Le Québec, on le sait, a un coût de la vie généralement plus bas qu’ailleurs depuis de nombreuses années, notamment grâce aux logements et à l’électricité moins chers. Mais sera-ce le cas encore longtemps ?

Les données de Statistique Canada publiées mardi ont piqué ma curiosité à cet égard, le Québec se classant premier pour le taux d’inflation le mois dernier, à 3,9 %, loin devant l’Ontario (3 %) et l’Alberta (2,9 %). L’inflation est plus forte au Québec tant dans le secteur alimentaire (1er au Canada) que pour les logements (3e) ou l’ensemble sans l’énergie (1er).

Une hirondelle ne fait pas le printemps, me direz-vous, mais justement, une analyse des données sur une plus longue période semble indiquer que les prix grimpent plus vite au Québec depuis plusieurs mois.

En 2022, le Québec a généralement suivi la tendance canadienne, mais il s’en est écarté vers la fin de l’année et depuis, l’inflation est plus forte ici. Plus précisément, la croissance de l’Indice des prix à la consommation (IPC) en 2023 a été de 4,7 % au Québec, contre 4 % en Ontario et 3,4 % en Alberta, en moyenne. L’écart est important, ce qui n’était pas le cas en 2022.

Que se passe-t-il ? En scrutant les données, on constate que le Québec se démarque des autres provinces dans le secteur alimentaire. De fait, la progression plus rapide des prix que la moyenne canadienne est manifeste depuis une quinzaine de mois, alors qu’elle était semblable avant. Un graphique vaut mille mots.

L’inflation alimentaire est plus forte dans les magasins qu’au restaurant, tant au Québec que dans le reste du Canada. Toutefois, l’écart d’inflation Québec-Canada s’explique surtout par les aliments vendus dans les restaurants. L’inflation y est de 9 % au Québec en 2023, contre 7 % pour la moyenne canadienne.

Tout indique que c’est la pénurie de personnel plus marquée au Québec qui a davantage fait grimper les prix dans les restos.

Cela dit, on aurait tort de tout mettre sur le dos de l’alimentation. Selon les données de Statistique Canada, les logements ont connu une inflation plus forte au Québec ces derniers mois qu’ailleurs au Canada.

En 2023, la composante logements de l’IPC a grimpé de 5,8 % au Québec, et notamment de 7,1 % à Montréal et de 6,7 % à Québec. Pendant ce temps, la hausse était de 5,3 % en Ontario et de 5,4 % en Colombie-Britannique. Il faut dire qu’à cet égard, le Québec avait un certain rattrapage à faire, comme l’indique ce graphique.

De façon générale, on peut penser que la hausse plus forte des prix est le reflet de l’économie plus vigoureuse du Québec, jumelée à la pénurie de main-d’œuvre, qui est accentuée par le vieillissement de la population.

Le phénomène durera-t-il ? Ce n’est pas certain. Ces derniers mois, le Québec a connu un ralentissement plus marqué de son économie qu’ailleurs, et ce ralentissement pourrait se refléter, tôt ou tard, sur les prix.

En attendant, l’inflation canadienne annuelle de 3,3 % en juillet n’est pas une bonne nouvelle – quoiqu’attendue – puisqu’elle est en hausse par rapport à juin (2,8 %) et loin de la cible de la Banque du Canada de 2 %. Remarquez que le Québec est encore plus loin de la cible, à 3,9 %, mais la Banque ne s’en remet pas à une seule province pour fixer ses taux d’intérêt.

La hausse plus forte de juillet au Canada s’explique notamment par le prix de l’essence, dont l’effet à la baisse sur l’inflation par rapport à l’an dernier s’est estompé au cours de l’été. Autre facteur : le coût des intérêts hypothécaires, en hausse de 31 %, attribuable à la hausse des taux de la Banque du Canada.

Il faudra être patient, puisque la Banque du Canada, rappelons-le, prévoit que l’inflation retombera à sa cible de 2 % seulement vers le milieu de 2025, soit dans deux ans.

Les économistes de la Banque Nationale restent relativement positifs. « Il ne faut pas s’étonner que le chemin vers l’objectif d’inflation ne soit pas linéaire. La déflation en Chine est de bon augure pour les prix des biens, et le ralentissement significatif du marché du travail canadien suggère que les pressions inflationnistes dans les services s’amélioreront dans les mois à venir. La politique monétaire est déjà extrêmement restrictive et continuera à freiner l’économie, compte tenu du délai dans sa transmission », écrivent-ils dans leur analyse.