Combien gagnent les patrons de nos sociétés de transport collectif ? Leur paye tient-elle compte du dégonflement de l’achalandage et de la chute des revenus ?

Je suis sensible aux arguments des municipalités de la région de Montréal sur les problèmes majeurs de financement du transport en commun. Et je vois bien le bras de fer qui se joue avec Québec pour de nouveaux fonds. Mais je me demande : n’y a-t-il pas aussi du ménage à faire dans leurs dépenses ?

En juin, je constatais essentiellement que la rémunération des chauffeurs d’autobus et autres employés, surtout syndiqués, avait continué d’augmenter malgré l’effondrement de l’achalandage⁠1. Quelle entreprise privée pourrait agir ainsi ?

Et aujourd’hui, je remarque que les sociétés de transport de la région ont offert des hausses de rémunération à leurs cadres supérieurs en 2022, malgré la crise. Pourtant, avec le travail hybride qui devient permanent, le retour de l’achalandage n’est pas pour demain, n’est-ce pas ?

Gagnent-ils beaucoup ? Ça dépend. La réponse est assurément oui pour le commun des mortels. Les directeurs généraux touchent entre 310 000 $ et 415 000 $ de rémunération, si l’on inclut les avantages sociaux, notamment les régimes de retraite. Ou 10-12 % de moins en excluant ces avantages sociaux.

Vrai, ces cadres gèrent une montagne de problèmes, beaucoup de stress et des milliers d’employés, comme à la STM, qui compte 10 564 employés. Pour son travail, la directrice générale, Marie-Claude Léonard, a eu une rémunération globale de 415 000 $ en 2022, ce qui est tout de même moins que les 558 000 $ de son prédécesseur de 2021, Luc Tremblay.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La directrice générale de la STM, Marie-Claude Léonard

Si on exclut les avantages sociaux, le salaire de Mme Léonard était de 366 000 $ en 2022.

Vrai aussi, cette paye est moins importante que celle des patrons de la SAQ (528 000 $), dont le nombre d’employés est plus bas (7000), ou encore d’Hydro-Québec (639 000 $). Et bien moindre que celle de la plupart des patrons d’entreprises inscrites en Bourse.

Il reste que la rémunération de Mme Léonard est bien plus généreuse que celle de tous les postes municipaux que j’ai pu vérifier.

En comparaison, le directeur général de la Ville de Montréal, Serge Lamontagne, touche environ 335 000 $ et le chef de police, Fady Dagher, 280 000 $.

La mairesse Valérie Plante ? 194 372 $ en 2022, si l’on exclut les allocations de dépenses de sa fonction.

Bref, les patrons de nos sociétés de transport apparaissent les mieux payés du monde municipal, pourrait-on dire.

Ont-ils écopé de la perte de clients et de revenus ? Pas vraiment. Malgré la crise, les sociétés de transport ont offert des hausses de rémunération à leurs cadres supérieurs entre 2019 et 2022.

À la STM, les augmentations ont varié de 1,6 % à 15,5 % en 2022, selon les données publiques les plus récentes. Même genre de variation à Laval, où le salaire de base des cadres supérieurs de la STL a été majoré de 4 % en 2022.

Ailleurs, les augmentations apparaissent plus modestes, comme chez exo (couronnes nord et sud de Montréal) ou à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), mais pas de gel ou de baisses généralisées des salaires des cadres. Les tableaux ci-contre vous en donnent les détails.

En réaction, la porte-parole de la STM, Justine Lord-Dufour, soutient que l’organisation a amorcé une réorganisation interne en février 2023 qui a eu pour effet de baisser de 8 % la masse salariale du comité de direction. Et que les efforts permettront de réduire de 1 % la masse salariale des employés non liés à l’exploitation en 2024.

« La stratégie de rémunération du comité de direction de la STM consiste à offrir un salaire de base raisonnable, mais compétitif, par rapport aux pratiques du marché et qui se compare aux organisations publiques, parapubliques et privées », m’écrit Mme Lord-Dufour.

Je suis sensible aux arguments des municipalités de la région de Montréal. Sans financement additionnel du gouvernement pour combler la chute des revenus, des décisions difficiles devront être prises.

Et bien entendu, personne ne veut voir diminuer la fréquence des autobus et du métro, surtout compte tenu de leur importance pour réduire nos émissions de GES.

Mais encore une fois, je ne connais pas d’organisations qui vivent de telles crises et qui peuvent se permettre d’offrir des augmentations de salaire aux employés et aux cadres, comme on l’a vu en 2022.

Au bout du compte, normalement, tous devraient mettre la main à la pâte : le gouvernement du Québec, les sociétés de transport et, bien sûr, les municipalités et leurs contribuables.

Pour éviter trop de pertes d’emplois ou de coupes de services, les syndicats auraient intérêt à accepter certains aménagements. Par exemple, ne pourrait-on pas modifier les horaires des chauffeurs et des autobus pour les adapter au phénomène persistant du travail hybride, qui gonfle l’achalandage en milieu de semaine ? Un horaire de 4 jours ?

Pour que les syndicats tendent l’oreille, toutefois, et que les contribuables avalent la pilule, il faudra que les cadres montrent l’exemple. Et qu’ils le publicisent clairement.

Salaire des dirigeants des sociétés de transport

1. Lisez la chronique « Problème de dégraissage dans le transport collectif »