Le Québec recense quelques 28 000 fermes de tailles et de productions diverses. Si on assiste à l’émergence de nombreuses petites exploitations agricoles bios ou de proximité, la réalité économique est que ce sont moins de 30 % des fermes québécoises qui produisent près de 80 % des denrées que l’on retrouve en épicerie. Au cours des prochaines semaines, on vous propose de découvrir quelques-unes de ces grandes entreprises agricoles intégrées et diversifiées du Québec.

(Saint-Wenceslas) Lorsque Robert Désilets a commencé, il y a 50 ans, la production d’œufs en s’installant sur sa ferme, ce fils d’agriculteur ne se doutait certainement pas que cette nouvelle activité allait donner naissance à un holding qui chapeaute aujourd’hui la production annuelle de plus de 100 millions d’œufs, une meunerie qui produit 65 000 tonnes de moulée par année, une entreprise de valorisation, Acti-Sol, qui commercialise annuellement 8000 tonnes de fumier de poule et, enfin, deux usines qui fabriquent de la moulée sèche et de la nourriture humide pour chiens et chats.

C’est ici, sur le Rang 6, à Saint-Wenceslas, dans le Centre-du-Québec, qu’est né le Groupe Inovo, maintenant dirigé par Claudia et Jean-Philippe Désilets, qui ont repris en 2015 les activités élargies de la ferme familiale, qui emploie aujourd’hui 80 personnes dans ses différentes divisions. La sœur et le frère sont partenaires égaux, et chacun dirige une entité du groupe, en plus de superviser les activités avicoles.

« Mon grand-père Lucien, un agriculteur classique, avait des vaches, des poules et faisait de la grande culture. Il a permis à plusieurs de ses enfants de se lancer dans la production en leur cédant une partie de sa terre et de ses activités.

« Mon père a hérité des poules. Il a commencé avec 5000 poules, et aujourd’hui, on en a plus de 400 000 dans de nombreuses fermes, dont Mont-Laurier, Bedford, Drummondville, Saint-Wenceslas et Desil-Eggs en Ontario. On est aussi associés à d’autres producteurs du Manitoba et du Nouveau-Brunswick, qui totalisent 200 000 autres poules », explique Jean-Philippe Désilets.

  • Le Groupe Inovo chapeaute la production annuelle de plus de 100 millions d’œufs.

    PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, LA PRESSE

    Le Groupe Inovo chapeaute la production annuelle de plus de 100 millions d’œufs.

  • Et qui dit millions d’œufs, dit aussi beaucoup de poules !

    PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, LA PRESSE

    Et qui dit millions d’œufs, dit aussi beaucoup de poules !

  • Journées bien remplies pour les employés.

    PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, LA PRESSE

    Journées bien remplies pour les employés.

  • La ferme familiale emploie d’ailleurs 80 personnes dans ses différentes divisions.

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    La ferme familiale emploie d’ailleurs 80 personnes dans ses différentes divisions.

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Claudia, l’aînée de 14 ans de son jeune frère, précise que son père était aussi un homme d’affaires avisé qui s’est impliqué très tôt dans l’entreprise Nutribec, qui était un producteur de moulée, un intrant majeur dans la vie d’un poulailler.

« Mon père est devenu président de Nutribec, qui exploitait trois meuneries. En 2004, il a racheté celle de Notre-Dame-du-Bon-Conseil et l’a reconstruite en entier à la suite d’un incendie majeur causé par un déraillement de train », poursuit Claudia Désilets. L’entreprise Nutri-Experts est aujourd’hui dirigée par Jean-Philippe.

Valorisation et production

C’est à la fin de ses études en finances et en marketing, lors d’un stage à Berlin, que Claudia et son père ont décidé d’acheter, il y a 25 ans, le brevet d’une technologie pour assécher les déjections de poule pour en faire du fumier.

« On n’avait pas de terres pour épandre notre fumier de poules. On a décidé alors de le récolter en faisant sécher les excréments des poules en 24 heures par une simple méthode de ventilation sans aucune source d’énergie. On l’ensache nous-mêmes.

« On produit aujourd’hui 8000 tonnes de fumier qui sert à la culture bio et on en vend beaucoup sous forme de boîte de lait en carton pour les horticulteurs », explique Claudia Désilets, qui est présidente d’Acti-Sol et qui poursuit le développement de l’entreprise en intégrant de plus en plus les algues cultivées comme nouveau fortifiant pour les sols.

L’activité de base d’Inovo reste quand même la production d’œufs. Le groupe a acheté au fil des ans beaucoup de quotas tout en reprenant les activités de producteurs qui voulaient se retirer.

« Mon père a aussi pris la bonne décision de faire l’élevage de ses propres poules plutôt que de les acheter. On a une ferme sur le rang qui ne fait que l’élevage des poussins à partir du jour 1 jusqu’à 19 semaines lorsqu’elles peuvent commencer à pondre. On fait l’élevage de 600 000 poules par année, on en vend à d’autres producteurs », résume Claudia.

Son frère, Jean-Philippe, ajoute : « Une poule va produire 26 douzaines d’œufs durant sa vie utile, 26 douzaines et demie, précise-t-il. À 71 semaines, la poule cesse sa production et sera transformée en poule de réforme par les grandes entreprises comme Olymel ou Maple Lodge. On va en faire des croquettes parce qu’elles sont trop âgées et qu’elles sont plus coriaces. »

Depuis quatre ans, Inovo a introduit la production d’œufs en volière pour donner plus de liberté aux poules et répondre aux demandes des consommateurs.

« On a deux fermes, ici, à Saint-Wenceslas, et à Mont-Laurier, où 60 000 de nos poules sont en volière. Sinon, elles sont logées en cage avec nid et perchoir », indique Claudia Désilets.

Poules de réforme et croquettes pour chiens

Le Groupe Inovo a pris un nouveau virage en 2019 en s’associant avec la famille Legault, propriétaire des magasins pour animaux Mondou, dans la mise sur pied de l’entreprise Jupiter et la construction d’une usine de moulée pour chiens à Drummondville, un investissement de 50 millions.

« On va commencer la production en novembre. On va commencer par produire 25 000 tonnes de croquettes pour chiens pour les marques privées. On s’est associés à la famille Legault parce qu’on a une expertise dans l’automatisation et la production de moulée, et eux sont des spécialistes de la vente.

« On amorce nos activités avec une ligne de production, mais l’usine a été construite pour qu’on en installe jusqu’à quatre, ce qui va représenter une production de 100 000 tonnes par année », avance Jean-Philippe Désilets.

Si, au départ, les poules de réforme du Groupe Inovo n’entrent pas dans la recette des croquettes pour chiens, le PDG de Nutri-Experts souhaite que ce soit le cas éventuellement. « On veut poursuivre le mouvement de l’économie circulaire et tout utiliser ce qu’on produit », convient-il.

En mars dernier, le Groupe Inovo et la famille Legault, par l’entreprise Jupiter, ont pris une participation majoritaire dans l’entreprise Food 4 Pets, qui produit de la nourriture humide pour chiens et chats à son usine d’Acton Vale. Là encore, la poule de réforme du Groupe Inovo sera appelée à faire partie de la recette.

« On est devenus une entreprise intégrée, et ma sœur et moi sommes davantage des gestionnaires, des gens d’affaires. On a un directeur général qui s’occupe des activités avicoles et des agronomes, mais jamais on ne voudrait perdre notre titre de producteur d’œufs, c’est la base de toutes nos activités », insiste Jean-Philippe Désilets.