Lorsqu’on est célibataire et qu’on prévoit prendre sa retraite, il faut vraiment s’assurer qu’on aura suffisamment d’argent pour subvenir à ses besoins, parce qu’on ne pourra pas avoir de coup de pouce d’un conjoint en cas de pépin. Avec un bon contrôle de ses dépenses et de son épargne, c’est possible d’y arriver, et même d’avoir une tranquillité d’esprit.

La situation

Les dernières années ont été difficiles pour Manon*, 62 ans, et elle souhaite prendre sa retraite le plus tôt possible. Célibataire sans enfants, elle travaille comme professionnelle dans une MRC depuis 25 ans. Elle a un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) collectif financé en partie par son employeur. Si possible, elle souhaite demander sa rente du Régime de rentes du Québec (RRQ) seulement à 65 ans. Elle habitant à la campagne et sa maison est payée, mais à moyen terme, elle doit remplacer la fosse septique. Elle n’a pas de dettes et sa voiture est payée.

« Si je ne compte pas cette dépense, j’évalue avoir besoin d’environ 23 000 $ par année pour être à l’aise, affirme Manon. Pensez-vous qu’il est réaliste que je prenne ma retraite maintenant ? Et quel argent devrais-je sortir en premier pour subvenir à mes besoins une fois que je serai retraitée ? »

Les chiffres

Manon, 62 ans

Revenu annuel : 78 000 $

Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) – dans des fonds communs de placement : 114 000 $

REER – dans le Fonds de solidarité FTQ : 175 000 $

Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 89 000 $

Certificats de placement garanti (CPG) : 96 000 $

Compte d’épargne : 50 000 $

Compte courant : 33 000 $

Maison : payée, valeur de 325 000 $

Chercher une tranquillité d’esprit

Alors que Manon se pose des questions sur la faisabilité de son projet de retraite, Léa Saadé, planificatrice financière et vice-présidente régionale, gestion de patrimoine, à la Financière des professionnels, tient d’abord à la féliciter.

« Plusieurs personnes se disent qu’elles seront correctes sans vraiment se pencher sur leur projet, remarque-t-elle. Manon prend ses responsabilités. Et si elle a moins de responsabilités que quelqu’un qui a des enfants ou un conjoint qui pourraient être dans le besoin, elle ne peut pas se fier à quelqu’un pour l’aider avec ses finances en cas de problème. C’est donc très important qu’elle valide son projet. »

Continuer à investir dans son CELI

Une première chose qui frappe Léa Saadé est l’importance des sommes d’argent présentes dans les comptes courant et d’épargne. Comme fonds d’urgence, elle lui conseille d’avoir l’équivalent de trois mois de dépenses courantes. Même en retirant 10 000 $ de son compte courant pour réaliser les travaux de la fosse septique en 2023, Manon aura encore de bonnes sommes à investir.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Léa Saadé, planificatrice financière et vice-présidente régionale, gestion de patrimoine, à la Financière des professionnels

« Le CELI de Manon est probablement maximisé, mais comme de nouveaux droits de cotisation s’ajoutent chaque année, je lui conseillerais d’investir le surplus dans son CELI », affirme la planificatrice financière.

Manon a aussi 96 000 $ investis en CPG non enregistrés. « Elle aurait avantage à y prendre le maximum possible chaque année pour l’investir dans son CELI », ajoute-t-elle.

Bien évaluer ses besoins financiers

L’une des clés pour s’assurer qu’on aura suffisamment d’argent pour subvenir à tous ses besoins à la retraite est de bien évaluer ses besoins. Manon a peu de dépenses en ce moment, puisque sa maison est payée. Mais Léa Saadé garde en tête que cela pourrait être appelé à changer.

« Par exemple, Manon pourrait décider de vendre sa maison pour acheter une résidence plus petite, affirme-t-elle. Ou elle pourrait avoir besoin de payer un loyer mensuel dans une maison de retraite. Elle aura toujours besoin d’habiter quelque part, alors je n’ai pas pris en considération la valeur de sa maison dans la projection à la retraite. Elle pourra ainsi utiliser cet argent pour vivre dans une nouvelle résidence. »

La voiture est aussi à considérer parce que Manon habite seule à la campagne. « Elle a besoin d’une voiture en bon état, alors j’ai pris en considération qu’elle en achètera une nouvelle à 35 000 $ tous les cinq ans », précise la planificatrice financière.

Elle trouve aussi que 23 000 $ est un coût de vie très peu élevé, alors pour être certaine, elle l’a augmenté à 29 000 $.

Alors que le profil d’investisseur de Manon semble plutôt prudent, Léa Saadé a utilisé pour faire ses calculs une composition de portefeuille de 75 % d’obligations et de 25 % d’actions. D’après les normes de l’Institut québécois de planification financière, le rendement espéré est de 2,7 % et l’inflation, de 2,1 %.

La planificatrice financière a aussi considéré qu’elle a maximisé son RRQ et qu’elle commencerait à recevoir sa rente à 65 ans.

Résultat ? « Elle n’a pas à s’inquiéter et elle peut prendre sa retraite dès maintenant, indique Léa Saadé. Avec un coût de vie annuel de 29 000 $, elle aura suffisamment de fonds jusqu’à 96 ans », précise-t-elle.

Pour ce qui est de retirer des sommes pour subvenir à ses besoins à la retraite, étant donné que son taux d’imposition sera déjà bas avec ce train de vie, elle lui recommande de ne pas toucher à ses REER avant qu’elle soit obligée de le faire, soit à 71 ans. Elle lui conseille d’écouler d’abord ses placements non enregistrés, puis son CELI.

Bien se préparer à la retraite

La planificatrice financière souligne toutefois que la retraite n’est pas qu’une question de chiffres. « Manon doit aussi penser au volet psychologique, précise-t-elle. En ce moment, elle travaille, elle voit du monde, elle a une vie active. Mais que fera-t-elle à la retraite pour être bien et ne pas passer ses journées seule à la maison ? Des psychologues sont spécialisés dans ce type d’accompagnement qui est très important. »

Enfin, elle ne peut passer sous silence la question du testament et du mandat de protection. « Advenant le cas qu’elle devienne invalide, il est important de désigner quelqu’un dans un document juridique qui pourra agir en son nom, explique Léa Saadé. De plus, Manon n’a pas d’enfants ni de conjoint, alors à qui veut-elle léguer ses avoirs ? Elle aurait avantage à regarder sa situation globale avec plus de précision en compagnie d’un planificateur financier. Cela l’aidera à prendre les meilleures décisions et à avoir une plus grande tranquillité d’esprit. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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