Il y a suffisamment d’intérêt à l’endroit de Groupe Juste pour rire (JPR) pour envisager sa vente en un seul bloc plutôt que d’opter pour un démantèlement, selon le responsable du processus. Cinq finalistes convoitent le géant de l’humour insolvable.

Devant la Cour supérieure du Québec, lundi, le contrôleur Christian Bourque, de la firme PwC, a offert un aperçu du processus de vente de l’entreprise, qui bénéficie toujours de la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).

« Nous avons des acheteurs sérieux qui sont intéressés à l’intégralité de l’entreprise, a-t-il expliqué, devant le juge David R. Collier. Ce sont eux qui ont été retenus comme finalistes pour la deuxième phase. »

Une vente de JPR en différents blocs, un scénario évoqué dans les documents envoyés aux acheteurs potentiels par PwC le mois dernier, aurait été plus « compliquée », a expliqué M. Bourque.

Ce scénario aurait notamment mis la table à des négociations entre les repreneurs pour conclure des ententes pour l’utilisation des licences et de la marque du groupe humoristique, a-t-il ajouté. Le représentant de PwC n’a toutefois pas levé le voile sur l’identité des repreneurs potentiels. En principe, ces cinq finalistes ne devraient pas savoir avec qui ils rivalisent. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de fuites, a dit M. Bourque.

« C’est un petit milieu, je pense que les gens le savent, a lancé le contrôleur. Il peut y avoir un peu de commérage. Nous, on ne l’a pas divulgué. Le périmètre d’acheteurs sérieux n’est pas si immense. »

D’après des documents consultés par La Presse, JPR aurait pu se scinder en deux dans le scénario d’une vente en pièces détachées. Les marques, les festivals, les tournées et tout ce qui concerne la production visuelle – tirée en grande partie des activités du festival – auraient été regroupés en un bloc. Les différents catalogues du groupe, dans lequel on retrouve la populaire émission Les Gags, se seraient retrouvés dans le deuxième bloc.

À l’écart

Chose certaine, pour l’instant, les trois actionnaires du spécialiste de l’humour – Bell (26 %), Groupe CH (25 %) et la firme américaine Creative Artist Agency (49 %) – ne sont actuellement pas sur les rangs. En 2018, ceux-ci avaient racheté l’entreprise des mains du fondateur et ex-président Gilbert Rozon, qui était éclaboussé par des accusations d’inconduites sexuelles. Il a depuis été acquitté des accusations criminelles dont il faisait l’objet.

Pas moins de 15 repreneurs potentiels avaient signé des ententes de confidentialité depuis le début du mois de mars pour avoir accès aux livres de JPR. Auparavant, PwC avait pris contact avec près de 130 acheteurs potentiels.

« Le processus s’est transposé par un grand nombre de lettres d’intention », a dit M. Bourque, devant le magistrat.

Depuis la mi-avril, trois rencontres individuelles ont eu lieu avec chacun des finalistes, a-t-il révélé. Les entretiens ont servi à passer au peigne fin plusieurs éléments : les différents créneaux de la compagnie, ses finances ainsi que tout ce qui tourne autour de l’émission Les Gags. Cette franchise devrait générer des revenus annuels supérieurs à 4,5 millions pour encore plusieurs années.

Au moment de se placer à l’abri de ses créanciers, le 5 mars dernier, JPR traînait des créances garanties et non garanties d’environ 50 millions. La Banque Nationale était le principal prêteur garanti (17 millions) du spécialiste de l’humour.

M. Bourque était de retour devant le tribunal afin de demander une prolongation, jusqu’au 31 mai, de la période où JPR pourra continuer à bénéficier de la protection de la LACC. Le contrôleur souhaite avoir plus de temps pour finaliser la vente de la compagnie. Le juge Collier a acquiescé à la demande de PwC.

Quelques autres sujets ont été abordés par le contrôleur dans son témoignage. Tour d’horizon :

Argent volé : la moitié récupérée

JPR devrait être en mesure de récupérer environ la moitié des 814 000 $ qui lui ont été dérobés l’an dernier dans la foulée d’une fraude classique par courriel, selon le contrôleur. Un premier recouvrement de 352 000 $ avait déjà eu lieu en mars dernier. « Il devrait y avoir une autre réalisation pour un montant moindre, a précisé M. Bourque. Cela devrait mettre fin à ce chapitre pour un recouvrement d’un peu moins de la moitié [de la fraude]. » Cela signifie que JPR laissera plusieurs centaines de milliers de dollars sur la table.

Des géants du web payés

Même si JPR est à l’abri à ses créanciers, l’entreprise continue à payer ce qu’elle considère comme des « fournisseurs essentiels ». Il s’agit notamment de plateformes de médias sociaux comme Facebook et Instagram. La raison ? Elles permettent à l’entreprise de « monétiser » ses différents contenus, a plaidé M. Bourque, devant le magistrat. En principe, JPR devrait avoir obtenu le droit de verser jusqu’à 250 000 $, soit 100 000 $ de plus que ce qui a été autorisé jusqu’à présent dans le cadre des procédures en vertu de la LACC.

Toujours à vendre

C’est la firme de courtage Colliers qui a hérité du mandat de vendre le siège social de JPR, situé sur le boulevard Saint-Laurent, au centre-ville de Montréal. Une offre a été déposée, mais elle n’était pas « intéressante », d’après M. Bourque. Ce dernier a expliqué au juge qu’il aimerait vendre l’immeuble au repreneur du spécialiste de l’humour. Autrement, les délais vont s’étirer. Au rôle d’évaluation de Montréal, la valeur de la propriété frôle les 5 millions.

En savoir plus
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    Divisions de JPR : festivals, production télévisuelle, production de spectacles, gérance d’artistes, distribution de contenu, production numérique, évènements corporatifs.
    Source : juste pour rire
    1983
    Présentation du premier festival Juste pour rire.
    Source : juste pour rire