La baguette française et le thé chinois s’intègrent à la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO. Au total, 140 pays affichent au moins un plat, un mets ou un ingrédient dans cette prestigieuse liste, mais pas le Canada. Or, nous avons un plat qui nous représente bien et qui mériterait une telle reconnaissance.

La baguette, les techniques traditionnelles de transformation du thé en Chine et 46 autres éléments gastronomiques, dont le rhum de Cuba, ont fait leur entrée sur la liste du patrimoine immatériel de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture cette année. L’UNESCO, qui fait la promotion de la paix par l’intermédiaire de la science et de la culture, honore ainsi le savoir gastronomique du globe. La pizza napolitaine, le kimchi coréen ainsi que la bière belge ont aussi reçu cette marque de notoriété par le passé.

On connaît l’UNESCO surtout pour l’attribution de titres honorifiques de patrimoine mondial à des sites géographiques. Il y en a 20 au Canada ; le Vieux-Québec, la ville de Lunenburg en Nouvelle-Écosse, le canal Rideau à Ottawa et le parc national de Banff en Alberta ont reçu cet honneur. Ces sites du patrimoine mondial constituent des zones désignées spécialement dans le but de préserver des lieux d’importance culturelle, naturelle et historique.

Mais l’UNESCO exalte aussi l’aspect immatériel dans nos cuisines en valorisant les traditions culinaires qui méritent d’être reconnues. Recettes, plats, inventions alimentaires, tout y passe. L’objectif est de souligner les connaissances artisanales et la culture entourant certains éléments incontournables de la table du monde entier.

Depuis 2008, l’UNESCO a ajouté 678 éléments sur sa liste du patrimoine immatériel. Le Canada n’a aucun plat ou produit sur cette liste, tandis que la France en compte 26 et la Chine, 43. Ce sont les deux pays qui détiennent le plus grand nombre d’éléments culinaires sur cette liste.

Contrairement à ces deux pays, notre tradition gastronomique n’a qu’une courte histoire. D’ailleurs, les États-Unis et l’Australie, qui sont de très jeunes pays, n’ont pas encore d’éléments sur la liste de l’UNESCO. Malgré la jeunesse de notre pays, une certaine tradition culinaire s’est installée et le « Nouveau Monde » a tout de même développé des ingrédients et des plats intéressants avec les années.

Le sirop d’érable, le pâté chinois, les barres Nanaimo, les queues de castor font partie de plusieurs listes consacrées à la reconnaissance de créations culinaires canadiennes. Mais le plat qui revient régulièrement en tête par chez nous est la fameuse poutine. Ce plat, perçu par certains comme disgracieux, devient un emblème de notre patrimoine gustatif, partout dans le monde, qu’on le veuille ou non.

La poutine aurait vu le jour en 1957 à Warwick, alors qu’un client demandait de mettre dans un même sac le fromage en grains et les frites. En 1964, à Drummondville, on sert pour la première fois une poutine en combinant trois ingrédients fondamentaux, les frites, le fromage en grains et la sauce. Certes, nous retrouvons un peu partout dans le monde des frites servies avec une sauce, mais les connaissances et le savoir-faire du fromage en grains constituent un procédé unique au monde. Ce cheddar caillé provenant du Québec a un parcours entièrement québécois qui n’a pas été clairement documenté. L’histoire du fromage en grains mérite une recherche plus approfondie, mais le plat qui a vraiment fait connaître le fromage en grains est la poutine. Depuis près de 70 ans, la poutine et le fromage en grains peuvent difficilement se dissocier.

L’UNESCO devrait se pencher sur les mérites patrimoniaux de la poutine et du fromage en grains québécois. En mettant de côté nos esprits élitistes en cuisine, la contribution de ces deux éléments devient évidente. L’autre legs important du fromage en grains et de la poutine découle de l’origine de l’ingrédient et du plat. Les éléments intangibles reconnus par l’UNESCO qui proviennent de régions ou de villages sont rarissimes. La grande majorité des éléments figurant sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO a son origine dans les villes importantes ou les grands centres urbains. Les tendances s’amorcent souvent dans les villes. On assiste rarement à l’arrivée de plats créés en région rurale pour influencer les menus de restaurants dans les grands centres urbains.

L’art de la pizza napolitaine, qui regroupe trois ingrédients élémentaires, tout comme la poutine, a reçu ses titres de noblesse par l’UNESCO en 2017. Une autre raison pour laquelle la poutine et le fromage en grains québécois devraient appartenir à la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Le hic, une inscription sur cette liste ne peut être proposée que par un État partie à la Convention de 2003 de l’UNESCO sur le patrimoine immatériel, et le Canada n’a malheureusement pas ratifié la Convention à ce jour. Dommage.