Grâce à l’exceptionnelle générosité d’un entrepreneur qui s’est bâti une fortune à partir de rien, quatre institutions montréalaises vont se partager un héritage de plus de 140 millions de dollars. L’homme d’affaires Paul Durocher a amorcé sa vie active comme mécanicien de machines à coudre pour Daignault Rolland avant de lancer de multiples entreprises et de faire fortune.

Paul Durocher est né à Montréal en 1929 et a eu une vie bien remplie. Après ses débuts dans l’usine qui fabriquait à l’époque des jambières et des gants de baseball, il se lance à son compte comme réparateur de machines à coudre et développe des systèmes de pôles de production pour les vêtements sur cintres.

Cette première entreprise va devenir Planiform en 1974 et elle sera rachetée plusieurs années plus tard par son neveu Claude St-Jean avec qui il s’était associé. Fait à souligner, Planiform existe toujours et distribue ses systèmes de convoyage dans plus de 150 villes à travers le monde.

Simultanément, Paul Durocher multiplie les initiatives en ouvrant un magasin de meubles, une entreprise d’entretien ménager, un nettoyeur à sec, trois stations d’essence, une entreprise de déneigement, une usine de fabrication de portes d’armoires…

Il a aussi mis sur pied en 1970 une entreprise d’importation et de distribution de vis et boulons appelée Les Attaches Reliable, qui est devenue très profitable avant qu’il rachète le fabricant montréalais de vis et d’attaches spécialisées Visqué, en 1980.

Au début des années 2000, il a vendu Les Attaches Reliable à Quincaillerie Richelieu et Visqué à une autre entreprise pour investir dans le secteur hôtelier, où il est notamment devenu copropriétaire de l’Auberge Universel de Montréal, du Clarion et du Concorde à Québec, du Aztec RV Resort et du Universal Palms Hotel à Fort Lauderdale.

« Il était un des principaux bailleurs de fonds de ces hôtels, mais il a progressivement vendu toutes ses participations pour devenir exclusivement un prêteur hypothécaire dans le domaine de l’hôtellerie, où il a été notamment le prêteur hypothécaire de l’hôtel Bonaventure », me précise son neveu, Claude St-Jean, qui est aussi le coliquidateur de la succession Paul Durocher.

C’est d’ailleurs Claude St-Jean qui m’a contacté pour me signaler que les fondations de l’Institut de cardiologie, du CHUM et du Centre hospitalier de St. Mary allaient hériter de plus de 42 millions chacune, alors que la Société de Saint-Vincent de Paul allait recevoir plus de 14 millions de la fortune de plus de 140 millions qu’a léguée son oncle, disparu en mars 2023.

Un philanthrope dans l’âme

Claude St-Jean m’a contacté parce que son oncle ne l’aurait pas fait de son vivant et qu’il n’a jamais demandé qu’on rende publics les legs importants qu’il va laisser aux quatre institutions montréalaises.

« Mon oncle n’a pas explicitement demandé que ses dons soient divulgués publiquement. À titre de coliquidateur, je trouve juste qu’on reconnaisse sa générosité exceptionnelle et je suis sûr que les fondations concernées vont rendre hommage à l’esprit dans lequel ces contributions ont été faites et qu’elles sauront mettre en valeur la grande générosité de Paul Durocher », m’explique Claude St-Jean.

M. St-Jean rappelle que son oncle était un homme discret, réservé, qui ne voulait jamais montrer sa richesse ou faire preuve d’opulence. Sans enfants, il était veuf depuis une quinzaine d’années et vivait dans un condo de l’île Paton.

« Toute sa vie, mon oncle a été philanthrope et il faisait des contributions souvent anonymes à d’innombrables causes. Il tenait à léguer des dons importants à ces quatre institutions parce qu’il voulait que cet argent serve à la recherche, à l’amélioration des soins des patients et à soulager les gens moins favorisés », souligne Claude St-Jean.

Il avait été notamment soigné et suivi à l’Institut de cardiologie de Montréal, auquel il était très attaché, et au Centre hospitalier de St. Mary où il a été opéré pour un cancer. On ignore la nature exacte de ses liens avec le CHUM, alors que son implication financière auprès de la Société de Saint-Vincent de Paul remonte à de nombreuses années.

Les 140 millions de la succession de Paul Durocher et la somme des dons qui vont être versés aux trois centres hospitaliers comptent parmi les plus importants jamais faits dans le secteur de la santé au Québec, estime par ailleurs Chantal Thomas, représentante de Banque National Trust.

Il y a deux ans, sentant la fin approcher, Paul Durocher a vendu la vingtaine d’hypothèques qu’il lui restait pour faire fructifier ses avoirs par l’équipe de gestion de patrimoine de la Banque Nationale de façon à bonifier le legs qu’il souhaitait laisser aux fondations qu’il avait choisies.

Claude St-Jean souhaite maintenant que la générosité démontrée par son oncle devienne contagieuse et que de tels gestes concrets pour la communauté se multiplient à l’avenir, peu importe l’importance du don.