Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières. Ses textes sont repris ici le dimanche.

Chaque semaine, je reçois au moins un message d’un lecteur qui me remercie pour mes textes, mais qui me dit, en gros : « Ce que tu racontes sur l’investissement boursier me passe 10 pieds au-dessus de la tête. Moi, je commence et je veux juste comprendre la base. Qu’est-ce que je devrais faire ? »

C’est une excellente question. Nos parents y répondent rarement. L’école, encore moins. On peut donc passer sa vie sans savoir comment fonctionne le plus grand moteur d’enrichissement de l’histoire. Je vais l’expliquer ici en essayant de ne pas vous faire pleurer d’ennui.

Investir à la Bourse demande de l’argent et du temps. Pas du temps en ce sens qu’investir est compliqué – bien pratiqué, l’investissement prend moins d’une heure par année. Non, plutôt en ce sens qu’il faut être patient et penser en années et surtout en décennies, pas en semaines ou en mois.

Les investisseurs deviennent propriétaires d’une petite partie d’entreprises en achetant leurs actions. Avec le temps, certaines de ces entreprises vont augmenter leurs revenus et leurs profits, et donc valoir plus cher en Bourse. Les propriétaires d’actions s’enrichissent.

Quelles entreprises acheter ? On pense à tort qu’il faut réussir à trouver le prochain Amazon ou le prochain Google pour faire de l’argent en Bourse.

Cette façon d’investir est appelée « faire de la sélection de titres », car on tente de sélectionner les futurs gagnants. Ça peut sembler logique. Malheureusement, des décennies d’études nous montrent que plus de 9 investisseurs sur 10 qui investissent de cette façon (et ça inclut les professionnels qui gèrent des fonds communs de placement) ont des rendements à long terme inférieurs aux rendements du marché boursier au complet.

C’est contre-intuitif, mais c’est généralement plus payant d’acheter la botte de foin (le marché) que de chercher l’aiguille (le prochain Apple).

Jusqu’ici, c’est clair ?

Comment faire pour acheter le marché ? On peut acheter un fonds qui contient une petite partie de chacune des 250 plus grandes entreprises à la Bourse de Toronto. Ou encore un fonds qui contient une partie de chacune des 500 plus grandes sociétés négociées aux États-Unis.

Ces fonds s’appellent des fonds négociés en Bourse (FNB). Comme ils reproduisent les grands indices boursiers, on les nomme fonds indiciels. Pour acheter ces fonds, il suffit d’ouvrir un compte de courtage en ligne. Toutes les grandes banques (et Desjardins) offrent ce service. On peut aussi y ouvrir un compte de courtage CELI, REER, REEE, etc., et y détenir nos placements. Des entreprises comme Questrade ou Wealthsimple rendent l’achat de FNB encore plus simple en offrant des plateformes automatisées où des portefeuilles d’investissement sont déjà assemblés pour nous.

Vous suivez toujours ?

Quel est le rendement des placements boursiers ? Malgré les krachs, les récessions, la COVID-19, la Silicon Valley Bank, Vladimir Poutine, l’inflation et d’autres évènements désagréables, le marché canadien a enrichi les investisseurs de 9 % par année en moyenne depuis un demi-siècle. Aux États-Unis, le marché a grimpé de 11 % par année en moyenne depuis 50 ans.

Vous êtes nombreux à sursauter quand je mentionne ces chiffres. Si peu d’investisseurs font 9 % ou 11 % par année, c’est que beaucoup font de la sélection de titres, avec des résultats décevants. Une autre explication est que peu d’investisseurs ont la totalité de leurs placements dans les actions. Car si les actions ont offert de bons rendements à long terme, elles ont la pénible habitude de s’effondrer de 30 % ou 40 % une fois ou deux par décennie depuis des générations.

Dans un monde parfait, on laisserait nos placements chuter en paix en sachant que le marché a historiquement toujours atteint de nouveaux sommets. Mais la plupart des gens sont incapables de voir leurs placements perdre 30 % ou 40 % et de rester zen.

C’est pourquoi un portefeuille équilibré contient au moins une autre composante : les obligations. Acheter un fonds d’obligations est l’équivalent de prêter de l’argent à un gouvernement ou à une entreprise, qui s’engage à nous rembourser avec intérêts.

Si les obligations semblent « plates », c’est parce qu’elles le sont. L’idée d’avoir des obligations plates est d’avoir une partie de notre portefeuille qui ne perd pas trop de valeur quand nos actions chutent. Ça nous aide psychologiquement à passer à travers la tempête sans vendre.

