Au moment où tous les yeux sont rivés sur la hausse de l’immigration, la croissance naturelle de la population stagne. Pour la première fois de son histoire, le Québec a compté en 2023 à peu de choses près autant de naissances que de décès.

400 naissances

Le Québec a enregistré 77 950 naissances en 2023, le plus petit nombre de naissances en près de 20 ans, selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Parallèlement, 77 550 décès sont survenus dans la province en 2023. C’est donc dire que l’accroissement naturel de la population a tenu à 400 naissances l’an dernier, ou tout juste plus d’un nouveau-né par jour. « On savait que l’accroissement naturel de la population était faible, mais c’est toujours un choc de voir ces données », explique Sophie Mathieu, spécialiste principale des programmes à l’Institut Vanier de la famille et autrice du nouveau livre Égalité, fécondité et maternité : le soutien aux familles au Québec.

Contexte social

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Les papas québécois sont plus impliqués dans leur rôle parental que ceux d’ailleurs au Canada, souligne Sophie Mathieu.

Si la décision d’avoir un enfant est personnelle, elle n’en est pas moins très influencée par le contexte social dans lequel évoluent les parents, note Sophie Mathieu. Elle remarque que le taux de natalité de 1,49 enregistré au Québec en 2022 est plus élevé que celui du reste Canada, qui est de 1,33. « Le Québec s’en tire mieux, car nous avons plus de congés parentaux, parce que les papas sont plus impliqués, il y a une plus grande sensibilité à la conciliation travail-famille. Avoir des enfants affecte moins le parcours de vie des femmes qu’ailleurs au Canada. Malgré tout, il faut avoir un taux de natalité de 2,1 enfants par couple pour maintenir la population, et on n’y est pas », dit-elle.

Pas une priorité

Le Québec et le Canada vivent la même tendance que les autres pays occidentaux, note Solène Lardoux, professeure agrégée au département de démographie de l’Université de Montréal. « En ce sens, ce n’est pas surprenant, même si la fin de l’accroissement naturel de la population arrive un peu plus rapidement que prévu », dit-elle. Dorénavant, c’est essentiellement par l’immigration que la population du Québec va continuer d’augmenter. Et les nouveaux arrivants ne font pas nécessairement beaucoup d’enfants non plus, note Mme Lardoux. « Leur comportement de fécondité au fil du temps ressemble à celui de la population dans son ensemble, car les nouveaux arrivants sont pris avec l’ensemble des contraintes du pays d’accueil. Les gouvernements, ça ne fait pas partie de leur priorité d’encourager l’arrivée d’un enfant, de donner de la valeur à ce projet. Ils pourraient faire des campagnes, rendre des logements plus abordables, favoriser la conciliation travail-famille, et études-familles pour les immigrants. Tout ça peut être fait. »

Perturbation de la pandémie

Sophie Mathieu remarque que la pandémie a eu un effet sur les choix de vie des gens, y compris le choix du moment pour avoir un enfant. « On a noté par exemple que les divorces ont chuté en 2020 et 2021. Ce n’est pas parce que les couples se sont mis à s’aimer plus, c’est qu’ils ne pouvaient pas divorcer. » Elle s’attend à ce que le nombre de naissances augmente légèrement en 2024 et 2025. « Avec l’inflation, l’incertitude économique, bien des gens ont peut-être juste reporté le projet d’avoir un enfant », dit-elle.

Surmortalité en 2023

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Les virus respiratoires ont alimenté la hausse des décès en 2023, alors que les aînés représentaient la majeure partie de la surmortalité observée, selon l’ISQ.

Parallèlement à la baisse des naissances, c’est une hausse de la mortalité qui précipite la fin de la croissance naturelle de la population du Québec. Le nombre de décès enregistrés en 2023 au Québec était supérieur d’environ 4000 aux prévisions de l’ISQ. Les virus respiratoires ont alimenté cette hausse des décès en 2023, alors que les aînés représentaient la majeure partie de la surmortalité observée, selon l’ISQ. Une part des décès pourrait également être liée à la crise des opioïdes qui touche principalement les personnes âgées de moins de 50 ans.