À 50 ans, c’est l’heure des bilans pour Nathalie* et Stéphane*. Doivent-ils trouver un deuxième boulot pour atteindre leur objectif de retraite à 65 ans ? Travailleront-ils pour rien à cause de l’impôt à payer, comme disent leurs amis ?

La situation

« Nous sommes des éditions 1973. Nous allons avoir 50 ans cette année », nous écrit le couple qui a un garçon de 14 ans.

De la génération X, Nathalie* et Stéphane* racontent qu’ils ont étudié à l’université en sciences humaines sans savoir s’ils allaient décrocher un emploi une fois diplômés.

« Les 10 premières années sur le marché du travail ont été difficiles, sans sécurité d’emploi, sans fonds de retraite, à travailler 70 heures par semaine pour faire notre place, se souviennent-ils. Dix ans aussi à rembourser nos prêts étudiants, longtemps à 6 % d’intérêt. »

Nathalie et Stéphane relatent qu’ils ont accumulé lentement des REER et d’autres économies pour enfin, à 40 ans, accéder à la propriété.

« Depuis cinq ans, nous avons réussi à gagner 80 000 $ par année. Un vif succès pour nous. »

Les quinquagénaires veulent maintenant vérifier auprès d’un expert la somme qui leur manque pour atteindre un objectif de retraite à 65 ans. Ils souhaitent financer le même coût de vie qu’actuellement, soit 100 000 $ net par année, même si ce montant inclut actuellement 20 000 $ d’épargne.

« Depuis quelques années, et encore plus avec l’inflation, je dois aider financièrement mes parents qui ont fait de mauvais choix de vie, explique Stéphane au téléphone. Je ne sais pas trop comment réussir à épargner plus, sauf en travaillant plus. »

« Nos amis n’arrêtent pas de dire que ça ne vaut pas la peine, parce que les 5000 $ de plus chacun qu’on envisage de gagner vont disparaître complètement en impôts. J’en doute. »

Stéphane précise qu’il n’y a pas eu d’augmentation salariale dans son organisme depuis 10 ans et que les salaires offerts dans son domaine ne suivent jamais l’inflation. C’est pour cette raison que le couple songe à faire sept heures de plus par semaine pendant 10 ans en répondant à l’un des nombreux « Nous embauchons » près de leur domicile.

À moins que ce soit plus avantageux de donner un grand coup l’an prochain en allant chercher 27 000 $ de plus chacun ?

Les chiffres

Nathalie*, 50 ans 

Salaire : 84 000 $

RRQ estimé à 65 ans : 1471 $

Régime de retraite à cotisations déterminées : 208 000 $

REER : 233 000 $ (espace disponible : 54 000 $)

CELI : 7100 $ (espace disponible : 85 000 $

Non enregistré : 14 000 $ 

Remboursement de RAP jusqu’en 2029 : 1600 $ 

Solde hypothécaire : 130 000 $

Valeur de la maison : 300 000 $

REEE : 25 000 $

Rattrapage REEE jusqu’en 2025 : 15 000 $ 

Stéphane*, 50 ans 

Salaire : 88 000 $

RRQ estimé à 65 ans : 1145 $

Rente de l’employeur à 65 ans : 21 000 $

REER : 285 000 $ (espace disponible : 45 000 $)

CELI : 73 000 $ (espace disponible : 25 500 $)

Non enregistré : 22 000 $

Les conseils

Jacinthe Faucher, planificatrice financière, notaire et fiscaliste à la Société de services financiers Fonds FMOQ, a imaginé une dizaine de scénarios afin de répondre aux questions du couple.

Au-delà de l’épargne, l’élément qui exerce une influence considérable pour les quinquagénaires, souligne-t-elle, c’est le régime complémentaire de retraite de l’employeur de Stéphane. Les 21 000 $ qu’il recevra à partir de 65 ans, qui s’ajoutent aux pensions fédérales et provinciales, assureront au couple d’être logé et nourri.

Dans tous ses scénarios, la fiscaliste a appliqué le fractionnement des revenus de retraite. Ainsi, le couple n’aura jamais à rembourser la pension de la Sécurité de la vieillesse, car les revenus de retraite resteront toujours sous le seuil établi par le gouvernement fédéral. Cette année, le seuil commence à 86 912 $.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, LA PRESSE

Jacinthe Faucher, planificatrice financière, notaire et fiscaliste à la Société de services financiers Fonds FMOQ

Le fractionnement de revenu, c’est tellement important. Ça fait toute une différence d’attribuer une partie des revenus plus élevés de l’un à l’autre membre du couple dans la déclaration de revenus.

