Au sein de mon organisation, on vit une crise interne. Certains problèmes avec la clientèle nous ont placés sans préavis dans une mauvaise posture. Même si tout est en voie d’être réglé, la situation a laissé des traces dans le climat à l’interne. On semble avoir perdu nos repères et on sent une démobilisation du personnel. Comment mettre un frein à cette spirale négative ? — Isabelle

Tout comme les individus, les organisations traversent aussi des moments difficiles : acquisition hostile, contraction économique, mauvaise presse, dirigeant impliqué dans un scandale, mauvaise performance financière. De tels moments laissent des traces au sein du personnel. Songez aux employés de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) qui doivent faire face tous les jours à des clients mécontents alors qu’ils ont peu d’emprise sur les problèmes qui les affectent.

Chaque situation est unique, mais toutes les organisations sont vulnérables aux crises. Cela peut survenir à n’importe quel moment.

Ce qu’est une crise

Est-ce approprié pour Isabelle de qualifier de crise la situation vécue par son employeur ? L’épisode de la COVID-19 peut nous aider à répondre à cette question. C’est un bon exemple de ce que représente une véritable crise. La situation difficile est déclenchée par un évènement soudain, sans qu’on y soit préparé. Aussi, la sortie de crise n’apparaît pas très claire, ni la durée de la situation. On a le sentiment d’avoir peu de prise sur l’évolution de la situation. En conséquence, une crise présente un risque élevé d’engendrer un cercle vicieux. Une chose en amène une autre, fragilisant toujours davantage l’organisation. On perd de vue les priorités, on improvise, on change d’idée, on remet tout en question. Bref, on est en réaction aux évènements qui se succèdent.

Un contexte de crise génère de très fortes émotions (ex. : colère, anxiété, confusion), entraînant souvent une perte de confiance et une baisse du niveau d’engagement. Ces émotions sont quasi impossibles à contrôler, car elles sont fortement sujettes aux rumeurs ou à l’évocation des pires scénarios. Mal canalisées, elles sont susceptibles de mener au départ des meilleurs, à des conflits, à une baisse de productivité et de créativité ainsi qu’à des jeux politiques exacerbés. Si la crise perdure, il deviendra difficile de tenir la route, et les signes de détresse risquent d’apparaître. Les gens vont baisser les bras.

Son employeur semble engagé dans cette voie. Voici quelques éléments utiles qui devraient être mis de l’avant.

Petit guide de survie

Pour Isabelle :

— Être une voix positive. Vos collègues et vous êtes tous dans le même bateau, mais les gens réagissent différemment. Certains vont devenir des voix négatives et exprimer de la colère, de la frustration, du cynisme et blâmer sans nuance les dirigeants, alors que d’autres vont rester optimistes, prendre des initiatives et chercher à résoudre les problèmes. Le premier groupe tire l’organisation vers le bas, dans la spirale négative, tandis que le second facilite la transition vers la sortie de crise. Il apparaît important de se serrer les coudes plutôt que de privilégier le chacun pour soi.

— Exercer son leadership. Vous pouvez faire une réelle différence dans un contexte de crise en étant à l’écoute et en offrant votre aide. Votre gestionnaire risque de devenir un « bouc émissaire des frustrations » si on lui met tout ce qui va mal sur le dos. Faites preuve de tolérance à son égard et démontrez de l’empathie envers vos collègues.

— Prendre soin de soi pour être en mesure d’aider les autres. Il est important de rester attentif à la façon dont la situation vous affecte, ainsi que vos collègues. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, au besoin. Se recentrer sur les aspects sous votre contrôle peut aider à regagner un sentiment de maîtrise. Enfin, dans un contexte de crise, il est suggéré de réévaluer ses attentes à la baisse, que ce soit envers soi-même ou envers les autres.

Pour son employeur :

— Calmer les rumeurs. Dans une crise, on peut difficilement trop écouter et communiquer. Idéalement, le face-à-face est à privilégier. Les efforts de communication doivent respecter quelques principes : continuité, pertinence, réalisme, transparence et modestie – nous ne savons et ne contrôlons pas tout. Il est crucial de laisser le moins de place possible aux rumeurs. Pour cela, donnez l’heure juste, accueillez les questions et répondez-y honnêtement sans fausse promesse.

— S’intéresser aux personnes. Il faut demeurer vigilant car, avec le temps, la détresse devrait se manifester. Il importe de rester connecté aux employés, de les écouter et de répondre à leurs préoccupations. Les groupes de soutien entre employés et les rencontres de groupe ont plus que jamais leur pertinence ou leur utilité.

— Être attentif au talent. Un vieil adage dit que les gens sont comme le thé ; ils ne savent pas à quel point ils sont forts jusqu’au moment où ils se retrouvent dans l’eau chaude. En effet, une crise agit comme un révélateur du talent dans une organisation. Certains vont sortir de l’ombre, se démarquer d’une façon constructive, tandis que d’autres vont décevoir par leur attitude et leur comportement.

— Saisir l’occasion. Un autre adage dit qu’il ne faut jamais laisser une bonne crise se perdre. Comme une crise déstabilise l’organisation, c’est aussi un bon moment pour accélérer certains changements en cours, recentrer les priorités, tester de nouvelles façons d’organiser le travail, raffermir la culture par des gestes symboliques ou simplifier les façons de faire.

— Renforcer le rôle des leaders de proximité. En contexte de crise, ils sont observés et jugés plus que jamais. Ils peuvent donc faire une grande différence en donnant le ton et en faisant savoir aux employés que les prochains mois seront chaotiques et que leurs réactions sont normales. C’est leur rôle d’être présents et visibles sur le terrain afin de les rassurer et de les soutenir. Rappeler que les crises passent et qu’il y aura un après donne de l’espoir. Une autre bonne façon de soutenir ses employés est de réduire le nombre de priorités et d’aligner les contributions vers des résultats bénéfiques à court terme, ce qui redonne un sentiment de contrôle. Enfin, il ne faut surtout pas oublier de célébrer les petites victoires.