Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont repris ici le dimanche.

Il se passe quelque chose de drôle quand on écrit sur l’argent dans le journal.

Les gens que vous côtoyez deviennent tout à coup hyper conscients de leurs achats et de leurs dépenses, et de ce que vous allez en penser.

L’autre jour, une amie était un peu gênée de me faire visiter sa maison fraîchement rénovée. « C’est sûr que ça a quand même coûté cher... », a-t-elle dit, presque en s’excusant.

Récemment, un ami m’a texté le lien du condo qu’il venait d’acheter. « J’ai payé 122 000 $ sous le prix original », a-t-il vite ajouté dans un message suivant.

Je ne suis pas un intégriste de la non-dépense – quoique le fait que je sente le besoin de l’écrire ici me fait quand même réfléchir.

Cela dit, je concède que j’aime avoir quelques règles en tête pour les grandes décisions liées à l’argent.

Par exemple, la question que tout le monde finit un jour par se poser : « Comment sait-on qu’on a les moyens d’acheter une maison ? »

Quand on a un emploi ? Quand on a assez d’argent pour une mise de fonds ? Quand la gentille dame de la banque nous préapprouve ?

J’aime utiliser trois règles qui existent depuis longtemps, et qui ont été repopularisées récemment par l’auteur financier américain Ramit Sethi. Voici de quoi il s’agit.

1. Avoir 20 % en mise de fonds

Le but n’est pas nécessairement de faire une mise de fonds de 20 %. L’idée est que la personne qui n’a pas les revenus ou la discipline nécessaires pour accumuler 20 % du prix d’achat de la maison convoitée ne devrait pas acheter cette maison : les risques de tomber dans une spirale d’endettement sont trop élevés. Par exemple, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) évalue que la hausse des taux d’intérêt va entraîner une augmentation de 20 % à 40 % de la taille des paiements hypothécaires dans les prochaines années. Ceux qui ont des économies ont des options : ils peuvent puiser dans leurs actifs pour absorber des paiements plus élevés, payer comptant pour certaines dépenses ou même éventuellement réduire la taille de leur emprunt. Ceux qui n’ont pas d’économies risquent de devoir réduire massivement leur train de vie, et donc « se priver », cette expression que je déteste tant qui, ironiquement, est souvent lancée aux gens qui épargnent... Bref, assurez-vous d’avoir des réserves avant de vous lancer dans l’achat le plus important de votre vie. Surtout qu’avec la hausse des taux, les années où on pouvait piger dans la marge de crédit comme dans un bol de pop-corn sont derrière nous.

L’argent est comme l’oxygène : c’est quand on commence à en manquer qu’on réalise son importance.

2. Planifier d’y vivre durant au moins 10 ans

Changer d’endroit où habiter coûte cher, en plus de prendre de l’énergie et du temps. Commission d’un courtier immobilier, frais de clôture, travaux de mise à niveau, frais de déménagement... On parle de dizaines de milliers de dollars en sommes irrécupérables. Aussi, le marché immobilier a été très généreux depuis longtemps, mais il a aussi historiquement connu des années difficiles, qui peuvent arriver sans prévenir. C’est pour cette raison qu’on devrait planifier rester dans sa maison au moins une décennie.

3. Respecter la règle du 28/36

Souvent employée par les banques, la règle du 28/36 stipule que les frais de logement ne doivent pas dépasser 28 % du revenu mensuel brut d’un ménage, ou que le total des remboursements de dettes de ce ménage ne doit pas dépasser 36 % du revenu mensuel brut.

En clair, un couple qui gagne la moyenne québécoise de 6750 $ brut par mois (ou 81 000 $ par année) ne devrait pas dépenser plus de 1900 $ pour se loger. Impossible, dites-vous ? Parfait. La règle dit que ce couple peut dépenser jusqu’à 36 % de son revenu brut en remboursement de dettes au total, ce qui inclut l’hypothèque, les dettes d’études, les dettes de véhicules, les dettes de cartes de crédit, etc. Pour poursuivre notre exemple, le couple qui gagne 6750 $ par mois pourrait consacrer jusqu’à 2430 $ pour son hypothèque s’il n’a pas d’autres dettes. Vous ne vous qualifiez pas pour cette règle ? Une solution est d’accumuler une plus grosse mise de fonds, ce qui va réduire votre endettement au moment de l’achat. Vous pouvez aussi payer vos dettes avant d’acheter une maison, ce qui pourrait vous aider avec la règle du 28/36.

Ce sont des règles, pas des lois. On peut les suivre ou on peut faire comme plusieurs de nos voisins, collègues et connaissances et nous endetter au maximum, puis croiser les doigts pour que tout se passe bien. C’est notre choix.

En attendant, sachez qu’il n’y a rien de mal à louer un logement. Le calculateur « Devriez-vous acheter ou louer ? » de la Banque Nationale 1 est un bon point de départ pour comparer les deux options.

Qui sait, peut-être ferez-vous vôtres les propos d’une jeune travailleuse autonome citée la semaine dernière dans La Presse, qui consacre désormais 3000 $ par mois pour payer l’hypothèque de son condo, comparativement à 2000 $ l’an dernier : « Avec le recul, c’est quand même nice, être locataire. »

Vos règles

Parlant de règles, il était question de la règle de la moindre erreur la semaine dernière. Voici quelques-unes des règles que vous m’avez envoyées :

Benjamin écrit : « Si je peux résumer ma règle principale, ce serait la suivante : “Choix difficiles, vie facile. Choix faciles, vie difficile”, une citation de Jerzy Gregorek. Pour appliquer ce concept, je rends les choix faciles moins attrayants, et je travaille pour rendre les choix difficiles plus attrayants. Par exemple, j’ai un vieux téléphone peu attrayant, car je veux réduire le temps que je passe sur cet appareil. À l’inverse, je valorise beaucoup mon travail, donc j’ai un bureau super bien équipé. »

Claude écrit : « Je détermine la pire et la meilleure option selon les données et les conséquences prévisibles. Ensuite, je formule une option qui sera acceptable en termes de risque et bénéfice pour mon client ou toute autre personne concernée. J’ai aussi tenté d’appliquer cette règle dans ma vie personnelle, mais ma conjointe dit que la pondération que j’accorde à la logique est trop élevée par rapport à la pondération qu’elle accorde au plaisir. »

Mélanie écrit : « L’une des plus belles règles que j’ai entendues et que j’applique dans mon quotidien est cette citation du DWayne W. Dyer : “Si vous avez le choix entre avoir raison et être gentil, choisissez d’être gentil.” »

1. Consultez le calculateur « Devriez-vous acheter ou louer ? » de la Banque Nationale

La question de la semaine

La hausse des taux vous fait-elle reconsidérer un projet d’achat de maison ?

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