Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont repris ici le dimanche.

« Ça ne durera pas. »

« Tout ça est dans une bulle. »

« Ça va s’effondrer. »

« Réveille-toi ! »

En finance plus que dans tout autre domaine, le pessimisme est séduisant. Qu’il s’agisse d’un expert à la télé ou du voisin autour de la piscine, les gens qui anticipent une catastrophe semblent à la fois visionnaires et altruistes. Comme s’ils cognaient à notre porte au milieu de la nuit pour nous avertir que des flammes menacent notre maison…

Par exemple, un lecteur m’écrivait l’autre jour un courriel un peu paniqué.

« Vu le déclin inévitable (et bien documenté) des empires, qu’arriverait-il si le dollar américain n’était plus la devise de choix pour les échanges commerciaux internationaux à l’avenir ? On pense à la Chine et au yuan dans le futur… Le prochain “empire” ? […] La dette des États-Unis est si grande, ça ne peut pas durer… »

Le problème avec l’inquiétude de ce lecteur, c’est qu’elle est plus usée que la transmission d’une Toyota Corolla 1986, la voiture de mes rêves.

Depuis des générations, des gens ont misé sur le déclin des États-Unis, avec d’excellentes raisons de le faire. Depuis des générations, ils ont perdu de l’argent près de 100 % du temps.

Oui, la dette des États-Unis est élevée et, oui, les États-Unis ne seront pas à la tête du monde économique éternellement. Mais les obligations du Trésor américain comptent parmi celles qui offrent les taux d’intérêt les plus bas du monde. Ce que ça veut dire ? Tout simplement que les investisseurs du globe ne sont pas inquiets de la capacité de Washington à payer ses factures. Ni aujourd’hui ni dans 10, 20 ans ou 30 ans.

Est-ce que la Chine supplantera un jour les États-Unis à la tête de l’économie mondiale ? Aucune idée, mais c’est pour cette raison que l’on devrait investir non seulement au Canada et aux États-Unis, mais dans le monde entier1.

Et puis, qu’est-ce qui nous dit que la montée de la Chine et de l’Asie produirait ce que ce lecteur imagine ?

L’Empire britannique n’existe plus, et la livre sterling a cessé depuis longtemps d’être la monnaie d’échange du globe. Mais le Royaume-Uni demeure l’un des pays ayant la plus haute qualité de vie au monde. Et les rendements des actions britanniques ont été de 5 % de plus que l’inflation par année en moyenne depuis 119 ans⁠2.

Voir le système tomber

Il arrive que des pessimistes aient raison. L’investisseur américain John Paulson, par exemple, est devenu célèbre après avoir misé sur une débâcle immobilière à la fin des années 2000 aux États-Unis.

Son pari lui a permis de gagner des milliards, et des livres et des films ont été faits sur sa vie.

Comment ça se passe pour lui depuis ?

Paulson a fait un grand pari sur l’or, pari qui s’est avéré catastrophique, le prix de l’or étant moins élevé aujourd’hui qu’au début de la décennie 2010, lorsque Paulson s’y intéressait.

Bref, la pire chose qui puisse arriver à un pessimiste est d’avoir raison, puisque cette validation teintera son jugement et ses décisions. Comme l’a dit le psychologue Abraham Maslow : « Lorsque le seul outil dont on dispose est un marteau, il est tentant de tout traiter comme s’il s’agissait d’un clou. »

La raison pour laquelle j’ai du mal avec les pessimistes est que les choses ont tendance à s’améliorer avec le temps. Bref, l’expérience humaine, qui est à des années-lumière d’être parfaite, est meilleure en 2023 que jamais auparavant.

Près de 2 milliards d’humains vivaient dans un état de pauvreté extrême en 1990. Ils sont moins de 800 millions dans cette situation aujourd’hui.

En 1990, plus de 12 millions d’enfants de moins de 5 ans mouraient dans le monde. Ce nombre a chuté chaque année pour atteindre 5 millions aujourd’hui – un nombre beaucoup trop élevé, mais au moins, la tendance est claire.

Pour tout dire, j’ai déjà été fasciné par les pessimistes. Il y a quelque chose de satisfaisant dans le fait d’apercevoir une faille dans un système que l’on n’aime pas particulièrement, d’extrapoler à partir de cette faille et d’imaginer qu’elle va tout faire tomber.

Le problème, c’est qu’on n’est généralement pas les seuls à voir cette faille. Des millions de personnes la voient également. Et donc la faille n’en est pas une.

Mais ce n’est pas une réponse acceptable pour les pessimistes, pour qui il y aura toujours un problème majeur caché quelque part… Bref, on ne peut jamais gagner à ce jeu.

Tout ça pour dire qu’on ne craint pas les bonnes choses en finance.

Votre voisin qui s’inquiète de l’avenir des États-Unis devrait s’alarmer de ne pas maximiser son CELI. Ou de ne pas investir dans le REEE de ses enfants pour saisir les milliers de dollars que lui tend le gouvernement. Ou de ne pas faire des investissements réguliers, peu importe le pronostic des experts, peu importe que les marchés soient en hausse ou en baisse.

Ces comportements ont un impact direct et tangible sur l’enrichissement.

Mais c’est difficile, voire impossible, de les mettre en place lorsque notre esprit est captivé par la chute des empires.

Vos livres sur l’argent

Je vous demandais plus tôt cet été de m’envoyer vos suggestions de livres sur l’argent. Vous avez été nombreux à le faire, et le livre le plus souvent cité était le méga-succès de librairie vendu à plus de 26 millions d’exemplaires, Père riche, père pauvre de Robert Kiyosaki. « Ce livre parle de l’enrichissement, de la différence entre besoins et désirs, de l’importance d’acheter des petits morceaux de compagnies (actions), écrit Michelle. J’en applique les apprentissages avec ma fille depuis qu’elle parle ! Maintenant, à 13 ans, elle dépense modérément et pense à acheter son premier condo à l’université. »

Lilianne dit quant à elle avoir beaucoup aimé le livre Elle investit de Karman Kong, que j’avais interviewée plus tôt cette année3. « On ne se le cachera pas, le monde de l’investissement est encore dominé par les hommes, et on pourrait même dire que ce monde est misogyne. Ce livre est non seulement agréable à lire et accessible, mais il déconstruit les préjugés que l’investissement n’est qu’une affaire d’hommes. »

Enfin, Gabrielle recommande le livre Beat the Bank de l’auteur canadien Larry Bates. « Ce livre m’a fait voir à quel point les frais de gestion des fonds communs de placement vendus en succursale des institutions financières canadiennes coûtent cher et ne produisent pratiquement aucun rendement, dit-elle. J’en suis tombée en bas de ma chaise ! »

1. Lisez l’article « Comment investir en Bourse quand on n’y connaît rien » 2. Lisez l’arcticle « What are the average returns of the FTSE 100 ? » (en anglais) 3. Lisez l’article « “Je n’avais jamais compris que l’argent pouvait travailler à ma place” »