Les fameuses petites annonces du web sont une énorme source de plaisir pour les voyeurs et les amateurs de perles langagières. L’inénarrable Chantal Lamarre a fait de cet univers parfois surréaliste une délicieuse rubrique à Infoman.

La composition des textes, la qualité du français, le choix des articles proposés, tout cela passe par son tordeur et son redoutable sens de la répartie.

Ainsi, parmi les aubaines de la semaine, l’espiègle rouquine a déjà déniché un « manteau canada gosse », un « chou fleur à neige », une « très belle crèche » avec « le bébé qui a le bras cassé », un « bar qui a appartenu aux Lavigueur » et une superbe « bell en soir ».

Les séances de furetage sur les plateformes de revente d’objets usagés sont aussi désopilantes que désolantes.

La vente récente de la maison d’un membre de ma famille m’a permis de pénétrer dans ce monde fascinant qui offre un lot impressionnant de surprises. Aussi bien le dire tout de suite, le plaisir et les avantages qu’offrent les plateformes Kijiji, Craiglist, Marketplace et autres sont nettement plus grands pour celui qui achète que pour celui qui vend.

D’abord, préparez-vous à devoir faire preuve d’une grande humilité. Pour l’article auquel vous accordez beaucoup d’importance et que vous affichez à un très bon prix, vous allez recevoir des offres ridiculement basses. À cela va s’ajouter l’incontournable question : est-ce que vous assurez le transport ?

Un chausson avec ça ?

Dites-vous qu’une vente n’est jamais conclue avant que la personne n’ait tourné le coin de la rue avec vos objets. Il y a ceux qui débarquent chez vous et, après quelques commentaires insultants qu’ils formulent comme si vous n’étiez pas là, repartent sans rien prendre.

Il y a aussi le manque de planification des clients. Ma belle-sœur a donné rendez-vous à une femme qui était intéressée par un classeur à plusieurs tiroirs. Malgré le fait qu’elle connaissait les dimensions, la dame est arrivée avec une minuscule voiture qui ne pouvait absolument pas accueillir le meuble.

Et puis, il y a les lapins qu’on vous pose. Combien de gens ne se pointent pas au rendez-vous ? Ou annulent à la dernière minute alors que vous venez de refuser trois offres ?

Bref, ne vous étonnez pas de pousser de grands cris de joie après avoir vendu un sofa de grande qualité (valant largement 375 $) pour la maigrelette somme de 35 $.

Je comprends maintenant pourquoi plusieurs personnes ne se cassent plus la tête et affichent la mention « à donner » dès le départ. Entre un centre de dons communautaire qui refuse de prendre possession des meubles que vous lui offrez gratuitement (oui, oui, oui) et un particulier qui vient cueillir le lot avec le camion de son beau-frère, plusieurs préfèrent la seconde option.

Cette expérience m’a aussi fait comprendre que certains beaux objets n’ont plus aucune valeur. En fait, ils en ont pour ceux qui ont l’œil : les antiquaires ou les brocanteurs qui passent leurs journées sur ces plateformes à la recherche de véritables trésors.

Nous avons tenté pendant plusieurs jours de vendre un mobilier de salle à manger fabriqué par un ébéniste dans les années 1970. Cet ensemble coûterait une fortune de nos jours. L’intérêt fut archi nul. Un amateur de beaux meubles a finalement mis la main dessus pour une bouchée de pain. Il était fou comme un balai.

Depuis quelques années, les magasins d’antiquités disparaissent les uns après les autres. Pour aller où, pensez-vous ? Sur ces plateformes où ils proposent des objets en pièces détachées. Le plaisir de chiner dans des magasins poussiéreux au fond d’une cour et d’y découvrir des objets que l’on peut palper et humer à sa guise est devenu rare.

La belle époque des années 1970 et 1980 où l’on pouvait, comme les personnages du roman Le matou, découvrir une vieille armoire dans le fond d’une grange est vraiment révolue. Aujourd’hui, ça se passe surtout sur le web.

Un bon nombre de « brocanteurs virtuels » utilisent donc ces sites pour revendre des objets qu’ils ont souvent dénichés... sur d’autres sites. Les prix peuvent alors grimper en flèche. On appelle ça la « gentrification d’objets ».

La vente des objets d’occasion sur le web a toutefois quelque chose d’extrêmement positif : elle est excellente pour l’environnement. En vendant ou en offrant gratuitement des meubles, des outils ou des articles de cuisine à d’autres, on limite la fabrication de nouveaux objets qui vont éventuellement prendre le chemin des sites d’enfouissement.

Reste toutefois la question des moyens de livraison ou de transport.

Les plateformes de revente sont un maillon solide de l’économie de seconde main. Selon le 5e rapport Indice Kijiji, publié en 2019 (offert sur le site de l’Observatoire de la consommation responsable de l’UQAM), les Canadiens ont donné une deuxième vie à 2,4 milliards d’objets en 2018. C’est 250 millions d’objets de plus qu’en 2014.

Et parmi les articles les plus vendus se trouvent les chaussures et les vêtements, qui représentent 30 % de tous les objets d’occasion vendus.

Bref, si la revente ou la recherche d’objets peut être un énorme divertissement, un passe-temps relaxant ou une source de frustrations et de tracas (attention aux arnaqueurs), reste qu’elle fait maintenant partie de notre réalité.

Depuis le début de la pandémie, beaucoup de gens ont découvert le plaisir (à peine coupable) des plateformes de revente d’objets usagés. À défaut d’obtenir un juste prix ou d’y trouver des trésors, vous aurez un fun noir à lire certaines annonces.

Mes préférées sont celles qui sont éclatantes de vérité, comme celle-ci (un véritable classique) au sujet d’une Mazda : « Achète pas ça comme premier char. Je te le dis, tu vas sacrer. Mais si t’es manuel et t’as le gout de gosser à quatre pattes un dimanche après-midi, c’est pour toi ! »

Le vendeur propose ensuite de négocier le prix autour d’un Subway. « On va pouvoir se jaser de la vie et peut-être développer une complicité extraordinaire. Veux-tu un char pis un ami ? Penses-y ! »

Une amitié d’occasion et une voiture usagée pour 600 $, je reconnais que c’est une aubaine !