Il est déjà difficile pour un athlète olympique de trouver des commanditaires et de boucler son budget. La tâche est herculéenne pour une athlète paralympique.

Pour faire partie de l’équipe canadienne de basketball en fauteuil roulant, Cindy Ouellet doit payer de sa poche des frais annuels qui avoisinent les 2000 $.

Et ce n’est qu’un exemple.

« Dites-vous qu’il faut dépenser pour notre sport, indique-t-elle. Un fauteuil roulant pour le basket, c’est 15 000 $. »

Âgée de 34 ans, elle a consacré l’essentiel des 17 dernières années à une carrière sportive peu rémunérée.

Sur ses photos, deux choses frappent. Son large sourire, d’abord. Ses larges mains, ensuite.

Des mains qui ont empoigné des poids, des ballons, des roues de fauteuils roulants, des bâtons de ski. Et la vie, surtout.

Elle a reçu à 12 ans un diagnostic de cancer des os qui a lui a fait perdre l’usage de sa jambe gauche.

« C’est sûr que ma vie a pris, un petit peu, un tournant de changement », exprime-t-elle dans un monumental euphémisme qui en dit long sur sa résilience.

Sportive dès l’enfance, elle a commencé le sport para vers 15 ans. À 17 ans, elle était admise dans l’équipe nationale de basketball en fauteuil roulant.

Avec l’équipe canadienne, elle a participé aux Jeux paralympiques de 2008, 2012, 2016 et 2020 (en 2021). Elle a fermement l’intention de mettre encore un ballon dans le panier à Paris en 2024.

« C’est ma job principale »

Elle accorde cet entretien téléphonique le vendredi 3 février depuis son domicile de la région de Québec. Le lendemain, elle doit s’envoler pour un séjour d’une semaine et demie au Japon, où elle doit participer à un tournoi de basketball. « C’est ma job principale », dit-elle.

Les dépenses du voyage au Japon sont couvertes par l’équipe canadienne, « mais quand ce ne sont pas des tournois sanctionnés, c’est nous qui payons ».

Elle paie aussi pour ses entraînements en CrossFit, hockey, luge, boxe.

Elle maintient ce régime depuis 17 ans.

Et quand tu débutes, on s’entend que tu n’as pas ce soutien de l’équipe nationale et tu n’as pas de salaire non plus. Pour se rendre au plus haut niveau, il faut que tu débourses.

Cindy Ouellet

Et c’est ce qu’elle a fait ?

« En fait, mes parents, répond-elle.

« J’ai vraiment de bons parents qui m’ont toujours soutenue à travers tout ça. Ils ne m’ont jamais vue comme étant différente. C’est ce qui m’a permis, je pense, de continuer dans le sport. »

Dettes d’études et de sport

« J’ai toujours été à l’école pour justement préparer mon après-carrière, parce qu’on amasse plus de dettes que d’argent pendant qu’on est dans notre sport. »

École ? C’est un autre euphémisme pétri d’humilité.

« Je suis restée 11 ans aux États-Unis, raconte-t-elle. J’ai fait un bac, deux maîtrises et un début de doctorat là-bas. »

Recrutée par l’équipe de basketball en fauteuil roulant de l’Université de l’Alabama, elle s’était expatriée aux États-Unis à 17 ans, à la moitié de son parcours collégial, parce qu’aucune université canadienne n’offrait ce programme.

Les droits de scolarité de son bac et de sa maîtrise ont été couverts par ses bourses. Mais « la nourriture, l’appartement et l’équipement, c’est moi qui déboursais », précise-t-elle.

Elle s’est ensuite inscrite à l’Université de Southern California pour une deuxième maîtrise et un doctorat en génie biomédical. Sans bourse, cette fois : « J’ai accumulé une dette d’environ 100 000 $. »

Des revenus qui ne reviennent pas toujours

Ses revenus ? Hors saison, elle consacre quelques heures chaque semaine à l’entreprise de ses parents, Evo Concept, qui conçoit et fabrique de l’équipement sportif adapté.

Elle travaille également avec l’organisme de lutte contre l’intimidation Sport’aide de Québec. Durant la saison morte, elle essaie de donner de deux à quatre conférences par mois, organisées par son agente Dominique Ladouceur.

La boutique de sport Performance Bégin de Saint-Augustin-de-Desmaures lui offre son équipement hivernal.

Elle est également commanditée par Citi et Toyota, qui lui a donné son véhicule.

« Ce n’est pas de l’argent gratuit, précise-t-elle. Il faut que je donne des conférences, que je participe à des entrevues avec eux, que je fasse des posts sur l’internet. C’est quand même du travail. »

Bref, elle n’est pas payée pour s’entraîner.

Mais elle nuance tout aussitôt.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Cindy Ouellet

C’est sûr que je suis très chanceuse d’avoir ça. Quand on est un athlète paralympique, ça ajoute une couche à la difficulté d’obtenir de l’argent et des bourses comparativement à un athlète olympique.

Cindy Ouellet

Alors que les Jeux olympiques sont télédiffusés 24 heures par jour pendant deux semaines, les Jeux paralympiques sont pratiquement absents des écrans, souligne-t-elle.

« C’est sûr que la visibilité pour les entreprises qui soutiennent un athlète paralympique est vraiment moindre. »

Avec le brevet canadien, les crédits d’impôt, les commanditaires, elle estime réunir 50 000 $ par année.

« Quand tu as fait 40 000 $, plus 10 000 $ de commanditaires, c’est une grosse année. »

Ce qui ne l’empêche pas d’être propriétaire d’une petite maison dans la région de Québec, qu’elle a construite avec son père, pour réduire les coûts. « C’est un beau projet qu’on avait dans la tête de faire, moi et mon père. »

Elle nourrit d’autres projets, encore.

« Je débute un autre doctorat en neuroscience au mois de septembre ici, à Québec », annonce-t-elle.

En même temps, elle prévoit mettre sa carrière sportive sur la glace. À sa manière : elle veut s’entraîner au hockey paralympique dans l’espoir de faire partie de l’équipe canadienne aux Jeux de 2026.

« On a une bonne chance de médaille. Je veux me concentrer là-dessus pour la prochaine année. C’est pour ça qu’on est un petit peu plus à la recherche de commanditaires présentement. J’aimerais ça diminuer mes heures de travail pour me concentrer un peu plus sur mon entraînement. Et continuer mon doctorat. »