berkshire Hathaway

Buffett nous invite à voir mentalement une augmentation de la valeur de nos placements comme une tendance qui n’est pas dans notre intérêt.

Pour les investisseurs qui le comprennent, les mois ou les années où les placements sont en baisse sont agréables comme une brise du large au mois de juillet.

Je suis de bonne humeur quand la Bourse fait du surplace. Et je souris quand les chutes boursières sont si spectaculaires qu’elles se frayent un chemin jusqu’à l’ouverture des bulletins de nouvelles de 18 h ou 22 h.

Les reportages ont alors des titres sévères, dramatiques. « Jour noir sur les Bourses de la planète. » « Panique à Wall Street. » Percevoir des inflexions d’inquiétude et de consternation dans la voix de Patrice Roy ou de Michel Jean est le doux signe que les aubaines sont de retour.

Je n’attends pas les chutes pour investir. Toutes les études sur la question ont montré que le meilleur moment pour investir est lorsqu’on a l’argent pour le faire. Mais j’aime voir des chiffres en rouge lorsque je clique sur « acheter ».

L’investisseur milliardaire montréalais Stephen Jarislowsky dit adorer ces moments intenses.

« Pour moi, la panique boursière, c’est le bonheur ! m’a-t-il confié il y a quelques années. Aucune panique ne dure longtemps. Dans une panique, tu achètes quelque chose de bien réel, mais dont le prix a diminué temporairement. »

Malheureusement, les chutes sont rares : sept années sur dix se sont historiquement soldées par une hausse dans les marchés boursiers des pays développés, comme ça a été le cas en 2023.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) tient à jour un tableau révélateur sur les périodes de baisse de plus de 20 % de la bourse canadienne (indice composé S&P/TSX). Si les chutes vous effraient, c’est l’antidote parfait à coller sur le mur de votre bureau.

Consultez le site de l’Autorité des marchés financiers

L’AMF a répertorié 11 chutes de plus de 20 % au Canada depuis la fin des années 1960. Ces chutes ont été de -35 % en moyenne. Il a fallu attendre 2,3 années en moyenne pour retrouver le sommet précédent. Et le rendement moyen dans les quatre années suivant les chutes a été de 21 % par année.

« Les crises boursières peuvent être stressantes, conclut l’AMF. Toutefois, si l’on se fie aux évènements passés, les investisseurs qui ont fait preuve de patience et de sang-froid en ne cédant pas à la panique et en évitant de vendre au pire moment ont tendance à être récompensés lors des hausses suivantes. »

Cela devrait offrir du réconfort même aux personnes retraitées qui vivent de leurs placements. Historiquement, 100 % des baisses de la valeur de la Bourse canadienne se sont résorbées. La patience est payante en investissement.

Les marchés vont-ils faire du surplace en 2024 ? Ou, mieux, nous offrir le cadeau d’une chute boursière ?

Personne ne le sait. Un investisseur peut toujours rêver.

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