Vous le savez, je l’ai écrit, les patrons de nos sociétés de transport collectif sont grassement payés, et leurs employés ont souvent des conditions enviables. La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, veut d’ailleurs procéder à des audits pour trouver des économies.⁠1

Or, une nouvelle étude fait ressortir les coûts nettement plus élevés de nos grands transporteurs par rapport aux organisations comparables ailleurs au Canada. L’étude a été réalisée par le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal et ses chercheurs Jonathan Deslauriers, Robert Gagné, Anne-Gabrielle Gendron et Jonathan Paré.2

Les auteurs ont comparé les coûts de 23 sociétés de transport collectif au Canada, dont 5 du Québec, nommément les sociétés de transport de Montréal, de Laval, de Longueuil de Québec et de Gatineau. L’année la plus récente précédant la COVID-19 a été retenue, soit 2019.⁠3

Premier élément de comparaison : les dépenses d’exploitation par kilomètre parcouru. Montréal est le réseau le plus coûteux à ce chapitre, à 9,63 $ par kilomètre, contre 9,56 $ à Vancouver et 7,54 $ à Toronto. L’écart entre Montréal et Toronto est de 28 %.

Les quatre sociétés du Québec comparées qui n’ont pas de réseau de métro sont aussi bien au-dessus de la moyenne canadienne (de 6,65 $ par kilomètre). Québec dépense 8,09 $ pour chaque kilomètre parcouru par ses autobus, soit 22 % de plus que la moyenne, contre 7,85 $ pour Gatineau, 7,47 $ pour Laval et 7,22 $ pour Longueuil.

Les dépenses d’exploitation englobent toutes les dépenses pour assurer le fonctionnement, comme les salaires et avantages sociaux des chauffeurs, les charges d’administration, les frais d’entretien et de carburant des véhicules, notamment.

Autre mesure d’étalonnage qui ressort du lot : le nombre de kilomètres parcourus par heure travaillée. Avec cet indicateur, les moins performants sont les derniers.

Résultat : les quatre sociétés du Québec dont les données étaient disponibles sont en bas de la moyenne, de 10,4 km par heure de travail rémunérée. Laval est 22 % derrière, à 8,1 km par heure travaillée, contre 8,8 km pour Québec et 9,9 km pour Montréal et Gatineau.

La société de Durham, une ville ontarienne assez comparable à Laval, parvient à parcourir 12,6 km par heure travaillée, soit 4,5 km de plus. Ses dépenses d’exploitation sont aussi 16 % plus basses que celle de Laval, par kilomètre parcouru. Est-ce une affaire de congestion routière ?

Les auteurs disent être conscients de certaines difficultés de comparaisons. « Le fait que la STM offre un service de métro risque d’exercer une pression plus importante sur son budget en raison des coûts associés à l’entretien des infrastructures, et en principe, seules des sociétés ayant une offre de services similaires devraient être utilisées pour comparer leur performance », écrivent-ils.

Même remarque pour les sociétés qui desservent les grandes métropoles par rapport à celles à l’extérieur des agglomérations métropolitaines.

Ils jugent néanmoins que ces différences n’empêchent pas, en soi, la comparaison.

Le directeur général de l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ), Marc-André Varin, n’est pas nécessairement de cet avis.

« Il y a des contextes d’exploitation bien différents et ce n’est pas toujours facilement comparable. Dans certains cas, des frais d’administration sont absorbés par les villes, comme les finances et les ressources humaines, et non par les sociétés de transport », soutient M. Varin, qui n’avait pu prendre connaissance de l’étude, sous embargo jusqu’à mercredi matin.

Justement, l’étude note que les sociétés du Québec ont des frais administratifs plus lourds. Plus précisément, la part des frais d’exploitation qui vont à l’administration s’élève à 24 % à la société de Longueuil, à 21 % à celle Laval, à 19 % à la société de Montréal et à 16 % à celle de Québec. La moyenne est de 11 % pour l’ensemble des sociétés de transport analysées.

Un achalandage plus élevé ici

Tout n’est pas sombre pour autant. Les sociétés de Montréal, de Québec et de Longueuil obtiennent un achalandage plus élevé que la moyenne. Montréal est au premier rang canadien à ce chapitre, loin devant Toronto, si bien que le coût moyen par déplacement de la STM, à 3,63 $ en 2019, est 33 % plus faible que la moyenne des sociétés analysées.

Le plus grand achalandage par kilomètre parcouru pourrait s’expliquer, en partie, par des tarifs relativement plus bas. En 2019, le tarif moyen par déplacement était de 1,49 $ à Montréal, contre 2,25 $ à Toronto et 2,42 $ à Vancouver. Québec et Laval sont à 1,55 $ et 1,57 $ respectivement, alors que la moyenne est de 1,85 $.

Cet écart fait néanmoins en sorte que les sociétés du Québec sont davantage dépendantes de financements externes pour leurs activités.

À ce sujet, l’étude dénonce le fouillis du financement public, provenant d’un spaghetti d’organismes. Voyez par vous-mêmes : « Les fonds du FORT sont utilisés par le PAGTCP pour financer les immobilisations, mais également pour financer le SOFIL, qui finance à son tour le PAITC. Le FORT finance également des dépenses d’exploitation par le biais du PADTC. Le PAGTCP et le PADTC sont aussi financés par le FECC »…

Outre la simplification du financement, les auteurs recommandent que le gouvernement implante un processus rigoureux de reddition de compte et qu’il en diffuse les données.

On n’a pas fini d’entendre parler de comparaisons de performance. Le DG de l’ATUQ, Marc-André Varin, dit comprendre que la ministre Geneviève Guilbault a l’intention de faire ce genre d’exercice dans ses audits de performance. À suivre, donc.

1. Lisez la chronique « Patrons du transport collectif : une grosse paye intacte, malgré la crise » 1. Lisez aussi la chronique « Transport collectif : les déficits et la paye des chauffeurs d’autobus » 2. Consultez l’étude du Centre sur la productivité et la prospérité « Financement du transport collectif : des efforts d’optimisation s’imposent de part et d’autre »

3. Les chercheurs ont demandé aux 23 sociétés de leur transmettre les données de performance qu’ils avaient transmises à l’ACTU pour comparer leur performance des années 2011, 2013, 2015, 2017, 2019 et 2021. L’ACTU est l’acronyme pour Association canadienne du transport urbain.