Un investisseur qui aurait théoriquement investi 60 % de son argent dans des FNB d’actions canadiennes, américaines et internationales et 40 % dans les obligations aurait eu des rendements de 8,46 % par année en moyenne depuis 50 ans. Dans sa pire année, ce portefeuille aurait perdu environ 25 % de sa valeur, selon les calculs de Justin Bender, de la firme PWL Capital.

C’est donc dire que 10 000 $ investis de cette manière il y a 50 ans en vaudraient 580 000 $ aujourd’hui.

Dans 10 ans, ce portefeuille pourrait hypothétiquement valoir 1,3 million de dollars, selon les rendements historiques. Comme je le disais, l’un des ingrédients du succès en Bourse est le temps. Plus de temps, plus de dollars.

Quels fonds peut-on acheter ? J’y arrive, mais avant, je veux parler des erreurs commises par les investisseurs.

L’une des pires erreurs est d’essayer de synchroniser les marchés. C’est-à-dire de vendre ses placements ou de ne pas investir parce qu’on croit qu’une récession s’en vient et que le marché va chuter. Ça diminue les rendements puisque les marchés sont imprévisibles à court terme.

En investissement, nos plus grands ennemis ne sont pas les krachs ni les récessions, mais bien la personne que l’on voit en regardant dans le miroir chaque matin.

Si l’idée de regarder vos placements chuter sans rien faire vous donne du stress, je vous suggère de faire affaire avec un conseiller financier. Cette personne pourra aussi vous motiver à épargner et investir davantage. En contrepartie, elle exigera des frais annuels qui peuvent tourner autour de 2 % de la taille de vos placements (comparativement à 0,25 % ou moins pour des FNB que l’on gère soi-même). Mais si ça vous évite de commettre des erreurs coûteuses, ça en vaut la peine. C’est encore rare, mais certains conseillers financiers et gestionnaires de portefeuille ont commencé à n’offrir que des FNB indiciels à leurs clients, et à exiger des frais plus bas, autour de 1 %.

Les FNB qui comptent parmi les plus populaires depuis plusieurs années sont les FNB tout-en-un. Véritables « canifs suisses » de l’investissement, ils contiennent des milliers d’actions canadiennes, américaines, européennes et asiatiques, ainsi que des obligations. Bref, on achète un seul fonds, et c’est tout.

De façon générale, les jeunes investisseurs, qui ont des décennies devant eux et qui devraient complètement ignorer les hauts et les bas du marché à court terme, visent souvent un portefeuille du type 80 % actions et 20 % obligations. Dans leur compte de courtage, ils peuvent acheter des fonds comme XGRO de BlackRock, ZGRO de BMO ou encore VGRO de Vanguard.

Un investisseur plus âgé, qui aura à vendre ses placements pour en vivre dans un avenir plus rapproché, peut opter pour un portefeuille avec 60 % d’actions et 40 % d’obligations. Par exemple, les fonds XBAL de BlackRock, ZBAL de BMO ou VBAL de Vanguard. Des versions plus « conservatrices » de ces fonds sont aussi offertes selon la formule 40 % d’actions et 60 % d’obligations. Il s’agit de XCNS, ZCON et VCNS.

Il est aussi possible de séparer tout ça et d’acheter un fonds d’actions canadiennes, un fonds d’actions américaines, un fonds d’actions internationales et un fonds d’obligations. Vous paierez des frais de gestion annuels encore plus bas (parfois à peine 0,05 %). Pour de grosses sommes, ça peut valoir la peine. Mais pour la plupart des gens, la simplicité d’un fonds tout-en-un est difficile à battre.

Et, pour être un véritable Michael Jordan de l’investissement, vous pouvez programmer des virements automatisés de votre compte chèques vers vos comptes de placement. Les meilleurs investisseurs sont ceux qui mettent tout ça sur le pilote automatique, et n’y prêtent pas attention ensuite parce qu’ils ont une vie.

Voilà comment investir. Est-ce que ça vous aide ? Je sais que ce n’est pas évident. J’ai écrit deux livres sur le sujet, et je continue d’en apprendre chaque jour.

C’est facile de tout compliquer. Mais ce n’est surtout pas nécessaire.

Le plus important est de commencer.

La question de la semaine

Quelles sont vos inquiétudes au sujet de l’investissement boursier ?

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