La forte inflation, la hausse du coût de la vie et les taux d’intérêt élevés n’ont pas fini de peser sur la vie des Québécois qui doivent revoir leurs habitudes de consommation en raison des contraintes budgétaires que ces éléments induisent dans leur vie quotidienne. Ce contexte difficile devrait perdurer, mais, mince lueur d’espoir, on pourrait bientôt assister à la fin des hausses des taux d’intérêt.

Cette lueur d’espoir, c’est Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada, qui l’a prudemment distillée mercredi midi dans un discours qu’il a prononcé à Saint John, au Nouveau-Brunswick.

Dans son allocution, le responsable de la politique monétaire canadienne a rappelé que la lutte contre l’inflation avait exigé une implacable réponse avec un resserrement systématique des taux d’intérêt pour que le Canada ne revive pas une situation semblable à celle des années 1970.

À cette époque, durant une dizaine d’années, l’inflation est restée élevée, à plus de 7 % par année avec un pic à 13 %, parce que les autorités monétaires avaient tardé à agir.

Les 10 hausses de taux qui ont été décrétées depuis mars 2022 et qui ont porté le taux directeur de 0,25 % à 5 % ont été un remède extrême, mais nécessaire, a plaidé mercredi Tiff Macklem, qui pour une rare fois a semblé apprécier les progrès réalisés grâce à sa politique monétaire restrictive.

Possiblement ragaillardi par les statistiques dévoilées la veille par Statistique Canada, qui nous a appris mardi que l’indice des prix à la consommation avait progressé de seulement 3,1 % en octobre contre 3,8 % en septembre, Tiff Macklem a voulu semer un peu d’espoir, qu’il a cependant rapidement relativisé.

« Le resserrement de la politique monétaire fonctionne, et il est possible que les taux d’intérêt soient maintenant assez restrictifs pour rétablir la stabilité des prix. Mais si l’inflation élevée persiste, nous sommes prêts à rehausser de nouveau notre taux directeur », a déclaré le gouverneur de la Banque du Canada.

Il y a donc un peu d’espoir à l’horizon si l’inflation se maintient à un niveau près du haut de la fourchette de 1 % à 3 % visée par la Banque du Canada, mais si le mouvement repart à la hausse après l’apaisement que l’on vient d’enregistrer, le gouverneur n’hésitera pas à renouer avec les hausses.

Consommation en baisse

Chose certaine, la forte inflation de la dernière année et demie – et la hausse des taux d’intérêt qu’elle a entraînée – a fortement élimé le moral des consommateurs québécois et les a même forcés à revoir leurs façons de dépenser.

Selon le dernier Baromètre de l’Observatoire de la consommation responsable de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM), dans une édition spéciale Coût de la vie, en collaboration avec la firme d’études de marché MBA Recherche, jamais le ressenti de la dégradation du pouvoir d’achat des Québécois n’a été aussi élevé.

D’après les résultats d’un sondage réalisé auprès de 1000 répondants, à partir d’un échantillonnage de plus de 30 000 consommateurs, 72,2 % des Québécois ont ressenti en 2023 la dégradation de leur pouvoir d’achat. C’est le plus haut pourcentage enregistré en 14 éditions du Baromètre de l’Observatoire de la consommation responsable.

La cherté de nombreux produits a poussé 53,7 % des Québécois à réduire leur consommation en 2023, un autre un sommet ; certains l’ont fait de façon volontaire et d’autres, plus stressés financièrement, l’ont fait par obligation.

Chez ceux qui affirment avoir réduit leur consommation, 90,3 % affirment comparer davantage les prix entre les produits, et 84,3 % entre les commerces. Plus de 85 % achètent davantage de produits au rabais et plus de 80 % utilisent plus les cahiers publicitaires et les bons de réduction, indique le Baromètre 2023.

« Les gens qui ont réduit leur consommation privilégient davantage à 76 % les marques maison et 71 % d’entre eux vont davantage dans des magasins au rabais », expose Fabien Durif, directeur de l’Observatoire de la consommation responsable.

Malgré la hausse des prix généralisée, l’achat de produits locaux reste une motivation forte chez les consommateurs québécois, alors que 65,3 % des répondants affirment continuer d’en acheter, tout comme les consommateurs de produits bios qui ont n’ont pas abandonné leurs habitudes en dépit des hausses de prix.

De façon générale toutefois, ce sont les produits du secteur de la mode qui ont enregistré la plus forte baisse, 44 % des consommateurs affirmant en avoir moins acheté en 2023, suivis par les produits électroniques et les produits de beauté et produits cosmétiques.

Selon Fabien Durif, les résultats du prochain Baromètre, celui de 2024, risquent de présenter un portrait encore plus inquiétant alors qu’on prévoit ajouter un volet qui va mesurer le stress financier des consommateurs en tenant compte des taux d’intérêt élevés.

« C’est l’an prochain qu’on prévoit enregistrer le plus de renouvellements de prêt hypothécaire et c’est l’an prochain que de nombreux propriétaires vont devoir composer avec des paiements d’intérêt nettement plus chers que ce qu’ils avaient à payer. Cela va impacter toute la consommation », anticipe le professeur de l’ESG UQAM.

Déjà, certains indices montrent que l’inflation et les taux d’intérêt élevés commencent à peser sur les consommateurs les plus vulnérables. La firme Raymond Chabot nous apprenait mercredi que l’insolvabilité des consommateurs avait augmenté de 18,6 % au cours des neuf premiers mois de 2023 par rapport à 2022.

« C’est le pire score enregistré depuis 2019, la pire année pour le nombre de cas d’insolvabilité des consommateurs. La situation se détériore depuis avril 2021, depuis que les liquidités se sont resserrées. C’est un contexte économique beaucoup plus complexe », confirme Sophie Desautels, première directrice principale et syndique autorisée en insolvabilité chez Raymond Chabot.