Le CN vient de se casser les dents dans sa tentative de doubler le CP pour devenir le premier réseau ferroviaire nord-américain avec un ancrage continental reliant le Canada aux États-Unis et au Mexique, mais l’entreprise montréalaise a devant elle de belles occasions d’expansion dans le Nord québécois, avec le projet Qc Rail pour relier Dolbeau-Mistassini à Baie-Comeau et le projet de la Grande Alliance pour construire une voie ferrée le long de la route Billy-Diamond, de Matagami jusqu’au kilomètre 257, à la Baie-James.

Maintenant que la saga entourant l’acquisition du réseau de Kansas City Southern a pris fin avec le désistement du Canadien National (CN) et la conclusion d’une entente entre le transporteur ferroviaire américain et le Canadien Pacifique (CP), il est temps pour le CN de tourner la page et de passer à autre chose.

Ça tombe bien, puisque deux projets de nouvelles lignes de chemin de fer dans le nord du Québec font justement l’objet d’études de faisabilité et pourraient très bien ouvrir de nouvelles occasions pour le transporteur ferroviaire montréalais.

Mardi, les promoteurs du projet Qc Rail ont annoncé qu’ils avaient retenu la firme SNC-Lavalin pour réaliser une étude de faisabilité en vue de la construction d’un nouveau lien qui permettrait de compléter un corridor ferroviaire qui relierait le Canada central au port en eau profonde de Baie-Comeau, en ajoutant un tronçon de 370 kilomètres de voie ferrée entre Dolbeau-Mistassini et la Côte-Nord.

L’idée est de créer une autoroute ferroviaire du Nord qui contournerait le réseau déjà fort engorgé du CN dans le Sud pour permettre aux producteurs de fertilisants, de blé, de produits miniers et forestiers de l’Ouest canadien d’acheminer plus rapidement et directement leurs chargements vers les marchés de l’Europe, via le port de Baie-Comeau.

Au départ, les promoteurs de Qc Rail, essentiellement les intervenants économiques de la MRC de Manicouagan, voulaient construire un lien ferroviaire vers le Nord, pour favoriser l’exploitation de gisements miniers liés à la filière des batteries au lithium, notamment de zinc et de graphite.

Mais on s’est vite rendu compte que ce nouveau corridor pourrait aussi devenir fort utile pour les producteurs et exportateurs de matières premières du Canada central tout en permettant la mise sur pied d’un centre de logistique portuaire à Baie-Comeau dans la baie des Anglais.

La Côte-Nord a déjà deux liens ferroviaires nord-sud exploités par les sociétés IOC et ArcelorMittal pour leurs propres besoins. Les évaluations préliminaires du coût de construction d’un troisième lien multiusage sont de 2 milliards, un investissement qui pourrait être en partie absorbé par ses principaux utilisateurs.

Développement de la Baie-James

L’autre projet de lien ferroviaire nordique dans lequel le CN pourrait trouver son compte est celui que veulent implanter les partenaires de la Grande Alliance, soit la Nation crie et le gouvernement québécois, qui a établi un protocole d’entente visant à assurer un développement stratégique, prévisible et durable du territoire cri.

Outre la mise à niveau de plusieurs routes d’accès de différentes communautés cries à la route Billy-Diamond, qui part de Matagami pour monter jusqu’à Radisson, à la Baie-James, la Grande Alliance prévoit la construction d’une voie ferrée reliant Matagami au kilomètre 257, situé plus au nord, pour donner accès aux nombreuses sociétés minières qui sont implantées dans la région.

La Grande Alliance projette aussi un retour en service de la ligne de chemin de fer entre Lebel-sur-Quévillon et Chapais, un tronçon stratégique qui fait également partie du plan de développement du groupe Qc Rail. Dans les deux cas, la participation et le savoir-faire du CN sont évidemment souhaitables.

L’ensemble du projet de la Grande Alliance, chapeauté par la Société de développement crie, est estimé à 4,7 milliards, un investissement qui doit s’échelonner jusqu’en 2050 et qui sera financé en partie par les entreprises qui profiteront des nouvelles infrastructures mises en place.

Si le Sud n’a pas été le Pérou attendu pour le CN, le Nord pourrait très bien lui donner l’occasion de hausser son achalandage et son efficacité dans la gestion de son réseau pancanadien.

On répète depuis des décennies maintenant, depuis la dure époque de la colonisation au XIXsiècle, combien l’occupation du territoire est importante au Québec, mais il faut aussi maximiser l’utilité de ce territoire et les deux projets de nouveaux liens ferroviaires s’inscrivent tout à fait dans cette optique de développement stratégique.

Une autre belle façon de mieux utiliser le territoire que l’on cherche à occuper serait d’assurer un lien beaucoup plus direct et fluide avec la Côte-Nord en mettant de l’avant une fois pour toutes la construction d’un pont pour franchir le Saguenay entre Baie-Sainte-Catherine et Tadoussac.

Mon plus récent passage dans cette magnifique région, il y a deux semaines, m’a valu des attentes de plus de deux heures pour franchir la belle rivière Saguenay, d’un côté comme de l’autre. La Côte-Nord mérite beaucoup mieux que ça.