Jacinthe Faucher, planificatrice financière, notaire et fiscaliste à la Société de services financiers Fonds FMOQ

Comme Stéphane a un fonds de retraite dès 65 ans, il bénéficie du crédit pour revenu de pension. « Dans certains cas, on doit retirer des FERR pour aller chercher cet avantage-là », explique la fiscaliste.

Les scénarios possibles

En prenant les rentes provinciales et fédérales à 65 ans, en décaissant les CELI jusqu’à 71 ans, puis les REER transformés en FERR à 71 ans, Nathalie et Stéphane auront un revenu annuel de 95 204 $ jusqu’à 96 et 94 ans.

Un montant intéressant, mais l’objectif désiré n’est pas atteint.

En modulant les revenus annuels, la planificatrice réussit à proposer une deuxième option. Nathalie et Stéphane pourraient profiter d’un revenu annuel de 103 520 $ jusqu’à 85 ans et ensuite vivre avec 80 000 $. « Généralement, on profite plus des voyages et loisirs avant 85 ans. »

Puisqu’on dit toujours que ça vaut la peine de reporter les rentes des gouvernements à 70 ans, Jacinthe Faucher a reporté celle du fédéral à 70 ans dans le troisième scénario. Le revenu annuel grimpe alors à 96 004 $.

« Je suis d’accord avec le report pour quelqu’un qui manque d’argent. Toutefois, il faut vivre entre 12 et 15 ans de plus pour compenser les 5 ans qu’on ne touche pas de 65 à 70 ans. Je laisse les gens décider, mais j’aime mieux jouer avec la fiscalité qu’avec l’espérance de vie. »

Est-ce que le couple aurait avantage à rembourser l’hypothèque plus rapidement ? Non, car le revenu annuel baisse à 93 604 $.

Dans un cinquième scénario, la planificatrice transforme en 2023 les placements non enregistrés de Nathalie et Stéphane en CELI. Résultat : le revenu annuel reste à 95 204 $, mais ils obtiennent 20 000 $ de plus. « Ça paie un voyage et une partie du coût de vie », indique-t-elle.

Travailler pour rien, vraiment ?

Dans son sixième scénario, la fiscaliste fait travailler Nathalie et Stéphane 7 heures de plus par semaine au salaire minimum pendant 10 ans, comme ils le proposaient. Les quinquagénaires se retrouvent donc avec 5550 $ de revenus supplémentaires chacun.

« C’est sûr qu’il y a de l’impôt à payer, mais ça leur permet d’épargner 3409 $ chacun dans un CELI pendant 10 ans. Le revenu annuel grimpe à 98 404 $. On est tout près des 100 000 $ à vie. »

Nathalie, avec 38 % de taux marginal, paie 2114 $ d’impôt. Stéphane, avec 39 % de taux marginal, verse 2167 $. Ils ne travaillent donc pas pour rien. Ils obtiennent dans leurs poches 3436 $ et 3383 $ net.

Serait-il plus intéressant fiscalement de gagner 27 750 $ chacun de plus en 2024, comme un boni ou un contrat spécial ? Non, car ils paieraient plus d’impôts. Dans ce scénario, ils doivent 10 876 $ et 10 538 $ en impôts sur les 27 750 $.

Ils se retrouvent aussi avec 17 000 $ à placer plutôt que les 3409 $ sur 10 ans.

Où trouver les 102 000 $ ?

C’est la somme qui manque afin d’atteindre l’objectif d’un revenu annuel désiré de 100 000 $.

Voici les options suggérées par la planificatrice pour y arriver : revoir le budget, travailler plus pour épargner dans un CELI 7500 $ par année pendant 13 ans ou 10 258 $ pendant 10 ans, tenter d’obtenir un taux de rendement de 3,95 % avant la retraite et de 3,09 % après la retraite plutôt que les 3,45 % suggérés par l’IQPF pour les calculs.

« Ils pourraient aussi dire : on opte pour le scénario qui procure un revenu de 103 520 $ jusqu’à 85 ans et on s’enlève la pression de travailler plus à 50 ans. »

En reportant les deux rentes des gouvernements à 70 ans, le revenu annuel atteint 98 000 $ sans travail ou épargne supplémentaire. Il manque 49 684 $ pour atteindre l’objectif.

Et si les taux de rendement stagnaient à -1 % ? Dans cette hypothèse plus sombre, le revenu procuré correspondrait quand même à 86 400 $.

Avec tous ces scénarios en main, Nathalie et Stéphane peuvent maintenant choisir la façon dont ils réaliseront la deuxième partie de leur vie.

*Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.