Ce qui m’amène à vous parler de la qualité de nos routes, de nos écoles et de nos infrastructures, par opposition aux coûts. Et à vous donner l’exemple du prolongement de la ligne de métro bleue, à Montréal, pour lequel j’ai obtenu une étude en exclusivité.

Le « ce » fait référence au dossier de samedi dernier, dans lequel je présentais les projets qu’on pourrait s’offrir avec les 10 milliards que coûtera le REM de l’Est, à Montréal, ou encore le projet de troisième lien à Québec.

Ces investissements totalisant environ 20 milliards sont l’équivalent des parcs résidentiels des villes de Saguenay et de Terrebonne mis ensemble, y écrivais-je. Ou encore l’argent qu’il faudrait pour retaper les 46 % de routes ET les 56 % d’écoles qui sont jugées en mauvais ou en très mauvais état.

Ceux qui me lisent pourraient être étonnés de m’entendre parler de qualité, alors que j’ai toujours eu une obsession pour les coûts. Mais les deux ne s’opposent pas nécessairement, sachant qu’une infrastructure mal foutue finira par coûter davantage à long terme, étant donné sa dégradation plus rapide.

Pensez au vieux pont Champlain, ou encore à certaines stations de métro de la ligne bleue, qui se sont détériorées bien trop rapidement, avec les conséquences sur les coûts de réfection.

Bref, les politiciens doivent penser qualité-prix, bien qu’il s’agisse d’un concept plutôt difficile à vendre, parce que flou. Et parce qu’une grosse facture qui augmente, même si c’est pour améliorer la qualité, c’est très difficile à défendre.

La ligne bleue comparée

À ce sujet, donc, j’ai mis la main sur un document comparant les coûts du prolongement de la ligne bleue à ceux de 11 autres projets de lignes de métro souterraines comparables dans le monde. Le document est un condensé d’un rapport du Transport Strategy Centre, du Collège impérial de Londres, qui compare le balisage des coûts de construction.

Les récentes estimations pour le prolongement de la ligne bleue (6 stations) s’élevaient à 6,9 milliards de dollars. Un groupe d’experts a revu le projet le printemps dernier et trouvé des pistes de réduction des coûts qui pourraient atteindre 1,2 milliard. Le rapport déposé en juin est toujours en cours d’analyse au ministère des Transports du Québec.

Lisez l’article « Prolongement de la ligne bleue : un coup de ciseaux de 1,2 milliard »

Selon l’étude du Transport Strategy Centre, donc, le prolongement de la ligne bleue revient à 412 millions US par kilomètre, si l’on s’en remet aux estimations de 6,9 milliards CAN1.

La moyenne des autres projets ? Quelque 360 millions US par kilomètre, avec un écart qui va de 250 millions à 1,2 milliard de dollars américains par kilomètre, selon les projets. Bref, Montréal est plus cher que la moyenne.

Mais voilà, toujours selon l’étude, c’est l’acquisition des terrains et des bâtiments du trajet de la ligne bleue à Montréal – en milieu urbain et commercial – qui explique le gros de la différence des coûts par rapport aux autres.

À quel point différent ? Jugez-en : à Montréal, les terrains et immeubles du trajet qu’il faut acheter coûtent l’équivalent de 126 millions US par kilomètre, selon l’étude, loin devant les deux suivants comparés (70 millions et 35 millions par kilomètre).

Autrement dit, en retranchant ces coûts incompressibles, le projet de prolongement de la ligne bleue reviendrait à 285 millions US par kilomètre, soit au 10e rang parmi les 12 projets comparés. La moyenne tourne autour de 425 millions US par kilomètre.

Bref, avant même la compression des coûts par les experts, notre projet serait parmi les plus cheaps au monde ! Devrait-on en être fier ? Pas sûr, sachant l’effet des bas coûts sur la dégradation future ou encore l’impact sur le paysage.

Ce document d’analyse confidentiel a été produit par la STM et il faut donc se garder une certaine réserve en tirant nos conclusions.

N’empêche, ce document, jumelé à la dégradation avancée de nos routes et de nos écoles, nous amène à réfléchir sur la qualité de nos infrastructures. Sur l’idée qu’il faut en faire moins, mais mieux, tant du point de vue de la résistance que de celui du design.

1. La comparaison avec les autres projets est faite en dollars de 2016.

Sur l’art de diriger

Un mot sur le décès du PDG d’Olymel, que je ne connaissais pas, mais surtout sur la note qu’il a transmise aux membres de la direction de l’organisation, peu avant sa mort à la suite d’un cancer fulgurant.

Olymel n’a pas eu la partie facile, ces derniers mois, plombée par un long conflit de travail à son usine d’abattage de porcs de Vallée-Jonction, en Beauce. Le conflit s’est finalement réglé, fin août, mais il avait failli mener à la fermeture d’un quart de travail et à la suppression de 500 postes.

Des extraits de la lettre de Réjean Nadeau, rendue publique par l’entreprise, illustrent les défis des gestionnaires modernes. Elle nous fait prendre conscience des difficultés de diriger, de soupeser les options avant de trancher, d’affronter le mécontentement des employés, des clients ou des fournisseurs, de se remettre en question, bref, d’être ce que certains appellent encore le « méchant patron ».

Que dit donc Réjean Nadeau sur l’art de diriger ? « Soyez attentifs à vos collègues, souriez, questionnez votre attitude et votre façon de diriger, ouvrez-vous aux changements : ils seront tantôt technologiques et feront évoluer notre modèle d’affaires ; tantôt vous verrez notre vieux modèle présentiel devenir hybride ; tantôt la voie de la croissance et du développement provoquera encore et à nouveau des chocs sur l’organisation et finalement, la direction connaîtra un nouvel essor sous une nouvelle gouverne. Ce sont autant de défis que je vous sais capables de relever, telle une famille tissée serré », a-t-il écrit.

Sous la gouverne de Réjean Nadeau, rappelle le communiqué de l’entreprise, Olymel a été lauréate de sept prix Mercure entre 2011 et 2019, dont celui de la Grande entreprise de l’année en 2013. Cette année-là, Réjean Nadeau avait accédé au Temple de la renommée de l’Association des détaillants en alimentation du Québec. Et en 2016, il a eu droit au Prix Hommage Grand Bâtisseur du Mouvement Desjardins.

Mes condoléances aux proches de Réjean Nadeau.