En arrivant au Canada, les immigrants veulent améliorer leur qualité de vie et celle de leurs enfants, ce qui est bien normal. Mais y arrivent-ils ? Quelle est leur situation financière après 5 ans, après 10 ans ? Les résultats d’un vaste sondage réalisé par la firme Léger permettent de découvrir un portrait inédit des nouveaux arrivants.

Ce n’est pas une petite étude. Quelque 80 questions ont été posées à 2104 personnes qui habitent au Canada depuis moins d’une décennie. Jamais Léger n’avait procédé à un tel exercice. Les résultats seront dévoilés mardi lors d’un webinaire.

L’une des questions les plus intéressantes concerne l’adéquation entre les attentes et la réalité, en matière de coût de la vie.

Pas moins de 84 % des répondants trouvent que vivre au Canada est plus coûteux qu’ils ne le croyaient avant de sauter dans l’avion. La moitié des immigrants qualifient même l’écart de « significatif ».

« Maudit que ça coûte cher de vivre au Canada ! C’est ce qui ressort le plus, pour moi. Il n’y a même pas le tiers des nouveaux arrivants qui sont propriétaires d’une maison. Vivre au Canada, c’est devenu difficile, particulièrement pour les gens issus de l’immigration », analyse Christian Bourque, vice-président exécutif de Léger.

Quand on leur demande de qualifier leur situation financière, 13 % des Néo-Canadiens se placent dans la catégorie des pauvres, tandis que 60 % croient faire partie de la classe moyenne inférieure. Ça ne laisse que 19 % dans la classe moyenne supérieure. Les autres ne savaient pas ou préféraient ne pas répondre.

Malgré tout, les nouveaux arrivants sont majoritairement satisfaits de leur nouvelle qualité de vie, 67 % la qualifiant de « meilleure » que celle que leur offrait leur pays d’origine. Une proportion quand même significative de 14 % juge que le Canada leur procure une qualité de vie inférieure. Voilà qui laisse pantois.

Comme moi, Christian Bourque a été frappé par le résultat de la question « Si c’était à refaire, immigreriez-vous encore au Canada ? », puisqu’une personne sur trois a répondu non. Cette proportion plutôt élevée rappelle à quel point le déracinement et l’adaptation ne sont pas faciles à vivre. Même dans un pays où 82 % des nouveaux arrivants se trouvent bien accueillis.

Il est par ailleurs assez déprimant d’apprendre que seulement 59 % des nouveaux arrivants ont été capables de se trouver un emploi dans leur domaine d’études ou d’expertise. Cela nous rappelle qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire pour la reconnaissance des diplômes et des compétences acquis ailleurs, malgré la pénurie de travailleurs qui aurait dû faire bouger les choses.

D’autres facteurs viennent aussi nuire à l’emploi : absence d’expérience de travail au Canada (46 %), réseau de contacts inexistant (35 %), différences dans le processus d’embauche (23 %), biais ou discrimination (21 %), langue (18 %). Seul un maigre 9 % dit n’avoir rencontré aucun défi particulier pour se trouver un travail.

Parmi les répondants, 37 % sont titulaires d’un baccalauréat, 28 % d’une maîtrise, 4 % d’un doctorat.

Il n’est donc pas étonnant qu’après leur arrivée au pays, les nouveaux arrivants mettent en moyenne 20 mois à devenir autosuffisants financièrement. Parmi les répondants qui habitent au Canada depuis moins de 5 ans, 45 % ont indiqué ne pas encore être autosuffisants. La proportion diminue à 22 % dans le groupe arrivé au pays depuis 6 à 10 ans.

Certains immigrants ont tout de même une situation financière enviable. Parmi les propriétaires immobiliers, par exemple, 45 % déclarent que la valeur de leur résidence se situe entre 500 000 $ et 1 million. Pas moins de 13 % possèdent une résidence de plus de 1 million de dollars. Malheureusement, on ne peut pas comparer ces données avec celles des Canadiens de naissance.

L’étude du sondage Léger nous apprend aussi que 14 % des immigrants envoient de l’argent à des personnes de leur pays d’origine chaque mois et que 28 % ont des investissements à l’étranger.

Ce portrait financier des immigrants est intéressant, car il met en lumière les épreuves financières qui s’ajoutent à toutes les autres embûches qui font les manchettes.

On oublie que ces personnes arrivent ici sans historique de crédit (une notion nord-américaine), ce qui s’avère leur plus important défi financier, suivi par la compréhension de la terminologie et du fonctionnement des banques, selon les répondants.

Même nés au Québec, bien des gens peinent à comprendre le fonctionnement du REER, du REEE, du CELI et du Régime de rentes du Québec (RRQ). Alors imaginez un peu tout le rattrapage que doit faire un nouvel arrivant qui n’a jamais entendu tous ces sigles ! Il n’y a pas que la barrière linguistique. Les Français doivent se faire expliquer comment fonctionnent ici les cartes Visa et Mastercard, car dans l’Hexagone, il s’agit de cartes de débit. « Le remboursement de solde chaque mois, ça n’existe pas », me dit par exemple Christophe Pigeat, chef d’équipe nouveaux arrivants chez Desjardins. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

Ce qui permet de réaliser, tout comme ce sondage, que nous sous-estimons probablement l’ampleur du défi que présente l’apprentissage des notions économiques et financières pour vivre dans notre société. Des notions qui affectent directement et de manière importante la qualité de vie des immigrants.