Les employés du gouvernement du Québec ne sont pas les enfants gâtés dépeints par certains pourfendeurs de l’État.

Oui, ils travaillent moins d’heures. Oui, ils ont une permanence. Oui, ils reçoivent une paye, COVID ou pas. Mais leur rémunération, tout compte fait, n’est pas à la hauteur du marché dans lequel ils évoluent. Du moins, pas encore.

Ce constat, c’est celui que fait l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) depuis de très nombreuses années. L’étude très rigoureuse de l’ISQ est toujours publiée au même moment chaque année et elle tombe donc en pleines négos cette année. J’en ai fait des chroniques la plupart du temps par le passé.

Que conclut-elle précisément ? Que les employés du secteur public québécois touchent en 2023 un salaire environ 17 % plus bas que son marché de référence, composé du secteur privé et des autres administrations publiques (fédéral, municipales, universitaires et sociétés d’État).

L’écart défavorable, par heure travaillée, rétrécit à 7 % quand on tient compte des avantages sociaux, des vacances, des congés et de tout le reste, ce qu’on appelle la rémunération globale1.

Les plus touchés ne sont pas ceux qu’on pense, surtout dans un contexte syndical. Ce sont les ouvriers (mécaniciens, conducteurs, menuisiers, etc.) qui souffrent des plus grands écarts avec le marché, de l’ordre de 33 %. Pour les employés de bureau, l’écart défavorable de rémunération globale est de 10,5 % et pour les professionnels, le chiffre est de 6 %.

La comparaison de l’ISQ porte sur 75 emplois comparables avec le privé et les autres secteurs publics pour 5 catégories d’emplois regroupant 81 145 salariés du gouvernement. On n’y retrouve pas les enseignants et les infirmières, qui n’ont pas d’équivalents ailleurs au Québec dans des organisations de taille semblable.

Voilà pour les grandes lignes.

Cela dit, il faut savoir que ces écarts pour 2023 devraient être réduits au terme des négociations, puisque ces dernières rehausseront la rémunération à partir du 31 mars 2023, moment de la fin des conventions collectives.

Comme une tranche de 4,3 % de l’offre de 10,3 % du gouvernement s’appliquerait dès le 1er avril 2023, on peut prévoir que l’écart défavorable de 7 % de la rémunération globale des emplois gouvernementaux avec le marché fondrait à environ 3 %, tout étant égal par ailleurs. Bref, on s’approcherait de la parité, d’autant plus si le gouvernement majore encore son offre, comme l’a évoqué François Legault.

Il est bon, également, de rappeler les limites de l’étude ou du moins, certaines des raisons qui expliquent les écarts.

L’ISQ compare notamment avec le secteur municipal et le secteur fédéral. Or, ce n’est pas tant le gouvernement du Québec qui offre des conditions pitoyables que le municipal qui a des conditions de travail trop généreuses, entre autres. L’écart de la rémunération globale entre le Québec et les municipalités est encore de 36 % cette année !

Quant à l’écart avec le fédéral, de 17 %, il s’explique par le fait que le gouvernement, à Ottawa, fonde souvent ses échelles de rémunération sur des emplois pancanadiens. Or, comme les salaires sont en moyenne plus élevés hors Québec, ils gonflent les écarts avec les salaires de l’administration québécoise.

Autre élément à considérer : la taille des organisations prises en compte dans l’échantillon. L’ISQ ne prend que celles de 200 employés et plus, dont les conditions sont davantage comparables (ou encore les municipalités de 25 000 habitants et plus). Ce choix exclut donc les PME, dont les salaires et les avantages sont souvent bien moindres.

Ces précisions rendent donc plus pertinentes les comparaisons avec le seul secteur privé de l’étude. Il s’agit d’organisations de bonne taille, mais qui ne bénéficient pas des conditions mirobolantes du secteur municipal ou pancanadien du fédéral.

Or, dans ce cas, l’écart salarial défavorable du gouvernement du Québec n’est plus de 17 %, mais de 14 %. Surtout, les écarts de rémunération globale – donc avec régime de retraite et vacances – sont nuls en 2023 avec ces grandes entreprises privées, constate l’ISQ. Une seule des cinq catégories d’emplois conserve un écart défavorable significatif : les ouvriers.

Quand les négos seront conclues, avec la hausse minimale de 4,3 % au 1er avril 2023, il y a lieu de croire qu’il sera alors plus intéressant de travailler au gouvernement du Québec qu’au privé, en supposant que le marché n’ait pas changé d’ici là. L’étude de l’ISQ nous en dira plus l’an prochain.

Voilà pour les détails.

Maintenant, sachant l’intérêt des lecteurs pour les comparaisons salariales, j’ai extrait une douzaine de postes parmi les plus courants de la liste des 75 comparés par l’ISQ.

Comme l’espace manque, je ne peux publier que les salaires et les écarts avec le privé et l’ensemble des autres secteurs publics, sans présenter les écarts de rémunération globale.

Ainsi, un avocat de niveau 2, avec quelques années d’expérience, empoche 100 273 $ actuellement, soit 25 % de moins qu’au privé. En ajoutant les avantages sociaux et l’horaire de travail plus léger – donc en prenant la rémunération globale –, l’écart fond à 14 %.

Même chose pour un technicien informatique de niveau 2, dont le salaire est de 54 465 $ cette année : l’écart de salaire défavorable avec le privé, de 9 %, devient un avantage de 6 % quand on ajoute les avantages sociaux.

Cela dit, en comparant avec les autres secteurs publics plutôt qu’avec le privé, les désavantages de l’administration québécoise demeurent aussi grands en comparant le simple salaire que la rémunération globale.

Ah, j’oubliais : le salaire moyen des 75 emplois repères de l’ISQ, compte tenu du poids de chaque catégorie, est de 56 096 $ au gouvernement du Québec en 2023.

1. Consultez l’étude de l’Institut de la statistique du Québec