Que ce soit au Village des valeurs ou dans une petite friperie de quartier, on paie la TPS et la TVQ sur les biens d’occasion qu’on achète. IKEA, qui vend aussi des produits de seconde main, juge que ces taxes sont « un problème » et invite le gouvernement à changer les règles du jeu.

Le géant suédois des meubles à assembler s’est transformé en militant anti-taxes.

Il a même mis en ligne une pétition sur le site change.org. « Nous souhaitons que les gouvernements fédéral et provinciaux envisagent d’éliminer la taxe sur les articles de seconde main partout au Canada. » En fin de soirée samedi, plus de 1400 personnes l’avaient signée.

IKEA affirme que son but est d’aider les Canadiens à faire des achats circulaires à moindre coût.

Le détaillant espère que d’autres entreprises ayant les mêmes préoccupations que lui se joindront au mouvement pour mettre fin à la « double taxe ». En réalité, elle est parfois triple, voire quadruple. Rien n’empêche qu’un bien soit revendu à maintes reprises, ce qui génère chaque fois de nouveaux revenus pour l’État.

Un autre volet de la campagne se déploie dans les magasins IKEA de l’Ontario où l’on rembourse désormais la TASM, c’est-à-dire la « taxe sur les articles de seconde main ».

Vous n’êtes pas mal informé : cette taxe n’existe pas.

C’est une invention pour attirer l’attention des clients sur le fait que les produits d’occasion sont taxés. Concrètement, les clients ontariens paient la TVH (la taxe de vente harmonisée qui combine la TPS et la taxe de vente provinciale) de 13 %. Et ils ont ensuite droit au remboursement de la TASM... de 13 %. Bref, ça s’annule.

IKEA m’a expliqué qu’il avait choisi de tester sa formule en Ontario pour en maximiser l’impact. Cette province est son plus important marché au pays. « C’était un choix logique, m’a écrit la porte-parole Lisa Huie. De plus, l’utilisation de la TVH par l’Ontario offrait un moyen simple de sensibiliser la population à cette question fiscale qui prête à confusion. » Il est prévu que le remboursement de la TASM soit un jour étendu aux autres provinces.

Difficile de savoir jusqu’à quel point les consommateurs sont embrouillés au sujet des taxes et frustrés de les payer. Mais il est clair que le manque d’uniformité entre les commerces suscite bien des questions. Les boutiques Renaissance facturent-elles les taxes de vente ? Non. Le Village des valeurs ? Si. Les règles diffèrent en fonction du statut des commerces.

Au Québec, les organismes de bienfaisance n’ont pas à percevoir la TPS ou la TVQ, contrairement aux entreprises à but lucratif. La propriétaire d’une friperie m’a déjà raconté qu’elle incluait les taxes dans ses prix pour donner l’impression à ses clients de ne pas les payer, car elle en avait marre des questions à ce sujet.

Bien sûr, la campagne d’IKEA, aussi sincère soit-elle, s’avère un coup marketing qui lui permet de rappeler que ses magasins proposent, depuis 2019, des meubles d’occasion qu’elle rachète de ses clients. Mais c’est aussi une occasion de réfléchir aux mesures qui pourraient être mises en place pour favoriser une consommation plus responsable.

L’idée d’IKEA mérite peut-être réflexion. Mais encore faudrait-il savoir si l’abolition des taxes exercerait une réelle influence sur les ventes d’articles de petite valeur comme les vêtements et les jouets. Qui se prive d’un jean à 7 $ à cause de la taxe de 1,05 $ ? Personne, quand la solution de rechange est un jean neuf à 80 $.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Qui se prive d’un jean à 7 $ à cause de la taxe de 1,05 $ ? Personne, quand la solution de rechange est un jean neuf à 80 $.

Sur les véhicules, c’est une autre histoire. L’abolition de la taxe aurait certainement un impact sur la demande, mais le gouvernement se priverait de revenus substantiels alors qu’il a besoin de les augmenter. En 2022, pas moins de 130 000 véhicules ont été vendus pour 1 $, une stratégie pour contourner les taxes. Les règles seront resserrées. À partir de l’an prochain, il sera interdit de vendre un véhicule de moins de 15 ans pour un seul petit huard, ce qui doit rapporter 255 millions en taxes au bout de 5 ans.

L’inflation, la hausse du coût de la vie et les changements climatiques ont déjà propulsé la popularité des achats de seconde main. Un autre phénomène a fait tomber les barrières : les jeunes ne sont plus gênés de porter des vêtements usagés, c’est bien vu. Il suffit de voir le nombre de milléniaux qui fouillent dans les friperies rue Saint-Denis, à Montréal, pour s’en convaincre.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les ventes de Renaissance ont bondi de 21 % l’an dernier pour atteindre 77 millions de dollars. Ce n’est pas pour rien que des détaillants comme Souris Mini, H & M et SAIL ont flairé la bonne affaire et qu’ils se donnent des airs de friperie avec leurs plateformes de vente de produits d’occasion. Chez IKEA, la popularité de son programme « Revendez-les » a bondi de 36 % l’an dernier.

Il existe d’autres moyens que l’abolition des taxes pour favoriser une consommation plus verte. Mon préféré : les « bonus de réparation » de la France, tant pour les électroménagers que les vêtements et les chaussures. Le remplacement d’un bout de talon usé donne automatiquement droit à un rabais de 7 euros (10 $). Le cordonnier se fait rembourser par un fonds alimenté par les entreprises qui mettent les vêtements et chaussures en marché.

Le grand mérite de cette idée est d’être aussi bonne pour la planète que pour l’économie.

Consultez un texte sur le bonus de réparation de la France