Le diplôme du secondaire a-t-il la même valeur au Québec et au Canada anglais ? Que dire des examens ministériels obligatoires ?

Mes deux chroniques sur l’effet des épreuves standardisées ont suscité beaucoup de réactions, notamment de la part d’enseignants, de directeurs d’école et de chercheurs universitaires.

Au Québec, écrivais-je, les épreuves du ministère de l’Éducation (MEQ) en 4e et en 5e secondaire comptent pour une grande part de la note finale, alors que dans plusieurs provinces, elles sont facultatives ou inexistantes, ce qui pourrait hausser leur taux de diplomation.

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Pendant la pandémie, l’annulation de ces épreuves uniques au Québec a laissé aux seuls enseignants la responsabilité de la note finale, et cette annulation semble avoir eu pour effet de doper la réussite dans certains centres et commissions scolaires, notamment anglophones.

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Les avis des lecteurs sont partagés. Certains jugent qu’il faut éliminer toute forme d’épreuves uniques, même celles de la fin du secondaire qui sanctionnent les études. D’autres croient plutôt qu’elles sont essentielles.1

« Les examens du MEQ ne se basent pas sur les besoins et objectifs des élèves, mais sur des statistiques de comparaison avec d’autres élèves. La meilleure chose à faire pour le MEQ serait de laisser l’évaluation aux enseignants sans compter les examens du MEQ dans la note finale. De cette façon, il permettrait un progrès énorme et juste de la réussite », m’écrit notamment André Lemieux, professeur en organisation scolaire à l’UQAM.

Le professeur en administration de l’éducation Guy Pelletier, de l’Université de Sherbrooke, ne partage pas cet avis. « L’abolition ou l’absence d’épreuves uniques reposent le plus souvent sur une conception généreuse de l’éducation cherchant à remettre à plus tard des formes de sélection/orientation des élèves. Toutefois, si elles ne se manifestent pas lors des études secondaires, elles se réaliseront lors des études collégiales et universitaires. »

Il donne l’exemple de la Belgique, qui n’a pas d’examens de fin d’études secondaires. « C’est lors des deux premières années universitaires que l’on assiste à une véritable hécatombe », explique-t-il.

Selon lui, malgré leurs limites, les épreuves uniques fournissent des informations pertinentes sur l’état des apprentissages des élèves, tant pour le Ministère que pour les écoles et les parents.

Manon Beausoleil a été enseignante au Québec durant 35 ans, en plus de participer à la rédaction d’examens du Ministère. « Ces épreuves sont indispensables pour bien évaluer le niveau d’apprentissage des élèves. Cette uniformisation de l’examen et de la correction stimule enseignants et élèves à respecter les exigences des programmes », fait-elle valoir.

Claude Beaulieu, ex-directeur d’une polyvalente au Québec, estime que le problème de notre système d’éducation tient au régime pédagogique. « Ce régime est trop rigide et nuit à la créativité. Il ne favorise pas l’apprentissage, mais l’obtention d’unités de diplomation. Ce genre de régime n’existe pas en Ontario, de là un meilleur taux de diplomation », m’écrit-il.

Certains lecteurs expliquent la meilleure notation des élèves anglophones du Québec non pas par le fait que les enseignants sont moins sévères, mais par la meilleure approche des parents et du réseau.

« Je travaille en éducation avec des francophones, des anglophones et des allophones. La réussite accrue des anglophones et de bon nombre d’allophones tient à mon avis essentiellement au soutien des parents et à l’importance qu’ils donnent à l’implication et à l’effort. Cela se traduit en classe comme à la maison (études et devoirs) et, par conséquent, dans les résultats », soutient Louise Primeau, conseillère au Centre de formation du transport routier de Saint-Jérôme.

Natalie Dahlstedt, de son côté, enseigne « en ligne » au secondaire depuis plus de sept ans, soit bien avant la pandémie. « Les enseignants du milieu anglophone ont reçu des formations pour faire l’enseignement en ligne dès juin 2020, bien avant les enseignants du milieu francophone », dit Mme Dahlstedt, qui travaille pour l’organisme qui a offert ces formations (LEARN Québec).

« Lorsqu’on sort de la Belle Province pour aller voir ce qu’il y a de disponible en enseignement en ligne dans notre beau Canada, c’est à ce moment qu’on réalise que le Québec est loin derrière en matière de formation en ligne, tant chez les élèves que chez les enseignants », m’écrit-elle.

Loi 96 et travaux en anglais

Cela dit, certains s’inquiètent des effets de la pandémie sur la formation des jeunes, dont cette enseignante d’un cégep anglophone qui demande de rester anonyme. « Mes élèves, diplômés du secondaire depuis le début de la pandémie, me disent que pour réussir leurs cours de français langue seconde au secondaire, ils n’avaient qu’à être présents, sous-entendant que peu importe s’ils faisaient les travaux ou non, ils passaient ! Ça augmente assez vite un taux de réussite ! », révèle-t-elle.

« Avec l’adoption de la loi 96, notre DG cherche déjà des moyens d’amoindrir l’impact des cours en français sur les étudiants en discutant avec le Ministère pour que les étudiants puissent remettre leurs travaux en anglais. Il ne faudrait pas que notre taux de diplomation diminue ni que les moyennes baissent ! », ajoute-t-elle.

Andrée-Anne Clermont, professeure de français et littérature dans un grand cégep montréalais, ne voit pas comment notre système pourrait être trop exigeant.

Un grand nombre de nos élèves ont des lacunes très importantes en français et ils peinent à atteindre les objectifs pour l’obtention de leur diplôme. Pourtant, ce que nous attendons d’eux n’est pas démesuré. Ces lacunes en langue ont un impact dans leurs autres matières.

Andrée-Anne Clermont, professeure de français et littérature

« Je me demande même souvent comment il est possible qu’ils aient obtenu un diplôme d’études secondaires. Cet hiver, par exemple, j’ai enseigné à une centaine d’élèves dont plusieurs n’avaient pas les compétences minimales pour réussir au collégial et qui n’y sont entrés qu’en raison de la levée des épreuves ministérielles au secondaire pendant la pandémie », m’écrit-elle.

Mon avis de chroniqueur ? Ces débats sur l’éducation ne sont pas stériles, quoi qu’en pensent certains, mais tout à fait sains. Ils nous forcent collectivement à nous améliorer, pour peu que nous puissions avoir des données probantes pour juger de la situation.

1. Les témoignages des lecteurs ont été condensés par souci de concision.