René Cournoyer mène deux carrières en parallèle. Dans les barres parallèles, anneaux et autres agrès de gymnastique, pour la première. La seconde avec ses études universitaires en physiothérapie. Il espère faire atterrir l’une et l’autre sans encombre.

La situation

Âgé de 25 ans, René Cournoyer consacre tout son temps à l’entraînement, aux compétitions et à ses études, sans pouvoir occuper un emploi à temps partiel.

« Mon budget de dépenses annuelles ressemble approximativement à 1500 $ par compétition, plus 5000 $ de frais de club et 1500 $ en frais d’équipement », énumère-t-il.

Pour réduire ses dépenses, il habite chez ses parents à Repentigny et se rend en voiture à l’université.

Avec l’épicerie, les vêtements, l’essence, les manuels scolaires, ses activités, ses entraînements et ses voyages, il estime qu’il accumule 15 000 $ de dépenses relativement invariables et de 2000 à 5000 $ de dépenses variables, pour un total qui excède généralement 20 000 $ par année.

Ses revenus

Depuis quelques années, il est titulaire d’un brevet du Programme d’aide aux athlètes de Sport Canada qui lui accorde un soutien financier non imposable de 1765 $ par mois, soit 21 180 $ par année.

Ce brevet paie également ses droits de scolarité universitaire.

Il a droit par ailleurs au crédit d’impôt remboursable de 4000 $ que le gouvernement du Québec accorde aux athlètes de haut niveau identifiés par leur fédération sportive.

« Je devrais recevoir aussi 1500 $ de bourse de la Ville de Repentigny. Quatre ou cinq fois par année, je juge certaines compétitions pour lesquelles je suis rémunéré environ 200 $. »

Il se prépare pour les qualifications tenues en octobre prochain qui lui donneront son billet pour les Jeux olympiques de Paris en 2024.

« Mais j’aspire à faire un cycle de quatre ans de plus », confie-t-il. Cet objectif le mène aux Jeux de Los Angeles en 2028, alors qu’il aura atteint 31 ans.

Cinq ans et demi encore…

Une carrière bien en main

L’athlète va terminer son baccalauréat en physiothérapie cette année et entamer ensuite sa maîtrise.

« Je vais obtenir mon diplôme à l’automne 2024, autour de novembre », prévoit-il.

Il pense ensuite travailler à temps partiel pendant trois ans et demi, jusqu’après les Jeux olympiques de 2028.

« Le salaire annuel moyen de départ en physio est environ de 69 000 $. Je risque de faire environ 50 à 75 % de ce montant en pratiquant mon sport », précise-t-il.

Des épargnes

Outre ses acrobaties gymniques, l’étudiant-athlète a réussi le tour de force d’accumuler des épargnes.

« Je ne suis pas quelqu’un qui dépense énormément à la base, explique-t-il. Tout ce que j’ai réussi à accumuler, je l’ai mis en investissement dès le départ. Ça fait 10 ans que j’ai mon brevet, donc ça s’est accumulé un petit peu. »

Témoignant à visage découvert, il ne souhaite pas dévoiler publiquement ce montant.

Préoccupations budgétaires

Malheureusement, il s’est blessé à un genou l’été dernier, quelques jours avant sa première compétition importante de l’année.

N’ayant pu inscrire de résultats en 2022, son brevet national pour 2023 est en jeu. Il attend la décision du comité canadien pour savoir s’il va ou non l’obtenir cette année.

Avec un manque à gagner de 21 000 $ en 2023, comment bouclerait-il son budget ? Sans emploi officiel, peut-il obtenir une marge de crédit ? Doit-il puiser dans ses épargnes ?

Quitter le nid

En même temps, le gymnaste aimerait bientôt vivre dans son propre logis.

Dans quelles conditions ce projet pourrait-il se réaliser ?

« Parce que je n’ai pas de revenus stables, parce que le brevet est renouvelable chaque année et est non imposable, c’est comme si j’avais zéro revenu aux yeux des banques. Donc, pour acheter un duplex ou un condo, c’est pratiquement impensable. »

Les épargnes qu’il a réussi à accumuler pèseraient-elles tout de même dans la balance ?

Si tel est le cas, quelle part de ses épargnes devrait-il consacrer à la mise de fonds ? Combien conserver pour la retraite ?

À défaut, a-t-il les moyens de louer un logement sans trop rogner ses épargnes ?

La barre fixe est haute.

Les chiffres

Revenus :

Brevet canadien : 21 000 $

Crédit d’impôt remboursable du Québec pour athlète d’élite : 4000 $

Bourse de la Ville de Repentigny : 1500 $

Juge de gymnastique : 1000 $

Épargne

René Cournoyer témoignant à visage découvert, le montant est pris en compte dans l’analyse du planificateur, mais n’est pas divulgué ici.

L’analyse

René Cournoyer veut préparer sa sortie.

Pour l’y aider, le planificateur financier David Paré, conseiller en placement et gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion de patrimoine, a fait équipe avec Alice Beaubien Leblanc, représentante hypothécaire chez Desjardins.

