Jean Raby, que certains voyaient à la tête de la Caisse de dépôt lorsque Michael Sabia a annoncé son départ de l’institution en 2019, a quitté son poste de PDG de Natixis Investment Managers en avril dernier et vient de prendre la direction d’une société d’acquisition à vocation spécifique, Odyssey Acquisition, qui a complété un financement de 300 millions d’euros sur Euronext Amsterdam. Le banquier d’affaires se porte d’ailleurs à la défense de ce véhicule d’investissement qui a parfois mauvaise presse en Amérique du Nord.

Les SPAC (pour Special Purpose Acquisition Company) ont la cote, expliquait récemment mon collègue Richard Dufour dans nos pages, en rappelant qu’il s’est réalisé plus de financement par l’entremise de ce type de véhicule de placement depuis 2020 que durant toute la décennie qui a précédé.

Les SPAC, que certains appellent des sociétés coquille vide, permettent à des entreprises d’avoir rapidement accès à du capital tout en réalisant leur entrée en Bourse sans avoir à subir le long et coûteux processus d’inscription.

C’est en fusionnant avec un SPAC que les entreprises québécoises Lion et Taiga se sont récemment inscrites à la cote de la Bourse en récoltant respectivement 500 millions et 185 millions.

« Après quatre ans chez Natixis, j’ai décidé de m’investir dans un truc plus entrepreneurial en me joignant à Odyssey Acquisition et à des gens que je connais bien depuis longtemps », m’explique Jean Raby, joint à Paris.

Originaire de Québec, Jean Raby s’est installé en France il y a près de 30 ans, où il a dirigé le bureau européen de Goldman Sachs avant de devenir directeur juridique et financier de l’équipementier Alcatel et, depuis 2017, PDG de Natixis IM, l’un des plus importants gestionnaires de portefeuille du monde avec des actifs sous gestion de 1100 milliards d’euros (1630 milliards CAN).

Le banquier d’affaires est aujourd’hui co-directeur général d’Odyssey Acquisition. Il s’est associé aux frères Michael et Yoël Zaoui, décrits comme des « stars » des fusions et acquisitions par le journal financier Les Échos, Michel Combe, l’ex-PDG d’Alcatel et actuel PDG de SoftBank Group International, et Olivier Brandicour, ex-PDG de Sanofi.

« J’ai bien connu Yoël Zaoui, qui était chez Goldman Sachs, et son frère Michael, qui était chez Morgan Stanley Europe, ainsi que Michel Combe, qui a été mon PDG chez Alcatel. On a chacun nos spécialités, c’est pourquoi on s’est associés. On se donne un horizon de deux ans pour trouver une société du secteur de la santé ou des TMT pour réaliser une transaction », précise Jean Raby.

Le groupe a collectivement investi 10 millions d’euros dans Odyssey Acquisition et vient tout juste de finaliser un placement privé de 300 millions d’euros sur la Bourse Euronext Amsterdam.

Un SPAC européen

Odyssey Acquisition va concentrer ses efforts en Europe pour dénicher une entreprise qui pourra profiter de ses liquidités parce que le marché y est moins exubérant qu’aux États-Unis.

« On veut soutenir une entreprise dans sa croissance et contribuer avec nos compétences à la pousser plus loin. Un SPAC offre du capital liquide et est bien moins aléatoire qu’une entrée en Bourse. C’est aussi beaucoup plus rapide comme processus.

Une inscription en Bourse peut prendre une année de préparation et beaucoup d’entreprises restent privées parce que c’est trop complexe de passer à travers. En cette période post-COVID, on veut être là pour les accompagner.

Jean Raby

Des entreprises ont déjà sollicité Odyssey Acquisition qui souhaite s’associer à une société dont le modèle d’affaires est éprouvé et qui répond aux critères d’investissement socialement responsable.

Si les SPAC ont eu mauvaise presse en Amérique du Nord, c’est que plusieurs de ces sociétés par acquisition ont vu leur valeur à la Bourse fondre au moment de la fusion avec une entreprise opérante. Jean Raby rétorque que c’est la raison pour laquelle Odyssey Acquisition a réuni une équipe aguerrie d’experts en investissement et que le phénomène des SPAC est beaucoup moins généralisé en Europe.

Le financier n’a jamais voulu commenter les rumeurs qui le plaçaient il y a deux ans comme successeur potentiel de Michael Sabia, mais il affirme aujourd’hui qu’il ne s’agissait que de rumeurs. Il confirme toutefois qu’être PDG de la Caisse de dépôt est en soi un défi stimulant et très valorisant.

« Je comprends très bien Charles Emond d’avoir accepté ce rôle. La Caisse a une fonction importante au Québec et elle est au cœur du développement économique. C’est une grande institution », constate-t-il.

Si la pandémie l’a tenu loin du Québec au cours de la dernière année, il compte bien recommencer à venir faire ses visites régulières auprès des membres de sa famille, notamment.

« J’ai plus de temps à moi et deux de nos importants investisseurs sont aux États-Unis. Je serai plus près pour les rencontrer », évalue-t-il en bon investisseur.