J’ai une petite devinette pour vous. Qui impose les intérêts les plus élevés aux consommateurs ?

Eh bien non ! Ce ne sont pas les émetteurs de cartes de crédit. On ne se cachera pas que leurs taux sont complètement ruineux : 20 % sur les achats si vous ne payez pas votre solde au complet à l’échéance, 23 % sur les avances de fonds dès le jour du retrait et jusqu’à 28 % si vous avez le malheur de rater quelques paiements. Ouch !

Mais il y a pire encore.

En fait, les champions des taux astronomiques se trouvent dans l’industrie des télécommunications. Bell et Rogers (depuis mars) imposent des frais de 3 % par mois à leurs clients qui ont le malheur de payer leur facture en retard. Cela équivaut à un taux de 42,58 % par année. Ridicule, non ?

PHOTO RICK BOWMER, ASSOCIATED PRESS

Il est quand même incroyable que les fournisseurs de télécommunications haussent leurs frais de retard, alors que les taux d’intérêt ne font que baisser.

Ces frais sont d’ailleurs contestés dans une action collective qui a été intentée contre Bell en 2010. Après moult contestations, le procès devrait avoir lieu en 2021 ou 2022. Patience, patience…

Telus et Cogeco ne font pas non plus de cadeaux à leurs clients retardataires qui doivent payer des frais de 2 % par mois, soit 26,82 % par année (3 % chez Telus hors Québec).

Et voilà que Vidéotron, qui était un peu moins gourmande, se met de la partie. La semaine dernière, la clientèle a reçu cet avis : « Nous vous avons récemment avisé que les intérêts sur les sommes impayées passeront du taux de 1,5 % à 2 % par mois, composé mensuellement. Aux fins de précision, veuillez noter que ce taux correspond à une augmentation de 19,56 % à 26,82 % par année. »

Ah, super, merci pour l’information !

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C’est quand même incroyable que les fournisseurs haussent ce genre de frais, alors que les taux d’intérêt ne font que baisser.

À 42,58 % par année, les frais des géants des télécoms sont complètement déconnectés de la réalité. À titre comparatif, ces taux sont 10 fois plus élevés que le taux préférentiel que les banques accordent à leurs meilleurs clients (3,95 %). Et ils sont trois fois plus élevés que ceux imposés par Hydro-Québec aux retardataires (14,4 %).

N’allez pas croire que j’encourage les gens à payer leurs comptes en retard. Loin de moi cette idée. Mais il y a quand même des limites à se comporter comme un prêteur de bas étage.

Au Canada, le Code criminel établit le taux usuraire à 60 % depuis des temps immémoriaux. Mais selon une directive administrative de l’Office de la protection du consommateur (OPC), un taux d’intérêt est abusif lorsqu’il excède 35 %.

Les tribunaux du Québec ont parfois mis la barre encore plus bas. Dans une cause impliquant Sears, par exemple, un taux de 28,8 % a été jugé abusif et exorbitant, puisque le taux directeur était alors de 2,75 %, souligne Marc Lacoursière, professeur de droit de la consommation à l’Université Laval.

D’autres pays protègent beaucoup mieux les consommateurs. En France, en Belgique ou en Uruguay, le taux usuraire est révisé périodiquement et il varie en fonction du type de prêts.

En France, par exemple, le taux d’usure oscille présentement entre 21,07 % pour les prêts inférieurs à 3000 euros et 5,71 % pour les prêts supérieurs à 6000 euros. Il est encore plus faible pour le crédit immobilier.

C’est 10 fois moins que notre taux usuraire archaïque de 60 % !

En 2017, la sénatrice Pierrette Ringuette avait proposé d’établir le taux usuraire pour les consommateurs à 20 % au-dessus du taux directeur de la Banque du Canada (1,75 %), dans son projet de loi S-237.

Le NPD a déjà promis de limiter les taux d’intérêt des cartes de crédit à 5 % au-dessus du taux préférentiel des banques, ce qui placerait la limite à 8,95 % en ce moment.

Malheureusement, ces belles idées sont retombées à plat.

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En parlant de télécoms, je vous souligne que plusieurs fournisseurs ont annoncé récemment des hausses de tarifs salées qui feront bondir votre facture.

Par exemple, Vidéotron va hausser de 1,55 $ par mois le prix de certains forfaits télé et de 3 $ par mois le prix des forfaits de téléphonie résidentielle.

Vidéotron explique que son service de base avec interurbains illimités au Canada auquel adhère la majorité de sa clientèle reste concurrentiel à 29 $ par mois, au lieu de 26 $. Mais si vous avez du mal à digérer cette hausse de 12 %, pourquoi ne pas abandonner votre bon vieux téléphone et le remplacer par un service de téléphonie par internet gratuit ou uniquement cellulaire ?

Une économie potentielle de plus de 350 $ par année. Pensez-y…

De son côté, Bell a annoncé en décembre des augmentations de 3,50 $ à 5 $ de son service internet. En outre, plusieurs clients du sans-fil ont appris, ces derniers jours, que leur service coûterait, à partir d’avril, de 1 $ à 10 $ de plus par mois.

« Que faire contre les hausses sans justification de cette compagnie ? On se sent obligé à chaque fois de lui faire des “menaces” comme changer de compagnie… C’est usant à la longue », se lamente Louise Comtois, qui verra sa facture grimper de 55 $ à 65 $ par mois à partir d’avril.

Un autre client verra sa facture passer de 48 $ à 58 $ par mois, une hausse de 21 % d’un coup sec. On est loin de la promesse électorale de Justin Trudeau qui voulait faire fondre de 25 % la facture de téléphonie cellulaire des Canadiens !