C’est souvent le jour où on a besoin de faire honorer une garantie prolongée qu’on apprend ce qu’elle couvre… ou pas. Au moment de l’achat, on s’en remet surtout aux explications et à la bonne foi d’un vendeur qui n’a pas intérêt à passer une heure à détailler les exceptions s’il veut toucher sa commission.

Dans le secteur de l’automobile, les mauvaises surprises font particulièrement mal au portefeuille. La moindre réparation, comme on sait, peut générer une facture de quelques milliers de dollars.

Nathan Bedford peut en témoigner. Il a déboursé 6000 $ à un concessionnaire pendant l’été pour doter son nouveau Jeep Grand Cherokee EcoDiesel 2016 d’une garantie prolongée. Taux de financement : 9,9 % sur 4 ans. Une semaine plus tard, alors qu’il était en vacances à l’extérieur du Québec, le véhicule acheté 24 000 $ est tombé en panne. C’était ennuyeux, mais au moins il était bien protégé, pensait-il.

« Je leur avais demandé plusieurs fois si ça couvrait tout et ils disaient : “Oui, c’est pare-chocs à pare-chocs” », m’a-t-il raconté. L’assureur a néanmoins jugé que le conduit qui fuyait dans le système de refroidissement ne faisait pas partie des pièces garanties.

Nathan n’aurait jamais pu s’en douter. Pour la bonne raison qu’il n’avait pas encore reçu les détails de sa police d’assurance de FCA Canada, filiale du constructeur Stellantis (Jeep, Dodge, Fiat, Chrysler). Le document est atterri dans sa boîte aux lettres un mois plus tard, comme c’est souvent le cas.

Même s’il avait reçu le document chez le concessionnaire, cela n’aurait pas changé grand-chose, avance George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA). « Les inclusions sont très difficiles à comprendre, il faut connaître la mécanique. »

À son avis, ces garanties « très techniques » ne sont pas, « en pratique, compréhensibles pour le consommateur » qui doit se fier aux déclarations d’un vendeur, même si ce dernier « ne discute jamais des limites ».

En plus, ce vendeur peut fortement encourager l’achat d’une garantie pour son propre bénéfice. Ça se voit depuis des années avec l’assurance de remplacement. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement du Québec s’apprête à retirer le droit aux concessionnaires auto de vendre ce type d’assurances⁠1.

Des clients se font parfois dire que l’assurance de remplacement est obligatoire, ce qui est faux. D’autres se voient offrir un meilleur taux de financement s’ils contractent l’assurance, ce qui est interdit. Tous les rapports de l’Autorité des marchés financiers (AMF) publiés sur cette question ont fait état de pratiques abusives.

On peut donc se demander pourquoi les méthodes de vente des garanties prolongées seraient très différentes.

Un membre d’un groupe privé consacré aux Toyota RAV4 sur Facebook a d’ailleurs écrit cette semaine qu’à la prise de possession de son véhicule, il avait fait retirer la garantie prolongée que son vendeur avait ajoutée à son insu. « Il a avoué qu’avoir su avant, il aurait vendu mon auto à quelqu’un d’autre, car il n’y a pas assez d’autos, alors ils choisissent les deals les plus payants. »

Marie-Hélène Brassard m’a raconté qu’elle s’était fait « pousser la garantie prolongée » par le vendeur de son RAV4 qui n’a pas manqué de lui parler du fameux câble à 6000 $ qui corrode⁠2. « J’avais déjà eu des garanties prolongées qui ne couvraient rien. Je m’étais dit “plus jamais”. […] J’étais zéro intéressée, mais j’ai dit oui en me disant que ça pourrait m’aider à avoir le véhicule. »

Quand le temps est venu de signer, cet automne, elle a demandé qu’on retire la garantie du contrat et, oh, coup de théâtre, son VUS venait dans la minute précédente d’être vendu à quelqu’un d’autre.

Malheureusement, on n’a pas de portrait clair de la situation. L’OPC ne publie pas de rapport sur les méthodes de vente des marchands d’automobiles comme le fait l’AMF pour l’assurance de remplacement. Fait-on des enquêtes ? Utilise-t-on des clients mystères ? « Nous devons demeurer discrets sur les activités de surveillance en cours dans des secteurs spécifiques et ne pas révéler de détails qui pourraient nuire à ces activités », m’a répondu l’OPC.

Bien sûr, il est interdit pour un commerçant de faire des « représentations fausses ou trompeuses » à un consommateur et de passer sous silence un fait important avant la signature d’un contrat. Ça vous est arrivé ? Sachez que les plaintes reçues à l’OPC peuvent conduire à l’envoi d’avis d’infraction ou au déclenchement d’enquêtes. Vous pouvez aussi exercer un recours judiciaire. Nathan a d’ailleurs entamé le processus.

Malgré tout, cet automobiliste a eu raison de vouloir une garantie prolongée, juge l’APA qui qualifie le moteur du Jeep Grand Cherokee EcoDiesel de « citron ». Nathan savait dans quoi il s’embarquait, ayant déjà possédé ce véhicule auparavant. « Je n’aurais jamais acheté mon Jeep sans garantie. Je l’aime, mais avec la suspension pneumatique, quand ça brise c’est très cher. » Ce qu’il regrette, c’est de ne pas avoir pu se fier au vendeur ni au texte de la police d’assurance (en anglais) qui mentionne les conduits (all hoses, tubes and lines) dans la liste des inclusions.

Au moment où Québec s’apprête à améliorer la protection des consommateurs en matière de vente d’assurance de remplacement, il faudrait aussi qu’on donne un sérieux coup de barre dans le marché des garanties prolongées.

En terminant, voici quelques conseils en matière de garantie prolongée :

  • L’APA juge que les produits offerts par les constructeurs d’autos sont bien meilleurs que ceux des tierces parties. Ces derniers comportent généralement une limite par réclamation assez basse, autour de 2000 ou 3000 $. C’est peu, sachant qu’un remplacement de moteur peut coûter 20 000 $, rappelle George Iny.
  • Les garanties de constructeurs offrent une meilleure protection, car la liste des inclusions est plus longue et la couverture est offerte partout en Amérique du Nord.
  • Les garanties de tierces parties sont bien plus payantes pour les vendeurs de voitures, ce qui peut induire des pratiques de vente « abusives ». La commission versée par les constructeurs est limitée à 35 %, selon l’APA, tandis qu’il n’y a pas de limite au prix qui peut être demandé pour une assurance de tierce partie.
1. Lisez la chronique « Les concessionnaires ont trop étiré l’élastique » 2. Consultez la chronique « Un câble corrodé à 6800 $ fait pester »