Les entrepreneurs sont souvent très occupés dans leur quotidien, passionnés par leur travail et ne pensent pas à préparer leur retraite. Or, vendre l’entreprise dans laquelle on s’est investi toute sa vie est une tâche complexe et cruciale pour pouvoir s’offrir une belle retraite. Et cela se prépare quelques années d’avance si on veut pouvoir économiser jusqu’à plus de 900 000 $ en impôts.

La situation

Luc*, 63 ans, est électricien et a son entreprise. Il est le seul actionnaire. Sa femme, Chantal*, 62 ans, travaille dans l’administration de l’entreprise et son fils Éric*, électricien, y est aussi employé. Luc a reçu une offre d’achat pour son entreprise récemment qui venait de l’externe. « Je ne m’attendais pas du tout à ça, raconte-t-il. Je me suis demandé quoi faire. Ça m’a comme réveillé. Je me suis dit qu’il faudrait que je parle d’abord avec mon fils pour voir s’il était intéressé à reprendre l’entreprise. » Luc a aussi une société de gestion où il dépose les profits accumulés de l’entreprise d’électricité. Il se demande quelles sont les étapes à traverser pour vendre son entreprise et prendre une retraite confortable qui lui permettra de profiter des fruits de ses efforts réalisés tout au long de sa vie active.

Les chiffres

Luc, 63 ans

  • Revenu annuel : 200 000 $ en combinaison salaire et dividendes
  • Rente mensuelle estimée à 65 ans du Régime de rentes du Québec (RRQ) : 1030 $
  • Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 350 000 $
  • Compte d’épargne libre d’impôt : 60 000 $
  • Société de gestion : 115 000 $

Chantal, 62 ans

  • Revenu annuel : 48 000 $ en dividendes (qui ne permet pas de cotiser au RRQ)
  • Rente mensuelle estimée à 65 ans du RRQ (elle a eu un salaire auparavant) : 331 $
  • REER : 45 000 $

Valeur de la propriété détenue par le couple : 575 000 $ (complètement payée)

Coût de vie annuel estimé net à la retraite : 65 000 $ net

Avoir une discussion familiale

Julie Paquin, planificatrice financière et vice-présidente, gestion privée chez Optimum Gestion de placements, n’est pas étonnée de cette prise de conscience un peu tardive de Luc. « Les entrepreneurs sont souvent absorbés par leurs activités quotidiennes, le développement d’affaires, l’administration, alors ils ne s’arrêtent pas aux questions liées à la vente éventuelle de leur entreprise, indique-t-elle. Or, c’est très important. Se préparer pour la transaction prend environ cinq ans, dont deux qui sont vraiment cruciaux pour pouvoir bénéficier d’une exemption d’impôts allant jusqu’à 971 190 $. »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Julie Paquin, planificatrice financière et vice-présidente, gestion privée chez Optimum Gestion de placements

Puis effectivement, avant de considérer une offre externe d’achat d’entreprise, Julie Paquin conseille fortement à Luc d’avoir une discussion avec son fils pour sonder son intérêt à reprendre l’entreprise.

« Peut-être que ça ne l’intéresse pas du tout et qu’il veut rester salarié, indique la planificatrice financière. Mais il faut connaître ses intentions pour éviter de causer des tensions familiales. Puis, si Éric souhaite reprendre l’entreprise, il faudra regarder s’il a les compétences nécessaires pour devenir entrepreneur et les capacités financières pour réaliser ses ambitions. »

Faire évaluer son entreprise

Pour le savoir, Luc devra notamment savoir combien vaut son entreprise. « Il doit aller chercher un évaluateur agréé pour réaliser ce travail », affirme Julie Paquin.

Elle a calculé que pour avoir 65 000 $ net par année à la retraite à partir de 65 ans, Luc devrait tirer un profit d’au moins 300 000 $ net de la vente de son entreprise.

La déduction pour gain en capital prévue lors de la vente des actions d’une petite entreprise admissible pourrait donc faire toute la différence pour lui.

« Normalement, le gain en capital est imposable à 50 %, mais le gouvernement a mis cette déduction en place pour donner un coup de pouce aux propriétaires d’une petite entreprise qui, souvent, ont travaillé très fort et ont toujours réinvesti de l’argent dans leur entreprise, explique Julie Paquin. Mais il y a plusieurs conditions à respecter pour pouvoir être admissible. »

Préparer son entreprise

L’un des éléments importants à préparer pour profiter de cette déduction fiscale est qu’il faut que 90 % des revenus détenus dans l’entreprise soient actifs au moment de la vente des actions. « Souvent, il y a beaucoup d’argent accumulé dans les entreprises matures, remarque Julie Paquin. Il faut le sortir. Par exemple, Luc pourrait transférer les actifs passifs dans sa société de gestion, ou se verser un plus gros salaire et cotiser à son REER pour diminuer l’impôt à payer. Son comptable ou fiscaliste est la meilleure personne pour lui faire des recommandations. »

Aussi, pendant au moins deux ans avant la vente, l’action doit avoir appartenu au particulier ou à une personne qui lui est liée, donc ici à Luc ou à sa femme, et plus de 50 % de la juste valeur marchande des biens de l’entreprise doit avoir servi à son exploitation active.

« Il est essentiel que Luc prenne le temps de regarder sa situation dans les détails avec un comptable ou un fiscaliste pour s’assurer de respecter toutes les conditions, précise la planificatrice financière. C’est un avantage fiscal important et il doit le prévoir. »

Malheureusement, on voit des entrepreneurs qui se font prendre de court, par exemple par une vente rapide ou parce qu’ils tombent soudainement très malades et ils ne peuvent pas en profiter.

Julie Paquin, planificatrice financière et vice-présidente, gestion privée chez Optimum Gestion de placements

Travailler dans l’entreprise après la vente

Si, finalement, Luc n’a pas tout l’argent dont il aura besoin en vendant son entreprise, il pourrait envisager différentes solutions. Par exemple, continuer à travailler dans l’entreprise même si elle a été vendue.

« Souvent, c’est d’ailleurs ce que l’acheteur souhaite, parce que le fondateur est celui qui connaît le mieux les clients et les fournisseurs, indique Julie Paquin. C’est intéressant qu’il reste un certain temps pour faciliter la transition. Mais c’est aussi un défi, parce que celui qui a fondé l’entreprise et qui l’a dirigée toute sa vie peut avoir de la difficulté à déléguer et à revoir ses façons de faire. L’important, c’est que Luc s’entoure de différents experts pour bien l’accompagner, tant au niveau financier qu’humain, dans les différentes étapes qui le mèneront à la vente de son entreprise. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.