Au plus fort de la folie immobilière, quand les surenchères étaient presque systématiques, beaucoup d’acheteurs ont renoncé à faire inspecter la propriété convoitée. C’était risqué. Le même constat s’applique lors de l’achat d’un véhicule d’occasion, d’autant plus que le nombre d’odomètres trafiqués bondit.

Avec les délais de livraison des véhicules neufs qui continuent de se compter en mois quand ce n’est pas en années, le marché de l’occasion demeure vigoureux.

Les prix reculent un peu, c’est vrai, mais ils demeurent élevés. En octobre dernier, la moyenne était de 34 159 $ pour les véhicules affichés sur AutoHebdo.net, une hausse d’environ 10 000 $ (40 %) en 18 mois.

Les taux d’intérêt ont bondi eux aussi. On doit maintenant s’attendre à payer autour de 8 % dans le meilleur des cas, avec une excellente cote de crédit et un financement sur cinq ans.

Voilà deux bonnes raisons pour sélectionner plus minutieusement que jamais son nouveau véhicule. En voici une troisième : les odomètres trafiqués. CARFAX, une entreprise américaine qui collige des données sur les véhicules, a révélé le mois dernier que le nombre de voitures dont l’odomètre a été trafiqué avait augmenté aux États-Unis de 7 %, en 2022. Il n’y a pas de raison pour que ce soit différent au Canada.

D’ailleurs, selon le propriétaire de L’Annuel de l’automobile, Benoit Charette, tant au Québec qu’ailleurs au pays, « des commerces qui demeurent discrets reculent des odomètres 7 jours par semaine ». Dans un texte publié au début de janvier, il ajoutait que ces entreprises sont situées tout près des encans commerciaux de véhicules d’occasion ou à quelques coins de rue des concessionnaires automobiles.

CARFAX rappelle que les odomètres numériques n’ont pas fait disparaître la fraude, comme beaucoup de gens le croient. Bien au contraire ! Le phénomène augmente sans cesse puisqu’il n’a jamais été aussi facile et peu coûteux d’effacer des milliers de kilomètres de l’historique d’une voiture d’un coup. Pour les consommateurs américains, un odomètre falsifié équivaut à une perte de valeur moyenne de 4000 $ US.

La meilleure façon de détecter ce type de fraude est de faire inspecter le véhicule avant de l’acheter pour y déceler des incohérences entre le kilométrage affiché et l’usure de certaines pièces.

Le CAA propose le service dans une vingtaine de garages spécialement formés, tandis que l’Association pour la protection des automobilistes (APA) peut vous recommander un expert en la matière. Ce service est aussi offert à Montréal et à Québec par une nouvelle entreprise appelée PeachyCar, dont la mission est d’accompagner les acheteurs de véhicules d’occasion au cours d’un processus qui comporte « beaucoup d’irritants », dit son fondateur Guillaume Eckerl, connu pour les sites ClicSoumission.com et HelpMee.ca, achetés par Desjardins.

De fait, selon AutoHebdo.net, 50 % des consommateurs jugent difficile d’obtenir l’historique et d’évaluer l’état du véhicule. Une proportion similaire est troublée par la négociation du prix et l’obtention de financement, tandis que 48 % trouvent ardu de déterminer s’ils font une bonne affaire.

Même s’il y a « un besoin énorme » pour des inspections préachat indépendantes, bien peu de gens y ont recours, constate le directeur de l’APA, George Iny.

Il faut dire qu’en cette période où la demande pour les voitures d’occasion est forte, exiger une inspection comporte… un risque. Des vendeurs prétendent soudainement que l’auto convoitée a déjà trouvé preneur quand l’idée est évoquée. « Il y en a même qui refusent que les clients fassent un essai routier », dénonce George Iny.

Si l’inspection et l’essai ne sont pas bien accueillis, méfiez-vous. Vous ne ferez pas nécessairement un mauvais achat, mais il se peut que vous ayez à payer rapidement pour de nouveaux freins.

Que ce soit pour l’odomètre ou l’historique des accidents, ne vous fiez pas trop aux rapports de CARFAX, prévient l’APA, car leur taux de fiabilité au Québec (ça varie selon les endroits) ne dépasse pas 60 %. Une inspection rigoureuse incluant notamment la mesure de l’épaisseur de la peinture saura déceler les réparations. Une réparation bien faite n’est pas nécessairement un problème, mais cela devrait se refléter dans le prix.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Guillaume Eckerl, fondateur de PeachyCar

Même s’il y a beaucoup d’informations en ligne, les gens tombent dans les mêmes panneaux, ils manquent de vigilance.

Guillaume Eckerl, fondateur de PeachyCar

PeachyCar offre aussi un service de paiement sécurisé (via un notaire) et un contrat « complet » pour les ventes entre particuliers. Pour l’inspection par un expert qui se déplace et rédige un rapport avec photos, comptez environ 200 $. Du côté du CAA, il faut débourser entre 105 $ et 260 $. C’est peu pour avoir l’esprit en paix.

Il est toujours possible de faire un grand nombre de vérifications soi-même. Le guide du CAA est aussi complet que rusé.

Le CAA met aussi en garde les clients contre les vendeurs d’autos qui « tentent de rentrer du financement dans la gorge des clients » parce qu’ils reçoivent une ristourne. Vous avez toujours le droit d’aller voir votre banque. Si vous êtes propriétaire, la marge hypothécaire vous permettra sans doute d’obtenir un bien meilleur taux.

Comme on l’a vu en immobilier, surtout en 2021, la frénésie ambiante et la peur de laisser passer une bonne affaire peuvent entraîner des décisions plus ou moins rationnelles. Mais la hauteur des prix, les coûts élevés de financement et les arnaques qui se multiplient appellent à la plus grande vigilance.

Consultez le guide de préinspection du CAA