Si la tendance se maintient, les investisseurs vont se ronger les ongles jusqu’au sang en regardant la soirée électorale américaine. Le gestionnaire de portefeuille Jean-Paul Giacometti peut vous en dire un mot, lui qui a senti l’anxiété monter chez ses clients à l’approche du scrutin.

Il n’a jamais conservé autant de liquidités dans les portefeuilles de ses clients qui contiennent de 12 à 17 % d’argent. « Le but de la gestion de portefeuille, c’est de maximiser le rendement tout en minimisant les nuits blanches », explique-t-il.

Dans le cas où Donald Trump serait réélu, certains de ses clients redoutent que le monde soit coincé dans des guerres commerciales et des querelles internationales pour quatre ans de plus.

Dans le cas où Joe Biden prendrait le pouvoir, d’autres s’inquiètent qu’il augmente les impôts et alourdisse le fardeau réglementaire des entreprises.

Mais le scrutin pourrait aussi se solder par une impasse si le parti qui prend les clés de la Maison-Blanche n’obtient pas aussi le contrôle du Congrès. Alors là, bonne chance pour négocier le plan fiscal pour lutter contre la COVID-19.

Comme la pandémie qui ne se calme pas, les investisseurs sont à bout de nerfs. La semaine dernière, ils ont d’ailleurs retiré leurs billes de la Bourse, qui a perdu 4,4 % au Canada et 5,6 % aux États-Unis, la pire performance hebdomadaire depuis mars.

Mais de tous les scénarios, c’est la perspective d’un résultat serré qui fait le plus frémir les épargnants.

Il faut savoir qu’un nombre record d’électeurs ont voté par la poste, ce qui risque de prolonger le dépouillement et de déboucher sur une contestation de la part de Donald Trump. Le président a répété que le vote postal était très dangereux et qu’il risquait de se solder par une fraude électorale à grande échelle.

Les plus nerveux imaginent déjà les tensions sociales, la violence, même la guerre civile… Bon, bon, bon. Et si le résultat de l’élection avait finalement peu d’importance pour votre portefeuille ?

Pour remettre les choses en perspectives, M. Giacometti a jeté un coup d’œil à la performance du Dow Jones, repère de la Bourse américaine, au cours des 120 dernières années. Son constat :

« Si vous aviez investi 10 000 $ en 1900 et n’étiez resté investi que lorsque le président était républicain, votre placement vaudrait aujourd’hui 99 000 $ », indique le vice-président de la firme montréalaise Claret, qui gère 1,7 milliard d’actifs pour plus de 1000 clients.

« En revanche, si vous aviez fait la même chose, mais uniquement lorsque le président était démocrate, votre placement vaudrait 430 000 $ aujourd’hui », poursuit le gestionnaire.

Manifestement, votre performance aurait été bien meilleure sous un ciel démocrate. Est-ce à dire qu’il faut prendre ses jambes à son cou si les républicains sont réélus ?

Absolument pas ! Reprenons la même somme de 10 000 $ investie en 1900. En la laissant investie durant toute la période, au lieu de vous priver de rendement la moitié du temps, vous auriez accumulé pas moins de 4,2 millions de dollars aujourd’hui.

Morale de l’exercice : ne pas trop s’en faire avec la politique. « C’est sûr qu’à court terme, ça fait des vagues. Mais à plus long terme : Who cares about the president ? », ironise M. Giacometti.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

De manière générale, l’indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto fait mieux sous une administration démocrate (12,3 %) que républicaine (3,2 %), constate aussi Martin Roberge, stratège quantitatif chez Canaccord Genuity. Il a décortiqué la performance des marchés au cours des 12 mois suivants des élections américaines, en remontant jusqu’en 1976.

Historiquement, le pétrole a mieux fait sous les républicains que les démocrates, qui sont plus orientés vers la lutte contre les gaz à effet de serre, et Joe Biden ne fait pas exception à la règle.

D’autre part, l’or se porte généralement mieux sous les démocrates, ce qui pourrait encore être le cas cette fois-ci si un plan fiscal ravivant l’économie et l’inflation était adopté.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

« Sous une administration démocrate, l’histoire a montré que les secteurs cycliques et de croissance comme la technologie, la consommation discrétionnaire et les industrielles ont surperformé. Sous une administration républicaine, ce sont généralement les titres de valeur et défensifs comme les soins de santé, la consommation de base et les services publics qui brillent », note le stratège.

Mais les investisseurs ne doivent pas gérer leur portefeuille avec les yeux rivés sur le rétroviseur, car le passé n’est pas toujours garant de l’avenir.

Cette fois-ci, les titres de technologie sont déjà gonflés à bloc. Il est peu probable que la surperformance des titres de croissance par rapport aux titres de valeur se poursuive encore durant quatre ans, si Joe Biden était élu, estime M. Roberge.

Et si cela peut rassurer les investisseurs inquiets, le stratège ne s’attend pas à un choc majeur pour les actions d’ici peu. Un ressac, peut-être. Mais la tendance haussière reprendra ensuite.