À Ottawa, l’ensemble des partis politiques trouve rarement un terrain d’entente. Pourtant, les formations unissent leurs voix et conviennent que Loblaw et Walmart doivent se conformer au fameux code de conduite.

Le comité parlementaire de l’agriculture à Ottawa a envoyé un ultimatum à Loblaw et à Walmart, geste que l’on voit très rarement. Dans une lettre du comité envoyée vendredi dernier à Loblaw et à Walmart, Ottawa exhorte les deux détaillants à se conformer volontairement au code de conduite proposé, sans quoi une action législative pourrait s’ensuivre. En principe, le Canada est sur le point d’adopter un code obligatoire coordonné par le gouvernement et dirigé par l’industrie. Une bonne nouvelle pour les Canadiens, même si beaucoup ne réalisent pas encore son importance.

Le fait que tous les partis politiques s’accordent pour dire que le code de conduite représente un outil essentiel pour stabiliser le prix des aliments au fil du temps est en soi notable.

Ce code vise à fournir aux entreprises alimentaires un refuge sûr pour la résolution des conflits grâce à un secrétariat désigné, offrant une solution de rechange à la norme actuelle où les entreprises n’ont d’autre option que d’accepter des conditions défavorables, surtout imposées par Loblaw et Walmart.

L’objectif du code n’est pas de dicter les prix, mais plutôt de garantir des pratiques contractuelles équitables pour toutes les entités impliquées, y compris les entreprises en démarrage, les agriculteurs et les petites entreprises familiales de transformation des aliments, offrant ainsi une prévisibilité financière tellement nécessaire pour les fournisseurs. L’industrie se voit envahie par les décisions unilatérales et des accords rompus par les épiciers.

L’introduction du code peut sembler paradoxale pour les fervents défenseurs du libre marché et les conservateurs qui voient généralement l’intervention gouvernementale avec scepticisme. Des entreprises comme Walmart et Loblaw, ayant atteint leur domination sur le marché grâce à des décisions stratégiques, sont souvent célébrées pour leur succès. Cependant, le problème en jeu dépasse leurs réalisations.

L’industrie alimentaire est distincte pour deux raisons principales. Premièrement, elle réalise des marges bénéficiaires très minces sur toute la chaîne d’approvisionnement, nécessitant une planification et une coordination minutieuses. Deuxièmement, la dynamique de pouvoir est déséquilibrée, les fournisseurs devant payer des frais substantiels aux épiciers pour avoir le privilège de faire affaire avec eux. Ce modus operandi n’existe pas dans d’autres secteurs. Cette dynamique a conféré aux épiciers un pouvoir important, influençant le marché à leur avantage.

Cette domination a non seulement étouffé la concurrence, mais également marginalisé les épiciers indépendants, affectant particulièrement les Canadiens dans les petites villes en limitant leur accès aux magasins à proximité.

La tendance à la hausse des frais d’épicerie, principalement entraînée par Loblaw et Walmart, exacerbe les défis pour les fournisseurs et les épiciers indépendants.

Il est primordial de comprendre que l’objectif du code n’est pas de réduire les prix. De telles attentes seraient fantaisistes. Le code vise l’atténuation de la volatilité des prix, une situation omniprésente qui éclipse le problème plus fondamental de l’inflation alimentaire. Même si les prix plus élevés nous préoccupent, il faut reconnaître l’inflation alimentaire comme un phénomène économique normal, essentiel pour que les entreprises prospèrent et garantissent la sécurité des produits alimentaires. L’idéal est d’atteindre un taux d’inflation alimentaire oscillant entre 1,5 % et 2,5 %, une fourchette observée pour la dernière fois à l’été 2021. Les prévisions suggérées dans le Rapport sur les prix alimentaires au Canada 2024 s’attendent à un retour vers ces taux d’ici la fin de l’année.

La volatilité des prix, exacerbée par l’augmentation des frais d’épicerie et la manipulation des prix autour des périodes de gel des prix, de novembre à février, reste une préoccupation majeure en vue de réduire la volatilité des prix. Bien que le code ne puisse pas éliminer ces pratiques, il pourra réduire considérablement leur répercussion sur les prix de détail des aliments.

Plus important encore, le code promet une plus grande transparence au sein de la chaîne alimentaire. Un rapport annuel du secrétariat, qui dresse la liste des entreprises conformes et de celles qui ne respectent pas les règles établies, introduit un niveau de responsabilité sans précédent dans l’industrie alimentaire canadienne.

Même si le code de conduite des épiciers peut initialement sembler contre-intuitif pour certains, ses avantages pour les consommateurs, les fournisseurs et le marché global ne peuvent être surestimés. Il représente un pas vers une industrie alimentaire plus équitable et stable au Canada.