La nouvelle a fait peu de bruit mardi, mais l’annonce était pourtant immense. L’Université de Montréal a reçu un don de 159 millions de la fondation de Jacques Courtois pour la création d’un nouvel institut consacré à la recherche fondamentale en sciences. Il s’agit du plus important don de l’histoire pour l’établissement et du troisième don en importance jamais fait à une université canadienne, rien de moins.

« Un don comme les grandes universités Harvard ou Oxford peuvent en recevoir et qui marque un signal important. On espère que cette annonce aura un effet d’émulation », s’exclame au bout du fil Daniel Jutras, recteur de l’Université de Montréal.

Le recteur était d’autant plus comblé par cette annonce que l’université venait tout juste de se faire offrir il y a quelques semaines un don historique de 40 millions de Québecor et de la Fondation Chopin-Péladeau, de Pierre Karl Péladeau.

Ce legs de 40 millions va permettre la création du programme Millénium Québecor pour la formation de la relève entrepreneuriale au Québec et la construction d’un centre d’innovation, le nouveau pavillon Pierre-Péladeau, en l’honneur du fondateur de Québecor.

« On vit de beaux moments. En quelques semaines, on vient de recevoir deux dons historiques. On a encore beaucoup de choses à faire et cela nous donne des ressources pour les réaliser.

« Le don de 159 millions de la Fondation Courtois va permettre à l’Université de Montréal de pousser beaucoup plus loin la recherche fondamentale en sciences et de réaliser la phase II du Complexe des sciences et la création de l’Institut Courtois », souligne le recteur Daniel Jutras.

PHOTO ÉRIC CARRIÈRE, FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Illustration de la phase II du Complexe des sciences de l’UdeM

Si cette fièvre philanthropique est fort bienvenue, il faut souhaiter qu’elle devienne davantage contagieuse pour toucher un nombre toujours plus important de donateurs au sein de la communauté des gens fortunés du Québec.

Le don de 159 millions de la Fondation Courtois est le troisième don en importance de l’histoire de la philanthropie universitaire canadienne.

Il y a trois ans, la Fondation John et Marcy McCall MacBain réalisait un don de 200 millions à l’Université McGill pour le lancement d’un programme de bourses d’études supérieures.

Il y a deux ans, la faculté de médecine de l’Université de Toronto a reçu un don de 250 millions de la Fondation Temerty, pour la recherche, l’innovation et la construction d’un bâtiment consacré à l’enseignement et la recherche.

Le don de la Fondation Courtois s’inscrit donc dans la foulée de ce mécénat de haute voltige qui est historiquement pratiqué de longue date au Canada anglais.

Mais il reste beaucoup de chemin à accomplir pour pouvoir un jour atteindre l’envergure des fonds de dotation des établissements universitaires canadiens-anglais. Ainsi, le fonds de dotation de l’Université McGill est aujourd’hui de l’ordre de 1,9 milliard, celui de l’Université de Toronto dépasse le cap des 4 milliards, alors que celui de l’Université de Montréal ne totalise que 350 millions.

La Fondation Courtois

Peu connu au Québec, Jacques Courtois, qui a mis sur pied la Fondation Courtois en 2011, a fait fortune en Amérique latine où il a cofondé Quala, un leader sud-américain dans la fabrication et la distribution de produits de consommation de masse (boissons, soins personnels, alimentation, collations…).

Fils de l’avocat montréalais bien connu Jacques Courtois, qui a notamment été président du Canadien de Montréal de 1972 à 1979 et gagnant de cinq Coupes Stanley, le financier entrepreneur a résolument décidé de redonner à la collectivité.

Les universités américaines comme Harvard peuvent compter sur des fonds de dotation de 50 milliards. Même si j’ai fait mes études à McGill, j’ai voulu redonner à l’Université de Montréal pour que les étudiants francophones puissent avoir accès à des fonds pour aller plus loin.

Jacques Courtois

Fait à préciser, Jacques Courtois a été accusé et condamné aux États-Unis, au début des années 1980, à six mois de prison pour des délits d’initié, commis entre 1975 et 1978, alors qu’il était vice-président au département des fusions et acquisitions de la firme Morgan Stanley.

En entrevue, M. Courtois n’a pas voulu commenter ces évènements survenus il y a plus de 40 ans et l’Université de Montréal confirme qu’elle avait connaissance de ces faits dès le début de sa relation avec le philanthrope il y a plus de deux ans.

Sa fondation a été créée il y a 11 ans et s’est bonifiée de façon importante entre 2016 et 2019, passant de 7,8 millions à 23 millions, puis 41 millions pour atteindre 190 millions en 2019.

« On a vendu en 2018 une de nos divisions de produits de masse à la multinationale Unilever qui cherchait à nous acquérir depuis longtemps. Je reçois encore des dividendes de cette transaction et c’est pourquoi on a aujourd’hui plus de 300 millions.

« Quala est encore très active, notre division de soins personnels, notamment. Les shampoings sont toujours numéro 1 au Mexique et dans plusieurs pays d’Amérique latine », souligne Jacques Courtois.

Pour la recherche fondamentale

Si le cofondateur de Quala gère depuis plusieurs années ses affaires à partir de Montréal, il s’est intéressé de plus en plus aux questions environnementales et a tissé des liens avec des scientifiques de plusieurs disciplines.

Je suis pour la recherche fondamentale. Les gouvernements n’osent pas financer cette recherche parce qu’on n’est pas certain des résultats. Moi, je peux prendre des risques et c’est pourquoi j’ai voulu faire un don significatif. Il y en aura d’autres.

Jacques Courtois

La Fondation Courtois a décidé d’accorder 100 millions à la construction d’un nouvel institut de recherche et 59 millions à la création de six chaires dans les domaines de la chimie, de l’intelligence artificielle, des nouveaux matériaux ainsi que de la physique et de l’informatique quantiques.

Les gens d’affaires financent l’art et la culture, mais la science fait partie de la culture, alors j’ai décidé de m’y impliquer pour permettre à de jeunes chercheurs de développer leurs projets et ne pas attendre d’être reconnus pour pouvoir bénéficier de fonds de recherche, précise le philanthrope de 74 ans

Également impliqué dans le financement de projets universitaires à McGill et à l’UQAM, Jacques Courtois compte bien continuer à faire des dons pour rendre le monde de demain plus vivable. Visiblement, il a décidé de redonner.