Le coup de pouce des gouvernements tant attendu par l’industrie aéronautique a finalement été donné et ce sont trois grandes entreprises du secteur – dont deux sociétés américaines – qui sont les premières à en profiter. Il faut maintenant souhaiter que cette impulsion marque le départ d’un plus large mouvement et que nos entreprises utilisent pleinement les fonds que le gouvernement fédéral a engagés dans sa stratégie aéronautique.

Au-delà de la grande pompe et du caractère nettement électoraliste qu’a revêtu l’annonce de l’investissement commun de près de 700 millions d’Ottawa et de Québec dans des projets de développement de nouvelles technologies vertes pour le secteur de l’aéronautique, il faut surtout se réjouir que l’on réponde enfin aux besoins de l’industrie.

Depuis le choc brutal de mars 2020, lorsque l’industrie du transport aérien a été soudainement clouée au sol, les entreprises du secteur attendaient vainement un plan d’urgence qui leur permettrait d’espérer émerger de la crise sans trop perdre de plumes au passage.

Dans le dernier budget fédéral, ce sont des fonds dédiés de 2 milliards qui ont été consacrés à la relance d’industrie aéronautique canadienne, dont 1,75 milliard du Fonds stratégique pour l’innovation pour les grands projets d’investissement dans l’aviation durable et 250 millions dans l’initiative de relance régionale de l’aérospatiale.

Les investissements du gouvernement fédéral de 440 millions qui ont été annoncés jeudi – bonifiés par des investissements de 240 millions de Québec – serviront à financer des projets totalisant 1,8 milliard que réaliseront Bell Helicopter, CAE et Pratt & Whitney Canada pour le développement respectif de l’hélicoptère électrique, de technologies d’aviation verte et d’un moteur turbopropulsé hybride.

« Cela prenait un coup d’envoi et on a décidé d’y aller avec trois grandes sociétés qui sont de grands donneurs d’ordres même s’il y a deux sociétés américaines dans le groupe, cela va donner le signal à leurs fournisseurs et à d’autres entreprises du secteur d’aller de l’avant », anticipait jeudi matin François-Philippe Champagne, le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, lors d’une visite des installations de Pratt & Whitney à Longueuil.

On cherchait une fenêtre d’opportunité pour intervenir et l’aviation durable nous semblait être la voie tout indiquée pour soutenir notre industrie et assurer son rayonnement dans la région de Montréal, troisième pôle mondial de l’aéronautique.

François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie

Des fonds pour d’autres projets

L’engagement des gouvernements dans le secteur aéronautique ne se limitera pas à ces trois seuls projets annoncés jeudi. Il restera près de 1,3 milliard dans le Fonds stratégique pour l’innovation et d’autres entreprises établies au Québec pourront en bénéficier, dont Airbus, Bombardier ou Héroux-Devtek, a précisé le ministre Champagne.

Visiblement stimulé par l’annonce de cet investissement, le ministre a allègrement déambulé à l’usine de Pratt & Whitney en saluant au passage chacun des travailleurs qu’il croisait même s’ils s’affairaient à la fabrication de pièces ou à l’assemblage de moteurs d’avion.

Cette annonce commune du fédéral et de Québec survient au moment où l’industrie du transport aérien entreprend son décloisonnement progressif.

Chez Pratt & Whitney, qui emploie 5000 personnes dans ses installations de Longueuil, de Saint-Hubert et de Mirabel, la reprise graduelle des activités a entraîné au cours des dernières semaines le rappel de 250 des 600 travailleurs qui avaient été mis en disponibilité temporaire.

« On compte bien rapatrier bientôt la totalité de nos employés », m’a dit sur un ton convaincu Maria Della Posta, la PDG de Pratt & Whitney Canada.

La PDG de la division canadienne de la multinationale Raytheon Technologies estime essentiel pour la croissance à venir de l’entreprise le développement de technologies qui permettront la fabrication de turbopropulseurs hybrides, réduisant de 30 % l’utilisation de carburant.

Pratt & Whitney prévoit d’être en mesure de réaliser un premier vol de démonstration d’un appareil Dash-8 avec turbopropulseur hybride d’ici 2024 et l’investissement de 50 millions des deux ordres de gouvernement s’inscrit dans le financement de 162 millions du projet.

Pratt & Whitney Canada investit déjà en moyenne 500 millions par année en R & D. L’aide fédérale est remboursée à même des redevances perçues sur la vente des moteurs.

« On a développé au fil des ans 12 moteurs différents, de 500 livres à 20 000 livres de poussée, et homologué plus d’une centaine de modèles. C’est la diversité de notre portefeuille qui fait notre force. Le turbopropulseur hybride électrique est la première étape en vue de la fabrication de turboréacteurs hybrides électriques », espère la PDG.

Contrairement à l’industrie automobile qui est pleinement engagée dans la motorisation électrique, l’aéronautique amorce son virage vert et l’industrie québécoise doit faire partie du peloton de tête pour conserver son statut de leader au sein de l’industrie mondiale. Les moteurs hybrides vont commander des matériaux, des composantes et des systèmes plus légers et toute l’industrie doit adapter sa production pour rester au cœur de l’innovation.