L’une des questions les plus cruciales pour les travailleurs qui préparent leur retraite concerne l’âge idéal pour demander ses rentes publiques, celles versées par Québec et Ottawa. Le calcul est loin d’être aisé, la tentation d’encaisser « son dû » au plus vite est forte et la crainte de laisser de l’argent sur la table advenant une mort précoce est répandue.

C’est préférable à 60 ans (malgré la pénalité), à 65 ans (le plein montant) ou à 70 ans (avec bonification) ?

Devant la complexité de l’affaire, la décision se prend parfois un peu n’importe comment, en se souvenant vaguement de mythes et en écoutant son instinct, quand ce n’est pas le beau-frère. Les planificateurs financiers peuvent faire les calculs, mais le recours à leurs services n’est pas systématique et les conseils obtenus ne sont pas forcément suivis.

Pour entamer la réflexion, il importe de dissocier l’âge de la retraite et l’âge où l’on commence à recevoir ses rentes publiques. On n’est jamais obligé de réclamer son chèque du Régime de rentes du Québec (RRQ) à 60 ans et celui de la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) à 65 ans, quoi qu’en pensent certains travailleurs du secteur public en raison du fonctionnement de leur régime à prestations déterminées.

En réalité, être vite sur la gâchette est presque toujours la pire chose à faire.

Le malchanceux qui meurt avant ses 73 ans fait partie des rares exceptions, a calculé la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke dirigée par Luc Godbout et Daniel Laverdière, un actuaire et planificateur financier à la retraite.

Bien sûr, il est tentant de dire oui au RRQ quand il nous propose le versement d’une rente mensuelle dès nos 60 ans. On a cotisé toute notre vie, on a hâte d’en retirer les bénéfices. D’ailleurs, près de la moitié des Québécois s’empresse de remplir le formulaire de demande.

Le réflexe est moins répandu qu’en 2017, mais il demeure trop élevé. On s’en rend bien compte en regardant les scénarios présentés dans la nouvelle étude de la CFFP⁠1. Ceux-ci couvrent au moins 70 % des Québécois.

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C’est contre-intuitif, mais les chiffres montrent clairement qu’il est plus payant de ne pas recevoir de rente publique au début de la soixantaine.

Graphique à l’appui, on constate même qu’une personne détenant 620 000 $ d’épargne et visant un revenu de retraite de 40 000 $ mourrait sans le moindre sou à 95 ans en demandant ses rentes à 65 ans. Si elle attend le plus tard possible, ses héritiers se partageront plutôt un magot de 350 000 $⁠2. Fascinant, n’est-ce pas ?

Vous me direz que l’attente suppose de vivre uniquement de ses économies pendant un bon bout de temps. C’est vrai. L’idée est angoissante, on imagine son compte de banque se vider à vue d’œil jusqu’à ses 70 ans, et on ne voit pas comment cela pourrait être rentable, mais les données sont sans équivoque.

Certaines personnes n’auront tout simplement pas l’épargne nécessaire pour se priver des rentes publiques bien longtemps, en raison de leur santé, de leurs faibles revenus ou de leurs priorités. C’est aussi vrai que malheureux. « Pour avoir une retraite confortable, il faut faire des efforts, il n’y a pas de magie », rappelle Daniel Laverdière.

La rente maximale du RRQ à 65 ans – que moins de 3 % des Québécois obtiennent – est de 15 679 $ par année. La pension de la SV peut atteindre 8335 $.

Si l’on réclame ses rentes si tôt, c’est principalement parce qu’on sous-estime notre espérance de vie⁠3, insiste Luc Godbout. Elle est de 80 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes… à la naissance. Une fois l’âge de la retraite atteint, c’est plus élevé, car tous les risques de mort ont jusque-là été « évités ».

La retraitée de 65 ans a 50 % de chances d’atteindre 91 ans et 25 % de chances de vivre jusqu’à 96 ans. Pour les hommes, c’est deux ans de moins dans les deux cas. La stratégie d’épargne doit en tenir compte.

Au fait, combien faut-il avoir de côté avant de dire bye bye boss en toute quiétude ?

C’est ici que le nouvel outil magique de la CFFP entre en scène. Gratuit, simple et fort instructif, ce simulateur⁠4 permet de découvrir visuellement la somme (avant impôt) qu’il faudrait avoir accumulée pour bénéficier des revenus souhaités à la retraite.

On y entre quelques chiffres pour résumer notre situation personnelle et tadam ! on découvre la réponse illustrée. En bougeant le curseur, on peut même voir la somme exacte qu’on devra sortir de son épargne personnelle chaque année pour maintenir son train de vie. Si vous avez droit au Supplément de revenu garanti, ce sera indiqué. Il suffit ensuite de jouer avec les sept paramètres proposés pour générer des scénarios avec des besoins d’épargne plus ou moins élevés.

Amusez-vous ! Voir dans son avenir n’aura jamais été aussi facile.

1. Consultez l’étude de la CFFP

2. Les hypothèses utilisées pour les calculs de l’étude : rendement net de frais de 3 %, inflation annuelle moyenne de 2,1 %, évolution du MGA (maximum des gains admissibles) de 3,1 %, âge en début de carrière de 25 ans et retraite prise en 2023.

3. Lisez « Jusqu’à quel âge risquez-vous de vivre ? » 4. Accédez au simulateur de retraite