En 2024, il deviendra de plus en plus difficile pour une entreprise qui souhaite attirer des investisseurs ou satisfaire les exigences de ses clients d’ignorer son impact sur la société. Que ce soit en obtenant une certification ESG ou en préparant un plan en la matière, les entreprises doivent désormais avoir des réponses à leur offrir.

Les grandes entreprises cotées en Bourse et autres institutions d’envergure ont souvent des responsables de l’investissement durable qui élaborent des politiques en la matière. Ce ne sont pas toutes les entreprises qui disposent cependant des ressources pour tout mettre en place.

Si les exigences varient selon la taille et le degré de maturité d’une entreprise, ce qui gravite autour des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) doit maintenant faire partie de la stratégie d’affaires d’une entreprise si elle veut par exemple convaincre la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) de l’épauler financièrement.

« Une entreprise de services-conseils qui n’aurait pas réfléchi à la diversité, l’équité et l’inclusion, cela m’inquiéterait, explique Geneviève Bouthillier, vice-présidente, moyennes entreprises privées, chez CDPQ Placements privés. Je me dirais : ‟comment font-ils pour aller chercher les meilleurs talents ? « Si elle a un angle mort sur un des facteurs ESG importants, on va avoir un doute. »

PHOTO FOURNIE PAR LA CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT DU QUÉBEC

Geneviève Bouthillier est vice-présidente, moyennes entreprises privées, chez CDPQ Placements privés.

Une certification dite « B Corp » ou « ISO » n’est pas obligatoire pour obtenir le soutien financier du bas de laine des Québécois, même s’il voit cela d’un bon œil. L’institution veut laisser la chance au coureur. Elle s’assure cependant que le thème de la durabilité s’invite rapidement.

« On a développé un outil pour faciliter ce dialogue avec les sociétés de notre portefeuille, souligne François Crémet, directeur principal à l’investissement durable à la CDPQ. Ce sont quatre piliers (établir la structure, déployer la stratégie, l’implantation de la gestion et la définition de cibles) ayant pour vocation d’aider une entreprise à se structurer et mettre en place une stratégie durable. »

Demandes rehaussées

Le géant de la construction Pomerleau est nommé par la Caisse comme l’une des entreprises où l’accompagnement de l’investisseur institutionnel a permis d’accélérer le virage en matière de durabilité. L’investissement initial du gestionnaire de régimes de retraite dans l’entreprise québécoise remonte à 2018.

En quelques années seulement, l’équipe ESG de Pomerleau est passée de quelques personnes à plus de 40. L’an dernier, le spécialiste de la construction a décidé d’intégrer son rapport ESG à son bilan annuel pour l’exercice financier 2022 – une pratique encore peu répandue en Amérique du Nord.

Ce virage était inévitable. Des donneurs d’ordres comme Microsoft, Rio Tinto, Hydro-Québec et SmartCentres sont des noms parmi tant d’autres d’entreprises qui évaluent la performance ESG de leurs sous-traitants avant de leur confier des travaux de construction et de fabrication.

« Pour des soumissions ou des projets remportés où figuraient des critères visant la réduction d’empreinte carbone, nous sommes passés de 14 appels en 2020-2021 à 32 l’année suivante, raconte Jean-Philippe Lepage, directeur des relations publiques et marketing de Pomerleau. Par exemple, l’approvisionnement en béton bas carbone devient une exigence. Notre équipe ESG prend les moyens pour savoir où sont les sources d’approvisionnement. »

Tout indique qu’un tour de vis se prépare également concernant la divulgation financière en matière de durabilité. L’International Sustainability Standards Board (ISSB) a publié, le 26 juin dernier, ses premières obligations financières en matière de durabilité et de changements climatiques. Les entreprises canadiennes n’ont aucune obligation de s’y conformer, mais cela pourrait bien changer, puisque le gouvernement fédéral a exprimé son soutien à ce mouvement.

« Ces normes risquent d’être les premières de plusieurs qui vont s’ajouter par la suite, affirme Marie-Soleil Tremblay, professeure à l’École nationale d’administration publique et administratrice d’organisations. Ce que je peux dire de 2024, c’est qu’il y a une pression qui risque de s’observer de façon plus générale, pas seulement des investisseurs. »

PHOTO FOURNIE PAR MARIE-SOLEIL TREMBLAY

Marie-Soleil Tremblay est professeure à l’École nationale d’administration publique et administratrice d’organisations.

Fasken est du même avis. Dans une note d’analyse diffusée en juin dernier, le cabinet d’avocats estimait que ces normes ISSB n’étaient pas obligatoires « pour l’instant », en ajoutant que cela « n’est peut-être qu’une question de temps ».

Du travail à faire

S’il y a un aspect sur lequel les entreprises ont du pain sur la planche, c’est du côté de la façon dont leur performance ESG est passée au peigne fin. Un rapport de PwC a mis en lumière ces problématiques. Le cabinet avait analysé les cibles ESG des 250 plus grandes entreprises. Seulement 8 % avaient soumis leur rapport en matière de développement durable à un examen aussi approfondi que pour leurs résultats financiers.

« Pour que les informations (ESG) soient utiles, elles doivent être fiables, souligne PwC. Les entreprises sont de plus en plus contraintes de démontrer la crédibilité de leurs rapports en obtenant un avis externe. »

Mme Tremblay a participé à la rédaction du rapport du Comité d’examen indépendant de la normalisation au Canada, diffusé en mars dernier. L’exercice se penchait sur plusieurs aspects, dont l’établissement de normes d’information sur la durabilité.

En raison de la multiplication des indicateurs en matière de politiques ESG, le rapport de 73 pages soulignait notamment que la certification devrait jouer un « rôle clé » pour « renforcer la confiance […] à l’égard de l’intégrité et de la fiabilité de l’information sur la durabilité présentée par les différents types d’organisations ».

En savoir plus
  • 92 %
    Proportion de grands donneurs d’ordres qui auront des exigences ESG envers leurs fournisseurs en 2024.
    source : banque de développement du canada