Le Québec recense quelque 28 000 fermes de tailles et de productions diverses. Si on assiste à l’émergence de nombreuses petites exploitations agricoles bios ou de proximité, la réalité économique est que ce sont moins de 30 % des fermes québécoises qui produisent près de 80 % des denrées que l’on retrouve en épicerie. On vous propose de découvrir quelques-unes de ces grandes entreprises agricoles intégrées et diversifiées du Québec.

(Lac-Brome) Mario Côté a commencé comme producteur agricole à l’âge de 16 ans à la suite de la mort de son père en reprenant les rênes de la ferme familiale et de son cheptel de 3000 porcs. Aujourd’hui, Groupe Mario Côté exploite plus de 300 fermes, produit 1 million de porcs par année, gère deux abattoirs et une usine de découpe, est propriétaire de l’entreprise Les Canards du Lac Brome, exploite quatre meuneries, une entreprise de transport et une de construction de bâtiments de ferme. « J’ai du plaisir à faire ça, j’aime développer », avoue humblement l’entrepreneur agricole.

Mario Côté ne veut surtout pas que l’on braque les projecteurs sur lui et sur son entreprise. C’est avec beaucoup d’hésitation qu’il accepte finalement de me rencontrer.

« Je ne veux pas paraître flamboyant ou comme un gars qui se vante, ce n’est pas mon genre. C’est toute une équipe qui est derrière le Groupe Mario Côté, ça ne se fait pas tout seul », précise-t-il.

C’est dans le village de Stoke, en Estrie, que Groupe Mario Côté est né et c’est de là que sont supervisées encore aujourd’hui les activités quotidiennes du groupe, mais c’est à Knowlton (Lac-Brome), au siège social des Canards du Lac Brome, que Mario Côté me reçoit.

« Je suis toujours en mouvement. Chaque jour, je visite deux de mes entreprises. Une le matin et l’autre l’après-midi. Je vis dans ma camionnette, c’est mon bureau », m’explique-t-il, avant de prendre une pause pour suivre les cours des denrées à l’ouverture des marchés.

« Tous les jours, je vérifie les cours des grains et du porc et je prends des positions pour me couvrir [hedger] quand c’est nécessaire », poursuit Mario Côté.

C’est que le développeur agricole a toujours été un acheteur. Dès qu’il a débuté dans le métier, il a repris le commerce de porcelets que son père avait démarré. Il faisait le tour des fermes de la région pour acheter des porcelets pour les revendre ou les engraisser.

« Les gens avaient de l’empathie parce que j’étais jeune. Ça m’a permis de connaître beaucoup de fermiers dans la région, de me faire des contacts », relate Mario Côté.

Développer en intégrant

Lorsque le commerce des porcelets a été freiné pour des raisons de biosécurité, Mario Côté a construit une première maternité, puis il s’est mis à acheter des fermes aux alentours de Stoke et à construire des bâtiments pour abriter son cheptel en expansion.

Aujourd’hui, Groupe Mario Côté est propriétaire de plus de 300 fermes et a fondé l’entreprise Verte Estrie qui construit des bâtiments de ferme, plus de 200 depuis sa fondation, dont le tiers pour des clients de l’extérieur.

Groupe Mario Côté produit aujourd’hui 1 million de porcs par année, ce qui représente 12 % de la production totale québécoise, après Olymel qui est responsable de 80 % de la production locale.

Parallèlement à l’élevage porcin, Mario Côté a voulu intégrer verticalement ses activités en produisant lui-même sa moulée. Le groupe exploite aujourd’hui quatre meuneries, à Saint-Hugues, à Sainte-Hélène, à Yamachiche et à Compton.

Ces quatre entités produisent 9000 tonnes de moulée par semaine qui permettent de nourrir à 100 % le million de porcs du groupe et les 2 millions de canards, tout en produisant des excédents qui sont vendus sur le marché.

Groupe Mario Côté est aussi propriétaire de deux abattoirs de porcs, un aux Cèdres et un autre à Sainte-Hélène, ainsi que d’une usine de découpe de produits de spécialités à Montréal. Ces installations ne sont pas suffisantes pour absorber la production de 1 million de porcs et c’est pourquoi le groupe fait affaire avec l’abattoir ASTA, de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, qui transforme 50 % de sa production annuelle.

Enfin, pour assurer le va-et-vient constant entre toutes les différentes entités qui permettent cette intégration verticale, Groupe Mario Côté a mis sur pied sa propre entreprise de transport qui totalise une centaine de camions qui sillonnent les routes quotidiennement.

Les Canards du Lac Brome

Comment ce producteur de porcs en est-il venu à s’intéresser à l’élevage et la transformation de canards ?

« C’est une opportunité qui s’est présentée. On vendait de la moulée aux Canards du Lac Brome et quand j’ai appris que le propriétaire voulait vendre, je me suis associé à un producteur américain pour les racheter en 2005 », relate Mario Côté.

Groupe Mario Côté a racheté le partenaire américain il y a deux ans après avoir installé l’usine de transformation de Knowlton, détruite par le feu en 2016, à Val-des-Sources (Asbestos).

Dès qu’on a acheté en 2005, j’ai tout reconstruit. On faisait trois nouveaux bâtiments par année. On en a aujourd’hui 18 qui font 350 pieds sur 40. C’est ici que les canes font la ponte et on a construit une couveuse et un centre de distribution. Les canards sont élevés dans 14 fermes des environs, dont 80 % nous appartiennent.

Mario Côté

« On produit actuellement entre 2,2 et 2,4 millions de canards par année. On pourrait se rendre à 3 millions, mais il nous manque de personnel à l’usine d’abattage », déplore Mario Côté.

Au total, 300 personnes travaillent pour Les Canards du Lac Brome, dont 175 à l’abattoir de Val-des-Sources. Les activités porcines et agricoles de Groupe Mario Côté tiennent occupés plus de 1000 employés, dont une centaine de travailleurs saisonniers d’Amérique centrale.

« Nos travailleurs immigrants travaillent dans nos fermes. On leur offre de bonnes conditions de logement et une voiture pour qu’ils fassent leurs commissions », insiste l’entrepreneur.

Au fil des ans, Mario Côté a intégré cinq de ses huit enfants dans les activités diversifiées du groupe. À 60 ans, il souhaite leur léguer une entreprise en santé et en croissance.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Mario Côté

« J’aurais pu les installer chacun dans une ferme, mais on veut créer une entreprise québécoise de taille, c’est important qu’on développe des entreprises familiales en agriculture », souligne Mario Côté.

Charles-Antoine, l’aîné de 31 ans, est le bras droit du paternel et supervise l’ensemble des activités du groupe. Léandre s’occupe de tout l’équipement : la centaine de camions, le parc de tracteurs, les instruments agricoles. Pierre-Félix est le responsable de la culture des champs et de la rotation des sols, Jean-Philippe s’occupe de la logistique et du transport entre chacune des entités du groupe. Enfin, Julien est responsable de l’entreprise de construction Verte Estrie.

Et le chiffre d’affaires de cette entreprise de plus de 1000 employés ?

« C’est facile à compter. Un porc, c’est 300 $. Donc 300 millions de productions porcines et 50 millions de productions de canards », résume Mario Côté, qui sait manifestement bien compter.