PHOTO FOURNIE PAR VALEURS MOBILIÈRES DESJARDINS, ARCHIVES LA PRESSE

David Paré, conseiller en placement et gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion de patrimoine

« Je suis allé au rythme de ses préoccupations », entame le planificateur.

La plus immédiate : que faire si René n’obtient pas son brevet en 2023 ?

David Paré et Alice Beaubien Leblanc ont entrevu trois possibilités pour combler le manque à gagner de quelque 21 000 $.

« La première est d’envisager un prêt étudiant », indique-t-il.

René n’aura aucun intérêt à payer durant les études. « On pellette un peu par avant, dans le sens où ça lui évite de retirer des placements aujourd’hui. »

À la fin de ses études, René aura encore six mois de grâce avant d’entreprendre le remboursement de son prêt. « Il pourra commencer à le rembourser au printemps 2025, ou si les taux d’intérêt sont toujours aussi élevés qu’aujourd’hui, il pourra utiliser son capital pour l’acquitter. »

Le prêt étudiant ne suffira pas à couvrir entièrement le déficit budgétaire. Dans une deuxième option, la différence pourrait être renflouée avec les épargnes qu’il a pris soin d’accumuler.

« Ça sert un peu à ça, couvrir les coups durs et les manques à gagner », indique David Paré.

La troisième possibilité, que les deux conseillers écartent d’emblée, est celle d’une marge de crédit. « Je n’irais pas au-delà du prêt étudiant, avise le planificateur. Je ne financerais pas son coût de vie avec un prêt, ce qui n’est jamais une bonne idée, surtout avec les taux actuels. Même s’il mettait un de ses placements en garantie, les taux seraient quand même assez élevés, autour de 6 %. Ça ne vaut pas la peine. »

S’envoler

Dans quelles circonstances René pourrait-il quitter le nid familial ? Nos conseillers divisent la question en deux chapitres : une envolée avant ou après la fin de ses études.

« Est-il envisageable de le faire avant 2024, c’est-à-dire avant qu’il commence à travailler à temps partiel ? À nos yeux, la réponse est non », déclare David Paré.

À l’heure actuelle, ses revenus sont presque entièrement aspirés par ses dépenses.

En appartement, il ajouterait vraisemblablement de 12 000 à 15 000 $ à son budget. « Ce n’est peut-être pas la bonne option de louer un appartement dans un contexte où il essaie d’éviter de toucher à son capital. »

La porte de sortie s’ouvre plus largement après 2024. En ajoutant des revenus de travail à temps partiel à ses revenus actuels, il lui sera tout à fait possible de louer un appartement.

René semble plutôt pencher pour l’achat de son futur domicile – condo ou petit duplex.

Impossible avant 2024, tranchent toutefois nos deux conseillers.

Ses revenus actuels ne seront pas considérés en raison de leur précarité, explique David Paré.

« Même s’il met une importante mise de fonds, René va avoir des dépenses supplémentaires – frais communs, taxes, entretien, subsistance – qui vont s’ajouter à son coût de vie actuel. Et comme il n’a pas d’autres revenus, il devra nécessairement puiser dans ses actifs. »

La question se pose autrement après la fin de ses études, lorsqu’il commencera à travailler à temps partiel.

Ses revenus totaux pourraient avoisiner 60 000 $. « Ça peut lui donner des options pour la location d’appartement », soutient David Paré. Toutefois, « le financement reste encore un enjeu », ajoute-t-il. « D’abord parce qu’une partie de ses revenus ne serait pas considérée, ou très peu. »

Une généreuse mise de fonds pourrait toutefois faire contrepoids à des revenus un peu plus faibles ou incertains. René pourrait également songer à un coemprunteur. « On pense souvent aux parents, dans un cas comme ça », évoque notre conseiller.

Mais qu’elle soit ou non garantie par un coemprunteur, une mise de fonds, aussi importante soit-elle, ne diminuera en rien les dépenses collatérales.

René devra reposer le problème à la fin de ses études, quand il sera certain de la teneur de ses revenus.

Mais le jeune homme s’inquiète déjà : est-ce que la mise de fonds hypothéquerait sa retraite ? Quelle part de ses épargnes devrait-il consacrer à l’une et à l’autre ?

« Je ne suis pas inquiet pour sa retraite, observe d’abord David Paré. À voir la façon dont il gère ses revenus et ses dépenses, on maintient longtemps ces bonnes habitudes-là. »

Si René conserve en investissement de 30 à 35 % de ses épargnes actuelles et qu’il y ajoute de 5000 à 6000 $ par année quand il commencera à travailler, « il s’assure déjà une retraite intéressante », calcule-t-il.

« Le temps est son allié. L’effet composé des revenus et des rendements fait en sorte que l’effort d’épargne va être bien moindre que s’il partait à zéro ou si, comme plusieurs, il commençait à épargner à 35 ans ou 38 ans, voire plus tard. »

En somme, le gymnaste a toutes les chances de bien réussir son atterrissage.

« La discipline qu’il a mise dans son entraînement, on voit bien qu’il l’a mise aussi dans ses finances. Il est bien parti, les choses vont très bien pour lui, à notre avis. »

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